Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
De Scale (Geoffrey West):
Comme la mort, les impôts et l'épée de Damoclès, la deuxième loi de la thermodynamique plane sur nous tous et tout ce qui nous entoure. Les forces dissipatives, analogues à la production de chaleur désorganisée par frottement, sont continuellement et inextricablement à l'œuvre, conduisant à la dégradation de tous les systèmes. La machine la plus brillamment conçue, l'entreprise la plus créative organisée, l'organisme le plus magnifiquement évolué ne peuvent pas échapper à ce sinistre moissonneur. Pour maintenir l'ordre et la structure dans un système en évolution, il faut fournir et utiliser continuellement de l'énergie dont le sous-produit est le désordre. C’est pourquoi, pour rester en vie, nous devons continuellement manger afin de combattre les forces inévitables et destructrices de la production d’entropie. L'entropie tue. En fin de compte, nous sommes tous soumis aux forces de «l'usure» sous ses multiples formes. La bataille pour lutter contre l'entropie en ayant continuellement à fournir plus d'énergie pour la croissance, l'innovation, la maintenance et la réparation, qui devient de plus en plus difficile à mesure que le système vieillit, sous-tend toute discussion sérieuse sur le vieillissement, la mortalité, la résilience et la durabilité, que ce soit pour les organismes, états ou sociétés.
Le progrès peut être vu comme la façon dont l’homme lutte contre la deuxième loi de la thermodynamique en mettant de l’ordre dans l’univers. Pour ce faire il doit transformer de l’énergie, énergie qu’il raffine toujours plus afin de lui donner le maximum d’efficacité, donc d’ordre là aussi:
Une forme très ordonnée d’énergie est l’électricité, obtenue par transformation d’énergie primaire. Les électrons passent maintenant dans des circuits et sont travaillés par des microprocesseurs pour leur donner encore plus d’ordre. Les logiciels permettent de structurer ce flot d‘électrons pour donner du sens à notre environnement. Software is eating the World, lançait Marc Andreessen en 2011. Il est vrai que cette concentration d’énergie est obtenue en se débarrassant de ce qui la dilue. Le monde s’ordonne en dégageant de l’énergie improductive. Il n’est pas d’ordre sans entropie, déchet, chaos… Et plus le monde s’ordonne grâce au software, plus l’entropie augmente.
L’obsession de l’ordre
La façon dont le software envahit tous les pans de la vie quotidienne, le smartphone aidant, est un signe que l’ordre prévaut même sur le progrès. L’ordre n’est plus un point de passage pour le progrès, la domination de la matière, mais une fin en soi, un simulacre. C’est très important à comprendre: le XIX et XX ème siècles ont constitué la période des inventions: après le moteur à vapeur de James Watt en 1763, l’acier Bessemer en 1854 , le moteur à explosion en 1856 puis la première centrale électrique en 1882, le transistor en 1947 et enfin le microprocesseur en 1971. On cherchait à mettre de l’ordre dans la matière, pour se déplacer plus vite, effectuer des constructions plus importantes, etc.. Voir Hausmann par exemple. Ces progrès issus d’une meilleure concentration de l’énergie ont complètement façonné la production à grande échelle et l’organisation des villes. Les gens vivaient au milieu de l’entropie, du désordre, de la fumée et de la pollution car l’essentiel était le progrès, manifesté dans les différentes expositions universelles au XIX ème et XX ème siècles. Les usines étaient au milieu des villes pour des raisons pratiques de transport. Cette illustration montre bien la situation de l’époque:
Vivre au milieu de l’entropie ne doit pas être drôle tous les jours, il est logique que petit à petit les citadins (on parle dans cet article principalement des villes, l’essentiel du PNB) aient essayé de séparer l’ordre du désordre en éloignant ce dernier d’une manière ou d’une autre. Il y a réelle tension entre l’ordre et l’entropie. Dans un très bon article Venkatesh Rao montre que les Etats-Unis depuis la fin du XVIII eme siècle sont tiraillés entre progrès et bucolisme, entre Hamilton et Jefferson. Les villes se développent selon le schéma d’Hamilton mais les citadins rêvent d’un monde Jeffersonien. Au XIX et XX ème siècles, l’Amérique a nettement basculé dans le camp du progrès, des usines et de la production de masse, le consumérisme en revanche s’est retranché dans l’ère bucolique, dans le monde de la représentation d’un monde abouti à portée de main, sans l’entropie qui va avec. Les grands magasins faisaient revivre en ville la présence de la campagne, des couleurs, sa fraîcheur, etc…tout en cachant l’entropie dégagée pour faire arriver les marchandises sur l’étalage. D’après Wikipedia:
Le premier magasin Au Bon Marché fut fondé en 1838 par les frères Paul et Justin Videau sous la forme d'une grande boutique (douze employés et quatre rayons) de mercerie vendant aussi des draps, matelas et des parapluies. Ils s'associent en 1852 avec Aristide et Marguerite Boucicaut qui se lancent dans la transformation du magasin, développant alors le nouveau concept de grand magasin avec un vaste assortiment large et profond, des prix fixés à faible marge et indiqués sur une étiquette, un accès direct, le principe du satisfait ou remboursé et une mise en scène de la marchandise dans un espace de vente : ce type de magasin ne vend plus simplement des marchandises mais le désir d'acheter lui-même.
