Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
Du fait du montant colossal de données qu’ils collectent, Google et Meta sont facilement assimilés dans l’imaginaire collectif à la Stasi: fichant leurs utilisateurs pour pouvoir exploiter leurs faiblesses et les manipuler à leur guise, sans se soumettre au pouvoir des parlements. D’après Wikipedia:
Le MfS (Stasi) était principalement la police secrète de la RDA, qui agissait comme un organe de surveillance et de répression du Parti communiste sans contrôle juridique parlementaire et administratif et contrôlait tous les domaines de la société de la RDA.
Ces deux groupes sont considérés par les états occidentaux comme des électrons libres qui sont venus leur ravir le contrôle de l’information. Alors que les consommateurs ont une attitude ambivalente à leur égard (ils craignent certes l’exploitation à outrance de leurs données mais ils apprécient trop leur service pour s’en passer), les états n’ont eux pas d’état d’âme: il convient de remettre Google et Meta à leur juste place. Leur taille fait également naître des préoccupations légitimes sur la façon dont ils peuvent abuser de leur position dominante pour contraindre la concurrence.
Aussi, pour limiter le pouvoir de ces deux monstres rémunérés par la publicité numérique, pour les toucher au cœur et favoriser l’émergence de concurrents, il y a deux solutions principales, l’une à l’entrée, l’autre à la sortie:
Limiter la masse de données qu’ils collectent,
Limiter l’usage qu’ils font des données collectées.
La tentation réglementaire
L’Union Européenne, en pointe sur la réglementation en matière de technologie s’est attelée résolument et sans état d’âme à ces deux sujets. Le premier a été géré avec le RGPD (règlement général sur la protection des données) entré en vigueur 2018, le second avec les DMA (règlement sur les marchés numériques) et DSA (règlement sur les services numériques) applicables dès 2023. Le DMA notamment est particulièrement explicite sur son objectif. D’après le site de la République Francaise:
La législation sur les marchés numériques (DMA) vise à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des géants d’internet et corriger les déséquilibres de leur domination sur le marché numérique européen.
Quant au DSA, il vise notamment, d’après le site Vie publique à:
aider les petites entreprises de l'UE à se développer ;
renforcer le contrôle démocratique et la surveillance des très grandes plateformes et atténuer leurs risques systémiques (manipulation de l'information...).
On comprend bien la volonté de l’Union Européenne d’éviter la concentration trop forte de la publicité numérique car c’est un modèle de monétisation qui permet l’émergence de nouveaux acteurs, donc favorise l’innovation. Il est plus facile pour une start up de gagner des clients en monétisant son offre par la publicité qu’en la faisant payer. De plus, cette start up peut se faire connaître au moindre coût en faisant jouer la concurrence entre plateformes publicitaires.
Cependant au lieu d’agir à posteriori en fonction de grands principes (libre concurrence, protection du consommateur), l’Union Européenne applique un cadre strict à priori. Ce cadre entraîne des effets pervers car il permet aux plus puissants d’en respecter la lettre et pas l’esprit, tout en pénalisant les petits: Une amende de 6 % du chiffre d’affaires par exemple va d’avantage défavoriser un second couteau à 5 % de marge opérationnelle qu’un leader qui en dégage 40%. Toute loi trop précise entraîne des vulnérabilités faciles à exploiter par les puissants, moins par les faibles. C’est d’autant plus vrai quand le législateur ne connaît pas bien le secteur en question ou que ce secteur est très évolutif comme la technologie. En l’occurrence, les pouvoirs publics ont du mal à concevoir que les internautes ne sont pas obligés d’utiliser Google par exemple et que par un simple click il peuvent aller sur Duck Duck Go. Les internautes utilisent Google parce qu’ils préfèrent ce moteur de recherche malgré tous ses inconvénients potentiels, dont l’utilisation de données personnelles. Apparemment les pouvoirs publics savent mieux que leurs administrés ce qui est bon pour eux…
Au final on a là une leçon sur l’art de tuer l’innovation.
