Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
Sans l’intervention du DOJ (département de la justice des Etats-Unis), une information capitale sur la motivation de la fusion entre Visa et Plaid, révélée par des documents internes de Visa, n’aurait jamais été publiée. C’est l’occasion de mieux comprendre comment certaines FinTech peuvent déranger l’ordre ancien…
CNBC, le 5 novembre 2020:
Le département de la justice cherche à bloquer l'acquisition prévue par Visa de la start-up Plaid au motif qu'elle limiterait la concurrence dans le secteur des paiements.
Les avocats américains du DOJ ont souligné que l'opération pourrait étendre le "monopole" de Visa sur les transactions de débit. Pour des raisons d'antitrust, l'acquisition de 5,3 milliards de dollars, qui a été annoncée en février, "doit être arrêtée", selon la plainte.
"En acquérant Plaid, Visa éliminerait une menace concurrentielle naissante qui se traduirait probablement par des économies substantielles et des services de débit en ligne plus innovants pour les commerçants et les consommateurs", a déclaré le ministère de la Justice dans la plainte, qui a été déposée devant un tribunal fédéral de Californie du Nord.
Il est rare que la justice donne des idées d’investissement, mais là, la thèse est intéressante: on aurait enfin trouvé un compétiteur à Visa ! Pendant longtemps, le seul concurrent de Visa était MasterCard. Mais était-ce vraiment un concurrent ? Avec 25 % de part de marché et le même modèle économique que Visa, MasterCard était la caution de Visa lui permettant d’éviter les accusations de pratiques monopolistiques. Cela rappelle intel et AMD. Le duopole est souvent préférable au monopole car il permet d’éviter l’attention du régulateur et permet de continuer ses pratiques anti-concurrentielles en toute impunité. C’est ainsi que Visa (et MasterCard), après avoir acquis laborieusement leur position d’intermédiaire de paiement en convainquant les banques et les marchands les uns après les autres de se brancher à leur système, n’avaient de cesse d’empêcher un réseau rival en utilisant des clauses d’exclusivité dans leurs contrats. Dans mon article L’empire bancaire contre attaque, j’ai montré que Visa et MasterCard laissaient peu d’options aux FinTech, obligées de s’accrocher à l’écosystème existant sans pouvoir le pénétrer:
Le mollusque s’accroche à l’écosystème de transfert de fonds et en vit sans vouloir le perturber, au contraire. Cette stratégie est très efficace, évitant de dépenser des ressources dans un combat vain. On peut s’accrocher soit au consommateur, soit au marchand et laisser Visa/MasterCard opérer au centre. Ainsi Apple Pay est une excellente interface utilisateurs qui s’appuie sur le réseau de cartes bancaires (1,2 milliards de cartes enregistrées). Apple Pay est rémunéré par la banque de l’utilisateur qui lui rétrocède une petite partie de l’interchange. D’autres s’accrochent au marchand en lui proposant de faciliter la gestion de ses moyens de paiement, ces derniers finissant toujours par être opérés par l’usine Visa/MasterCard. On peut citer dans cette catégorie Adyen et Stripe qui sont parmi les FinTech les plus valorisées: $35 milliards pour Stripe, $ 26 milliards pour Adyen.
Voilà maintenant le DOJ qui affirme que Plaid est un concurrent naissant, non pas un mollusque, mais une menace que Visa a voulu tuer dans l’oeuf en l’acquérant. Dans mon article, j’avais compris cet objectif de Visa mais pensais que derrière Plaid se profilait surtout une menace Google, un éventuel acquéreur:
Acheter Plaid donne l’assurance que les FinTech se développeront en mollusques et non en disrupteurs. Il suffit de manipuler l’API en ce sens. Dès lors l’intérêt des banques, de Visa et des FinTech seront alignés: faire bouger l’argent pour faire vivre l’écosystème. Visa va institutionnaliser Plaid (le screen scraping est peu sûr et non réglementé), encourager les banques à créer leurs API (sachant que Plaid en fera bon usage) et devenir un agrégateur d’API pour les FinTech. Tout le monde sera content: le régulateur qui pousse à l’open banking, les banques dont l’information sortante sera sécurisée, les FinTech qui seront des promoteurs de Visa, Visa qui bénéficiera de l’expansion massive des FinTech…tout le monde sauf les GAFA qui seront contraints dans l’expansion de leur réseau et ne pourront pénétrer la citadelle.