Les grands magasins étaient à l’époque des îlots qui permettaient de s’évader de l’entropie environnante acceptée par ailleurs comme le prix à payer du progrès. Aujourd’hui, les populations acceptent le progrès mais pas le désordre l’accompagnant. C’est un changement de mentalité radicale. On veut un monde de représentations loin de la machine. Le succès des parcs Disney à partir des années 30 est également un signe de ce désir d’évasion dans un monde théâtralisé, toute la machinerie étant cachée comme le montre Mathieu Ball dans cet article:
Il est facile de ne pas voir à quel point Disney a travaillé dur pour préserver la magie du spectacle et maintenir le public immergé. Les parcs Disney ont des centaines de milliers de mètres carrés de tunnels souterrains invisibles et de portes cachées qui ne sont jamais utilisées par les visiteurs. Ils existent au contraire pour que les employés du parc puissent s'y déplacer sans interrompre les visiteurs, et pour que les acteurs puissent se rendre sur des "terrains" à thème sans être repérés dans le mauvais ("maman, pourquoi Captain America est-il sur Tatooine ?") ou sans devoir ignorer les clients.
Progressivement, l’ordre est devenu une fin en soi comme un signe du progrès, et non un aliment du progrès. L’entropie doit être cachée, c’est l’exigence numéro 1, parce que l’on est passé d’une société où le progrès est roi à une société où le consommateur est roi. En témoigne l’orientation très nette de l’IA vers la consommation:
Pour cacher l’entropie, il faut aussi cacher la machine à produire de l’ordre, de la centrale électrique aux parcs de serveurs, et mettre en avant la représentation imagée d’un monde ordonné . C’est le pouvoir de l’application, de Google map à l’emoji d’Apple, de la réalité augmentée des AirPods à la réalité virtuelle de Facebook, le logiciel nous fait passer dans l’ère de la représentation. Mais le logiciel n’est pas le seul vecteur. La vie économique toute entière, plus seulement le grand magasin, devient une scène de théâtre idyllique où le consommateur est plongé, pour son plus grand délice. Tesla est la représentation aboutie d’un monde ordonné sans pollution ni dégradation avec pourtant des performances étonnantes (accélérations, conduite autonome). Comment ne pas voir le Cybertruck comme un décor de théâtre ? On veut oublier toute l’entropie dégagée pour fabriquer cette Tesla et ses batteries: au mieux des panneaux solaires fabriqués à la chaîne en Chine, au pire des centrales à charbon placées le plus loin possible des lieux de consommation. On a le choix entre béton et charbon comme le montre la photo de la construction de l’usine de panneaux solaires de Solyndra (Californie):
Le business spectacle
Vouloir bannir l’entropie de son environnement conduit à vivre dans un monde irréel, de représentation, un monde théâtral:
On ne veut plus de matériaux car les matériaux s’usent, se décomposent selon la deuxième loi. On veut juste pouvoir répondre à une fonction à un instant t, en utilisant des objets dont on n’a pas à se préoccuper de l’entretien. Plutôt que de posséder une voiture, on utilise Uber. La voiture est plantée dans le décor comme un objet immuable, une abstraction. Ce qui est valable avec la voiture (important poste à amortir dans le budget des ménages), l’est aussi avec le logement (Airbnb) ou la cuisine (Cloud Kitchen). Tous les postes à amortir sont bons à prendre pour être remplacés par des fonctions disponibles à partir d’un smartphone. Cela ne change pas d’un iota l’entropie, mais l’abstraction de l’objet l’éloigne de nous, la place derrière le décor.