La fin de l’approche déterministe
Le RGPD marque un point de rupture pour le modèle économique de la publicité numérique, contraignant progressivement cette industrie à un changement d’approche radical. Parmi les six grands principes du RGPD, l’un, louable à priori, aura une influence décisive: l’obligation de transparence. D’après la CNIL, principe numéro 2:
Les individus doivent conserver la maîtrise des données qui les concernent. Cela suppose qu’ils soient clairement informés de l’utilisation qui sera faite de leurs données dès leur collecte. Les données ne peuvent en aucun cas être collectées à leur insu.
Or, le fonctionnement de la publicité numérique jusqu’alors reposait sur le partage de données. Il permettait de suivre l’internaute (plus exactement son PC ou smartphone ) sur son parcours internet, de l’intérêt manifesté pour un produit à la vue d’une publicité jusqu’à son achat effectif le cas échéant. Cette dernière information était capitale pour cibler la publicité. Toutes les plateformes étaient à égalité d’information sur l’attribution d’un achat, quelles que soient leurs tailles. Le feed-back entre l’attribution et le ciblage ne dépendait pas d’un quelconque effet réseau ou d’échelle, limitant l’avantage des grosses plateformes, permettant aux petites d’offrir un service de qualité à moindre coût. Les annonceurs eux mêmes avaient un levier sur les plateformes, détenant une information capitale sur les acheteurs qu’ils pouvaient faire remonter. Ils étaient ainsi en capacité de monétiser ce levier, ce qui était plus facile avec les petits qu’avec des mastodontes comme Facebook. Le marché trouvait un certain équilibre malgré la domination de Google et Facebook sur la publicité numérique..
Le RGPD en soi n’a pas bouleversé cet équilibre:
La publicité numérique dans l’Union Européenne ne représente qu’une petite partie du marché (10% à 15%)
Les éditeurs de site ont pu se conformer au RGPD en demandant l’autorisation d’utiliser leurs données aux internautes à chaque passage sur leur site. Ceux-ci cliquent vite sur l’option mise en avant pour se débarrasser du pop up.
En revanche, il a donné une ouverture à Apple pour s’afficher en gentil en opposition aux méchants Google et Facebook. C’était habile de se mettre du côté de ceux qui protègent la vie privée des gens contre la Stasi…Belle opération de relation publique en plus de l’affaiblissement de compétiteurs…
Suite au RGPD, Apple a bloqué les cookies tiers et la publicité dans son navigateur Safari par défaut (2020). Dès lors, les apps, dépendantes à 100% d’IOS devenaient la voie privilégiée pour faire de la publicité. L’engouement pour l’iPhone a fait le reste. Apple contrôle par l’iPhone le comportement de la proportion la plus riche de la population mondiale, celle qui fait des dépenses et intéresse les annonceurs. Suite au blocage publicitaire de Safari, Apple a conçu sa propre version du RGPD, par sa réforme introduite dans iOS 14.5 en 2021: elle impose à chaque application au moment de son téléchargement de demander une fois pour toute à l’utilisateur la permission de collecter les données de son parcours entre apps. Voici le tweet d’introduction de Tim Cook, qui vise clairement Facebook:
La question est posée de sorte à ce que les utilisateurs répondent non. Quel bénéfice à répondre oui, quel ennui à répondre non ? Dès lors s’est produit ce qui devait arriver: les plateformes ont été privées de collecte des données d’achat provenant des annonceurs, le lien entre attribution (qui a fait l’achat ?) et ciblage (qui va faire l’achat ?) a été coupé pour le plus grand malheur des plateformes. Elles sont devenues aveugles et les tarifs publicitaires se sont ajustés à la baisse.
Suivant Apple, Google n’a pas voulu être perçu comme un méchant (isolant au passage Facebook). Il a donc introduit avec réticence des mesures pour restreindre le partage entre apps Android, mesures qui entreront en vigueur prochainement. Leur impact sera bien moins fort que celui de la réforme d’Apple car:
Le marché publicitaire a anticipé et s’est déjà adapté
Google propose des solutions algorithmiques pour remplacer l’attribution déterministe de meilleure qualité que celles d’Apple.
Android a moins d’impact qu’iOS sur le marché publicitaire, s’adressant aux moins riches.
La recomposition du paysage publicitaire
Toutes les plateformes publicitaires ont été touchées dans un premier temps, des plus petites aux plus grandes par cette réduction tarifaire. Seules exceptions, les publicitaires intégrés comme Apple ou Amazon qui n’utilisent pas de mécanismes de partage de données, s’en sont trouvés renforcés.