Ce que dévoile le Département de la Justice Américain est plus intéressant: Plaid constitue à lui seul une menace pour l’écosystème Visa et n’a pas besoin du secours des GAFA pour pénétrer la citadelle. Le département de la justice fait très fort: échaudé par l’acquisition d’Instagram, il pare la menace avant même qu’elle ne se concrétise, une illustration concrète du film Minority Report…
Quand le DOJ pense en dehors de la boite
Le communiqué rédigé par le département de la justice donne une vision très intéressante de Plaid:
Selon la plainte, Plaid alimente certaines des applications FinTech les plus innovantes. La technologie de Plaid permet aux développeurs de se connecter aux différents comptes financiers des consommateurs, avec leur permission, pour agréger les données relatives aux dépenses, consulter les soldes et vérifier d'autres données financières personnelles. Plaid se connecte à 200 millions de comptes bancaires de consommateurs et à 11 000 banques américaines. Parce qu'elle accède aux données pour le compte de nombreux clients d'applications FinTech, Plaid est devenue la première société d'agrégation de données financières aux États-Unis. Plaid prévoit de tirer parti de ses connexions pour construire un réseau de paiement lié aux banques qui ferait concurrence à Visa. La plateforme de mouvements d'argent de Plaid permettrait aux consommateurs de payer les commerçants directement à partir de leurs comptes bancaires en utilisant des références bancaires plutôt qu'une carte de débit. Les connexions et la technologie établies par Plaid lui confèrent une position unique pour entrer sur le marché des paiements et perturber le monopole de Visa.
Plaid est connue comme une API qui permet aux FinTech de se connecter aux comptes bancaires de leurs clients, essentiellement par la technique du “screen scraping”. Le client d’une Fintech donne à Plaid ses codes bancaires, Plaid se connecte au compte puis fait l’interface avec la FinTech. Le plus important à retenir est que Plaid a les connexions avec 200 millions de comptes bancaires. Le Pitch est le suivant:
Nous donnons du pouvoir aux innovateurs en fournissant un accès au système financier
NOTRE VISION
Plaid est axé sur la démocratisation des services financiers par la technologie. Nous construisons de belles expériences pour les consommateurs, des infrastructures conviviales pour les développeurs et des outils intelligents qui donnent à chacun la possibilité de créer des produits étonnants qui résolvent de gros problèmes.
NOTRE ACTIVITÉ
Nous avons commencé par construire l'infrastructure technique API qui relie les consommateurs, les institutions financières traditionnelles et les développeurs. Aujourd'hui, nous ajoutons des informations clés à l'accès aux données que nous fournissons avec notre gamme de produits d'analyse.
Il n’est nulle part fait mention sur le site internet de Plaid de la moindre division qui pourrait lancer un système de paiement…Où le DOJ est-il allé chercher cela ? C’est justement la ligne de défense de Visa qui riposte dans un communiqué expliquant que le département de la justice n’a rien compris au modèle économique de Plaid:
"Visa est en profond désaccord avec le ministère de la justice (DOJ), dont la tentative de bloquer l'acquisition de Plaid par Visa est juridiquement défectueuse et contredite par les faits. Cette action reflète un manque de compréhension de l'activité de Plaid et du paysage très concurrentiel des paiements dans lequel Visa opère. La combinaison de Visa et de Plaid apportera des avantages substantiels aux consommateurs qui cherchent à accéder à une gamme plus large de services financiers, et Visa entend défendre vigoureusement la transaction. Comme nous l'avons expliqué au DOJ, Plaid n'est pas une société de paiement.