Plus que jamais, on veut évoluer dans un décor consumériste idéalisé, où tout ce qui s’use est caché. De Emerging Tech Brew (26 février 2020):
Amazon a officiellement ouvert sa première grande épicerie Go Grocery, sans caisse, dans le quartier de Capitol Hill à Seattle. D'une superficie d'environ 5 000 m², elle ressemble à une boîte de nuit avec des truites sauvages.
La plupart de la magie qui s'y produit est invisible. La saisie des objets et le départ du magasin sont surveillés par des caméras aériennes, un système de vision par ordinateur et un système de géofencing pour smartphones. L'apprentissage machine dans le cloud traite l'activité des acheteurs. Et tout cela est fait exprès : Amazon dit qu'il garde intentionnellement la technologie cachée du regard.
Amazon Go est un exemple de scène théâtrale mais on pourrait en citer bien d’autres: Whole Foods Market (qui n’a rien d’un marché), la Grande Épicerie du Bon Marché (où tout est cher), les magasins bio (on a l’impression d’être à la sortie du champ de carottes), les Apple Store minimalistes (où il n’y a rien sauf quelques produits Apple sortis de nulle part), etc.
On se convainc d’être dans un monde en plein progrès mais on ne crée plus rien, on réarrange des objets existants pour les utiliser mieux, les mettre à disposition exactement en fonction du besoin. On abolit les barrières à l’utilisation des objets, ils deviennent abondants, donc banals et on n’a décidément plus envie de les posséder. Là aussi, on est en plein simulacre de progrès, on ne progresse pas sur la densité énergétique, donc pas plus sur la transformation des matériaux. On va simplement plus vite à satisfaire sa soif de consommation.
Quels enseignements stratégiques pour les entreprises ?
Dans un tel monde, le logiciel est roi, il permet de satisfaire plus rapidement et précisément la consommation et de faire abstraction du monde des objets, de filtrer l’entropie. Il n’est donc pas étonnant qu’il envahisse toutes les sphères de la vie économique, devenant progressivement l’interface de tout produit ou service, avec un modèle SAAS de préférence car même le logiciel ne s’use plus ! La transformation de l’univers concurrentiel est profonde. En effet, le logiciel (aidé par l’internet) présente la caractéristique d’un coût marginal nul, tant production que distribution. Son modèle économique est donc horizontal: il doit toucher le maximum de monde possible. La concurrence est donc extrêmement vive et oblige à une forte spécialisation pour percer et garder un écart entre prix et coût marginal. C’est le travers des sociétés à coûts fixes élevés et à faible coût marginal: si elles sont en concurrence, elles risquent de baisser leur prix jusqu’à atteindre leur coût marginal, prêtes à tout pour gagner des clients, et finalement enregistrer des pertes. C’est ce qui s’est produit pour les compagnies aériennes pendant de nombreuses années avec faillites répétées: les compagnies aériennes se ressemblaient trop. Dans le domaine des applications c’est le travers qu’il faut éviter, l’ultra-niche est la clé, il ne faut pas avoir de concurrents. Les valorisations de Box et Dropbox, deux sociétés SAAS qui se ressemblent avoisinent 3 fois le chiffre d’affaires alors qu’OKTA, unique en son genre vaut 20 fois, de même Alteryx (25 fois) ou Zoom (50 fois). Le logiciel demande une différenciation extrême, être dans le milieu est déjà être out. C’est pourquoi les e-commerçants qui n’offrent pas de valeur ajoutée particulière ont des soucis à se faire (faillite récente de Brandless par exemple). Il faut opposer à la forte différenciation du logiciel, la banalisation des objets qui sont non seulement abondants mais aussi dans de multiples cas recyclés (réchauffement climatique aidant). Cela a des conséquences sur l’industrie qui devient une composante modularisée, sans valeur ajoutée, de l’ensemble de la chaîne.