La réaction des petites plateformes
Elles trouvent des solutions de fortune pour contourner iOS 14.5 et éviter la décomposition. Cela leur permet de résister dans un premier temps, mieux que Facebook, pouvant donner l’illusion que l’objectif est accompli:
le fingerprinting. D’après la CNIL:
Le fingerprinting, ou « prise d’empreinte » est une technique probabiliste visant à identifier un utilisateur de façon unique sur un site web ou une application mobile en utilisant les caractéristiques techniques de son navigateur.
Le matériel dont se sert l’utilisateur pour se connecter fournit un certain nombre d’informations au serveur, par exemple la taille de l’écran ou le système d’exploitation. Ces informations, si elles sont suffisamment nombreuses, peuvent permettre distinguer les individus entre eux et de les suivre de manière similaire aux cookies. Les mécanismes de gestion ou blocage des cookies ne permettent pas de s’opposer à cette technique : il faut mobiliser d’autres techniques peu accessibles (comme une extension qui modifie aléatoirement les paramètres transmis par le navigateur).
Le fingerprinting est très efficace pour dresser un profil de l’internaute grâce aux informations récupérées sur l’appareil (navigateur utilisé, processeur, type d’écran, adresse IP, débit, etc.). Il se substitue aux cookies bloqués dans Safari puis dans les autres navigateurs (Firefox en 2019, Chrome en 2023). Cette technique a permis d’amoindrir les effets d’iOS 14.5 pour les petites plateformes qui l’utilisent. Elle n’est cependant qu’un expédient de court terme car en ligne de mire d’Apple.
Les plateformes de médiation: leurs clients ne sont pas les annonceurs qui cherchent des cibles mais les éditeurs de site qui cherchent les meilleurs prix. Elles organisent pour ce faire des enchères entre annonceurs sur chaque emplacement publicitaire réservé par les éditeurs. Un effet secondaire est qu’elles obtiennent ainsi des renseignements sur la valeur de chaque emplacement et en déduisent un profil des visiteurs de ces sites. L’astuce est de combiner une plateforme traditionnelle et une plateforme de médiation pour croiser les informations et enrichir le profil des internautes. C’est le cas d’AppLovin qui a lancé sa plateforme de médiation MAX, particulièrement efficace car elle concentre 75% des éditeurs de jeux mobiles les plus populaires. Cette astuce pour récupérer une partie des données perdues par la réforme d’Apple ne peut d’appliquer qu’à des niches où les éditeurs sont aussi les annonceurs (par exemple jeux mobiles). Cela en restreint la portée.
Acheter des apps pour construire un réseau publicitaire propriétaire. Le partage d’informations entre apps ne pose plus de problème dans ce cas. La difficulté est qu’il faut avoir de l’argent pour gagner en effet d’échelle, ce qui limite les possibilités pour les petites plateformes.
Ces mesures ne sont que des bouts de ficelle qui ne font que retarder l’inéluctable: la balkanisation des sites/apps ne fait qu’accroître la domination des gros.
La réaction des plateformes géantes
Elle a été très simple: investir massivement dans les puces d’intelligence artificielle et les algorithmes; remplacer l’approche déterministe ancienne (je sais ce qu’a acheté untel) par une approche probabiliste la plus précise possible:
On peut constater une accélération des dépenses à partir de 2018, en particulier chez Meta, moins engagé sur l’IA au départ qu’Alphabet qui avait conçu sa propre puce (nommée TPU) dès 2017. Ces sociétés bénéficiant de données massives sont capables de faire de l’analyse par cohortes impossibles à répliquer par des plateformes plus modestes. Si l’avantage que pouvaient tirer Meta et Google de la réglementation n’était pas visibles au départ, il va devenir manifeste à partir du moment où leurs investissements commencent à porter leur fruit, les probabilités s’approcher des 100% de l’analyse déterministe antérieure. C’est maintenant ! L’étau va se se resserrer sur les petits et les moyens (Snapchat ou Twitter par exemple) qui n’auront d’autres solutions que de sous-traiter leur business publicitaire ou d’adopter un modèle payant, au risque d’un exode d’utilisateurs. Certains l’ont déjà fait en précurseurs comme Pinterest par exemple. La concentration est en marche. Elle ne va pas s’arrêter là.