Il semblerait que le département de la justice soit allé plus loin, qu’il ait intercepté des documents internes (apparemment Bain, le conseiller de Visa faisait de la rétention d’information) puisqu’il écrit dans sa plainte:
Visa craignait que le potentiel d'innovation de Plaid - seul ou en partenariat avec une autre société - menacerait l'activité de débit de Visa. Pour évaluer s'il convenait de prendre en considération Plaid comme une cible d'acquisition potentielle en mars 2019, le vice-président de Visa et responsable des opportunités stratégiques a fait part à ses collègues de ses préoccupations concernant la menace que Plaid faisait peser sur l'activité de débit de Visa, observant : "Je ne veux pas être IBM pour leur Microsoft". Cet exécutif a fait une analogie entre Plaid et un "volcan" insulaire dont les capacités actuelles seraient juste "la pointe qui se trouve au-dessus de l'eau" et averti qu’en dessous, cependant, Plaid avait une opportunité énorme - une opportunité qui menace Visa". Il a souligné son point de vue en illustrant le potentiel perturbateur de Plaid.
Plusieurs mois plus tard, Visa a eu l'occasion d'acquérir Plaid. Alors qu’ils procédaient à un examen approfondi, les hauts responsables de Visa ont été alarmés d'apprendre que Plaid prévoyait de créer une "entreprise de paiement significative d'ici à la fin 2021" qui serait en concurrence directe avec les services de paiement de Visa. Cela a conduit le CEO de Visa à conclure que Plaid, soit seul ou acquis par un compétiteur, pouvait créer une menace pour nos cartes bancaires aux Etats-Unis, et d’ajouter à son CFO que l’achat de Plaid serait une police d’assurance pour notre activité de paiement par carte aux Etats-Unis.
Contrairement aux affirmations de Visa, le DOJ a parfaitement compris les ressorts de l’avantage concurrentiel de Visa et de son monopole. Il dresse un véritable cas d’investissement pour Plaid, seule FinTech aujourd’hui à pouvoir déstabiliser le colosse.
Le cas d’investissement du DOJ pour Plaid
Le réseau Visa ne s’est pas constitué en un jour: il a fallu des années pour convaincre les banques et les commerçants de l’adopter et de constituer l’effet boule de neige: plus il y a de banques, plus il y a de commerçants et plus il y a de commerçants, plus il y a de banques. Dans l’Empire bancaire contre attaque, j’ai brossé l’historique de Visa:
American Express lance sa première carte en 1958: c’est un succès immédiat avec 250 000 cartes émises en pré-lancement (imaginez les précommandes du modèle 3 de Tesla). Cinq ans après, le réseau de cartes American Express était composé d’1 million de détenteurs et 85 000 marchands. Parallèlement, Bank of America, la première banque à avoir adopté l’ordinateur lance la carte BankAmericard..les débuts sont plus modestes: 60 000 cartes émises au démarrage mais la banque innove en y attachant du crédit (spécialité des banques !). En deux ans, BankAmericard passe le million de clients et les 30 000 marchands. Le succès de BankAmericard fait des émules si bien qu’en 1970, il y avait 100 millions de cartes en circulations. Les banques regroupent alors leur division carte de crédit sous l’égide de BankAmericard, qui prend le nom de Visa en 1976. Un certain nombre de banques récalcitrantes se sont unies sous une autre bannière: MasterCard.
Il y a aujourd’hui 500 millions de cartes de débit aux Etats-Unis, et Visa a administré 43 milliards de transactions en 2019 pour un profit de $ 2 milliards sur cette activité. La difficulté de constitution d’un tel réseau le rend aujourd’hui extrêmement difficile à déplacer. La force de Visa est d’être connecté à la quasi-intégralité des comptes bancaires. Le DOJ explique pourquoi les FinTech ne peuvent pénétrer dans la citadelle:
Le pouvoir monopolistique de Visa en matière de paiements en ligne est protégé par d'importantes barrières à l'entrée et à l'expansion. Visa relie des millions de commerçants à des centaines de millions de consommateurs aux États-Unis. Les nouveaux concurrents du monopole de Visa seraient donc confrontés au dilemme de la poule et de l’œuf: il est nécessaire d'établir des liens avec des millions de consommateurs pour attirer des milliers de commerçants et il faut des milliers de commerçants pour attirer des millions de consommateurs. Le directeur financier de Visa a reconnu qu'il est "très, très difficile" de construire un réseau étendu comme celui de Visa et qu’"Il faut de nombreuses années d'investissement, mais " si vous pouvez faire cela, vous pouvez avoir une entreprise [comme Visa] qui a une marge relativement élevée". Il a expliqué que les barrières à l'entrée sont si importantes que même les entreprises bien financées et dotées d'une forte notoriété ont du mal à se lancer dans le paiement en ligne.