Plus important encore, la notion de progrès est travestie. On ne cherche plus à avoir le pouvoir sur la matière. La course à la densification énergétique, condition nécessaire aux grandes découvertes est terminée: une éolienne produit au maximum 2,5 W/m2, un panneau solaire 10 W/m2 alors qu’une centrale classique fournit entre 100 W/m2 et 1 000 W/m2. On veut limiter l’entropie, réchauffement climatique oblige. Le seul progrès matériel qu’on autorise est d’augmenter le nombre de transistors sur une puce. Cela fait évidemment l’affaire des grandes sociétés technologiques car les risques pour elles de se faire déplacer sont minimes dans un monde stratifié où tout tourne autour d’elles.
Enfin, même si l’entropie est reléguée derrière la scène, elle est bien réelle, diffusée par les centres de données, plus particulièrement l’activité des serveurs et toute la câblerie qui l’accompagne. Les groupes qui arrivent à prendre en charge de manière économique la gestion de l’entropie, c’est à dire de l’aiguillage et du transport des électrons ont la meilleure part car ils tiennent tout l’édifice:
Le cloud est une industrie d’échelle: l’énergie nécessaire pour maintenir un serveur n’augmente pas linéairement avec la taille de ce serveur. Si un serveur de taille X requiert une quantité Q d’énergie pour fonctionner, un serveur de taille 2X nécessitera 1,85 Q. On peut extrapoler au centre de données. Cela signifie que les entreprises n’ont aucune chance face à un cloud. Toutes devront y passer un jour ou l’autre car elles n’ont pas les économies d’échelle. Ce raisonnement est applicable au middleware également. Les centres de données dans le cloud résolvent deux problèmes simultanément: ils réduisent l’entropie relative, grâce aux économies d’échelle (économies d’énergies=moindre entropie) et ils l’éloignent des lieux de vie. La croissance du marché du cloud est donc inévitable et on est encore au début du mouvement.
Le modèle économique du cloud est comme celui du logiciel fondé sur un coût marginal très faible. Mais à la différence de ce dernier, la différenciation n’est pas possible, rien ne ressemble plus à un serveur qu’un autre serveur: le cloud est un pur combat d’échelle, donc il n’y a pas de place pour de nombreux acteurs. Dans un premier temps, la croissance du marché peut faire illusion mais le réveil risque d’être douloureux pour les acteurs mineurs. Le marché potentiel du cloud est de plusieurs $ trillions, alors que les opérateurs cloud réalisent aujourd’hui un chiffre d’affaires d’une centaine de milliards de dollars. Le déplacement de l’informatique propriétaire vers le cloud est effectué a peut être 5%, il y a encore à court terme de la place pour plusieurs opérateurs. Cependant à terme, il n’en restera probablement que 2 ou 3 maximum. Il faudra choisir entre AWS, Azure ou Google Cloud Platform, qui sont déjà très en avance sur les autres et investissent massivement.
Du fait de leur effet d’échelle massifs, ces deux ou 3 plates-formes seront le point de passage obligé pour l’IT, et pourront prendre des marges confortables. Imaginez un monde où il n’y a plus que 2 companies aériennes: leur santé financière ne serait pas la même. Seulement le transport d’électrons ne peut se comparer au transport de personnes. L’aspect local est bien plus important pour le deuxième, ce qui explique le développement de compagnies locales d’abord (Air France, KLM, Singapore Airlines, etc.) qui se neutralisent les unes les autres résultant dans une concurrence féroce sans véritable leader. Les électrons passent les frontières et ne reviennent pas à leur point de départ…le marché est global et homogène favorisant l’émergence de dominants.