L’engrenage
Le DMA (Digital Market Act) vise clairement à rétablir l’équilibre entre petites plateformes et géants de l’Internet. On y trouve comme une prise de conscience du déséquilibre entre petits et gros. D’après la République Française:
Selon la Commission européenne, plus de 10 000 plateformes en ligne – dont 90% sont des petites et moyennes entreprises - opèrent en Europe, mais seules les plus grandes plateformes dites "systémiques" captent l’essentiel de la valeur du marché numérique européen.
C’est pourquoi des outils de régulation sont mis en place en amont pour :
créer une concurrence loyale entre les acteurs du numérique, notamment au profit des petites et moyennes entreprises et des start-up européennes ;
stimuler l’innovation, la croissance et la compétitivité sur le marché numérique ;
renforcer la liberté de choix des consommateurs européens.
Malgré les effets induits qu’a pu provoquer le RGPD, l’Union Européenne continue en stipulant:
Les contrôleurs d’accès ne pourront plus réutiliser les données personnelles d’un utilisateur à des fins de publicité ciblée, sans son consentement explicite.
L’intention une fois de plus paraît bonne: le DMA prend bien garde cette fois de n’appliquer ses diktats qu’aux gros: les plateformes qui fournissent des services essentiels dans au moins trois pays de l’Union Européenne, réalisent 7,5 milliards de chiffre d’affaires minimum avec une capitalisation boursière de $75 milliards, enfin plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels (10 000 professionnels) dans l’Union Européenne. En réalité cela signifie que dès qu’une plateforme atteint 5 % du chiffre d’affaires de Meta, 10% de sa capitalisation boursière et 15 % de son nombre d’utilisateurs dans l’UE, elle est soumise aux mêmes obligations que ce dernier. Sont donc protégés ceux qui ne peuvent pas nuire à Meta et restent dans l’ombre.
Le DSA dans la même veine cherche à favoriser les petites plateformes en distinguant celles de moins de 45 millions d’utilisateurs actifs et les très grandes plateformes (de plus de 45 millions). Les obligations sont graduées en fonction de la taille mais la limite de 45 millions favorise les très grands en ajoutant des frais fixes pour tous. Le profilage est encore plus encadré, l’innovation contrainte au nom de la transparence:
Les plateformes doivent par ailleurs expliquer le fonctionnement des algorithmes qu'elles utilisent pour recommander certains contenus publicitaires en fonction du profil des utilisateurs. Les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche doivent proposer un système de recommandation de contenus non-fondé sur le profilage et mettre à disposition du public un registre des publicités contenant diverses informations (qui a parrainé l’annonce, comment et pourquoi elle cible tels individus...).
La publicité ciblée pour les mineurs devient interdite pour toutes les plateformes, de même que la publicité basée sur des données sensibles comme les opinions politiques, la religion ou l’orientation sexuelle (sauf consentement explicite).
La réaction prévisible de Meta et Google
La clause du DMA sur le profilage parait à première vue bénigne car il suffit d’avoir le consentement de l’utilisateur pour lui montrer de la publicité ciblée. Le RGPD au départ et jusqu’à la réforme d’Apple n’a pas eu beaucoup d’impact car il était facile de s’arranger pour que les utilisateurs acceptent que leurs données soient collectées, en leur faisant perdre du temps dans le cas contraire. Puis Apple a simplement facilité le refus avec les conséquences étudiées plus haut. Qu’en sera-t-il cette fois ?