Il faut dès lors considérer avec une certaine suspicion les affaires essayant de conserver une informatique hardware et middleware propriétaire. Cela peut se justifier dans certains cas où la sécurité est un élément de l’avantage concurrentiel (banques par exemple). Cependant même dans le cas des banques, cela reste discutable. Cette stratégie risque fort de les ralentir dans leur développement, les obligeant à investir leurs ressources dans un domaine où ils sont en désavantage, à surdimensionner leur hardware et a retarder la création de produits et services modernes. Certaines banques en avance sur l’IT comme Capital One Financial ont décidé de tout transférer sur le cloud public. Après tout, le Pentagone est bien sur le cloud public alors qu’on peut penser que la sécurité est une de leur préoccupation première. Plus étonnant, des sociétés internet décident parfois de faire cavalier seul: Dropbox par exemple a choisi de quitter AWS en 2015 pour constituer son propre cloud. On peut douter de la pertinence d’une telle démarche. La constitution de son propre cloud nécessite 1/ un effet d’échelle considérable, comme Apple, Facebook ou encore Salesforce, 2/ un véritable avantage en terme de sécurité par rapport aux cloud existants. Peu de sociétés réunissent les deux conditions. Cependant, il reste un argument fort pour ne pas tout basculer sur un cloud public. Comme toute société, AWS ou Azure avec la taille, vont être de plus en plus difficiles à gérer, la bureaucratie est inévitable, leur efficacité va baisser et l’entropie gagner du terrain. Comme le dit Georges West aucun organisme ne peut résister au grand moissonneur. Dès lors, il peut sembler de bonne politique de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. L’adoption d’une plate-forme logicielle, type Openshift, permettant de passer rapidement d’un cloud à l’autre est une solution intelligente au risque posé par l’inévitable entropie d’un opérateur cloud donné.
Quelles conséquences en dehors de l’IT ? La loi de conservation des profits attractifs donne des clés. Rappelons là:
La loi de conservation des profits attractifs, énoncée par Clayton Christensens (un grand penseur de l’innovation décédé la semaine dernière) est bien utile dans ce type d’analyse. Elle stipule que dans une chaîne de production, le profit se concentre sur la tâche qui n’est pas suffisamment bien remplie aux yeux des consommateurs, le reste des tâches étant modularisées. Elle stipule également que quand la tâche qui concentrait le profit devient suffisamment remplie aux yeux du consommateur, le profit se déplace à un nouvel endroit de la chaîne où la satisfaction du consommateur est insuffisante. Cette loi est particulièrement adaptée aux secteurs qui évoluent vite comme la technologie. Dans l’industrie du PC, pendant des années, le problème était le cerveau de l’ordinateur (Microsoft+ Intel), le reste des pièces étant relativement facile à faire et collant à la demande (disque dur, unité centrale, etc.). Puis quand la demande s’est déplacée sur le smartphone, ce qui ne collait pas était l’expérience utilisateur nécessitant une intégration de toutes les pièces et software dans un petit espace, le cerveau était amplement suffisant, d’où Apple. Le corollaire de cette loi est l’intégration de toutes les pièces nécessaires pour accomplir la tâche qui ne satisfait pas la demande. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces pièces doivent être améliorées en fonction des feedbacks utilisateurs et que l’intégration facilite la vitesse de réponse au feedback. On en revient à l’avantage de la boucle OODA: elle détermine les gagnants. Les parties qui sont suffisantes peuvent être sous-traitées et évoluer au rythme des avancées du sous-traitant.
Quelles sont les parties les plus importantes aujourd’hui: le consommateur, le logiciel pour mettre en face l’offre (existante) répondant à sa demande et l’infrastructure cloud nécessaire pour faire fonctionner au mieux le logiciel. Il y a donc intégration entre les trois éléments, le reste de la chaîne étant modularisée. C’est un contraste avec le monde ancien où les objets étaient rois, intégrés à la recherche, à la fabrication et au marketing. Voici une représentation graphique du monde ancien, celui du progrès et du monde nouveau, celui du simulacre:
On voit bien dans cette représentation le rétrécissement du monde nouveau, contraire aux apparences d’un monde en progrès. Le monde ancien laissait sa chance aussi bien à la recherche qu’à l’industrie, au marketing et à la distribution, le laissé pour compte étant le client, qui devait accepter ce qu’on avait à lui vendre. Il y avait de ce fait une diversité économique et un équilibre des pouvoirs entre production et distribution. Le monde nouveau est focalisé sur le client et la curation du contenu, le reste de l’économie passant au second plan. La valeur se concentre sur la partie théâtrale de l’économie, le changement de décor fait office de progrès, l’art combinatoire a remplacé la transformation de la matière. Au final, en figeant l’entropie, on fige également les possibilités de progrès et favorise les positions acquises, pour le plus grand bonheur de la Silicon Valley…
Bonne fin de semaine, dans ces temps difficiles,
Hervé