La Norvège, qui n’est pas membre de l’union Européenne, donne le ton: sa cour suprême vient de condamner Meta à une amende de presque € 100 000 par jour, considérant que la demande d’autorisation de montrer de la publicité ciblée n’est pas assez explicite (cachée dans les conditions générales). Il est probable que rapidement l’interprétation européenne soit aussi stricte, voire plus que la Norvège. L’Union Européenne va inventer sa propre version de la clause d’acceptation, suivant l’exemple montré dans iOS 14.5 (du style «le tabac nuit gravement à votre santé »)
Pour Meta la publicité ciblée est vitale. Sans ciblage, les tarifs publicitaires s’effondrent. Google résisterait un peu mieux car il pratique aussi de la publicité contextuelle. Le reste du marché serait décimé (TikTok, Twitter, Snapchat…). La seule solution pour faire face à un tel tsunami est de faire payer l’utilisateur, de diversifier le modèle économique. BDM, le 4 octobre 2023:
Depuis quelques semaines, Meta propose déjà un abonnement payant avec l’offre Verified, qui permet aux créateurs de certifier leur compte. Cette formule, aux tarifs de 13,99 € par mois sur desktop et 16,99 € par mois sur mobile, finalement bien acceptée par les utilisateurs, a pu ouvrir la porte aux ambitions de Meta quant à la mise en vente d’abonnements payants. D’après une information du Wall Street Journal début octobre, confirmée par l’AFP, Meta réfléchirait à plusieurs offres : les abonnés pourraient payer environ 10 euros par mois sur ordinateur et 13 euros par mois pour les applications mobiles. Un compte supplémentaire nécessiterait une sur facturation de 6 euros par profil.
Meta suit Google qui a décidé de faire payer $30 par mois pour Duet AI, son copilote d’intelligence artificielle.
Un tour de vis supplémentaire
Meta proposera une alternative simple à ses utilisateurs: acceptez vous de recevoir des publicités adaptées à votre profil ? Sinon souhaitez vous payer un abonnement qui vous libère de toute publicité ? En positionnant le tarif à €10 par mois, largement au dessus du chiffre d’affaires mensuel par utilisateur en Europe (environ €6,6), Meta introduit une offre premium qu’il lui sera aisé de rendre attractive grâce à ses capacités en IA générative. Meta a les serveurs, les puces, les données et le modèle de fondation Llama. Il peut créer une offre de base avec publicité ciblée et une offre premium (à la façon de ChatGPT). Meta aura un avantage de coût (de même Google) sur les autres acteurs, un avantage qualitatif sur les bots (grâce aux données et au modèle), enfin un avantage sur le réseau avec qui partager les bots et leurs interactions. L’offre aura probablement un certain succès sans déplumer l’offre gratuite avec publicité ciblée.
Comment les petites plateformes vont elles pouvoir résister ? Contraintes également sur le profilage publicitaire, avec des coûts supplémentaires de contrôle induits cette fois par le DSA, elles devront proposer également une alternative d’abonnement. L’offre payante risque de faire pâle figure face à celle des géants équipés de leurs propres modèles de fondations accessibles à bas prix pour leurs utilisateurs (voir mon article La course de la reine rouge). La tentative récente d’Unity pour faire payer les utilisateurs de son moteur de jeux financé par la publicité s’est traduite par la démission du directeur général. Linda Yaccarino, directrice générale de X, a perdu sa crédibilité en se faisant l’écho d’Elon Musk et de sa suggestion de mise en place d’une offre payante pour tous. Avec une offre publicitaire ciblée de plus en plus controversée, inefficace et coûteuse, une offre payante peu attractive, des utilisateurs divisés entre les deux propositions, les petites plateformes risquent la disparition au profit des géants.
Manquant de données pour cibler leurs utilisateurs, le ciblage devenant pour sa part plus coûteux, les plateformes seront tentées de proposer aux annonceurs de l’IA générative pour les aider à concevoir leur message publicitaire et les rendre plus percutants. Mais là aussi les grandes plateformes seront à leur avantage avec des offres moins onéreuses sur des modèles mieux entraînés. Meta a ainsi déjà lancé en mai un service appelé AI Sandbox, Google va suivre. Il sera difficile là aussi de rivaliser avec des géants qui ont le hardware et les données pour entraîner et faire tourner leurs modèles.
L’Union Européenne par sa réglementation stricte a priori pousse les plateformes à se lancer dans la course de la reine rouge. Cela crée encore plus de concentration, au détriment de l’innovation. Était-ce l’objectif initial ? Heureusement il y a encore l’IA Act qui va permettre à l’Europe d’accentuer encore la pression…mais sur qui exactement ?
Bonne fin de semaine et vacances pour ceux qui en prennent,
Hervé