Le DOJ confirme ainsi que les FinTech ne peuvent être que des mollusques s’accrochant à Visa et alimentant son courant d’affaires. Seule une FinTech sort du lot: Plaid. Extrait de la plainte:
Ces barrières à l'entrée, associées aux contrats restrictifs à long terme de Visa avec les banques sont presque insurmontables, ce qui signifie que Visa fait rarement face à des menaces importantes pour son monopole des paiements en ligne. Plaid est une telle menace.
Le département de la justice poursuit son cas d’investissement pointant précisément l’avantage de Plaid:
Plaid est particulièrement bien placé pour surmonter ces barrières à l'entrée et pour saper le monopole de Visa dans les services de débit en ligne. Plaid alimente certains des services les plus innovants des applications de technologie financière ("FinTech"), telles que Venmo, Acorns et Betterment. La technologie de Plaid permet aux FinTechs de se connecter aux différents comptes financiers des consommateurs, avec leur autorisation, d'agréger les données sur les dépenses, de consulter les soldes et de vérifier d'autres données financières personnelles l'information. Plaid a déjà établi des connexions avec 11 000 institutions financières américaines et plus plus de 200 millions de comptes bancaires de consommateurs aux États-Unis, et ce chiffre ne cesse de croître. Ces connexions permettront à Plaid de surmonter les barrières à l'entrée que d'autres rencontrent en essayant de fournir des services de paiement en ligne.
Plaid est la seule FinTech à avoir les connexions avec les comptes bancaires, elle a réussi à réaliser cet exploit en 7 ans, un temps record. Il a fallu des décennies à Visa pour construire son réseau. Le DOJ a un cas extrêmement solide: $5,3 milliards déboursé par Visa qui vaut $460 milliards pour éliminer une telle menace est vraiment une peccadille.
La profondeur de la menace
Le métier de base de Plaid est de connecter les FinTech aux comptes bancaires de leurs utilisateurs afin qu’elles puissent fournir leur service. Par exemple, Venmo est une application de paiement de compte à compte par le smartphone. Le graphique suivant montre la croissance de Venmo:
Le corolaire de ce modèle économique est que le nombre de comptes bancaires auquel Plaid a accès croît au rythme de la FinTech la plus dynamique avec laquelle il travaille. Comme Plaid travaille avec de multiples FinTech, ses chances de se connecter à la grande majorité des comptes bancaires à la vitesse V sont énormes…et de même le potentiel de construire un rival sérieux de Visa très rapidement.
Les grands unicorns financiers comme PayPal, Stripe, Square ou Adyen cherchent à conquérir les commerçants tout en s’appuyant sur le réseau Visa/MasterCard pour orchestrer les transactions. Il est plus facile et moins coûteux de conquérir 4 millions de commerçants que 330 millions d’américains, en plus déjà conquis par Visa. Pour éviter le problème de la poule et de l’œuf, ces unicorns se branchent au consommateur final en utilisant Visa et se battent sur le commerçant. Heureusement pour eux, le marché est large. Il n’en reste pas moins que la position de Plaid est unique: il se situe de l’autre côté du manche avec un compétiteur bien grassouillet à mettre au régime. Car les unicorns, au lieu d’utiliser Visa pour se brancher au consommateur final pourraient utiliser Plaid, qui peut déjà accéder à 200 millions de comptes bancaires. Plaid pourrait bénéficier d’un effet boule de neige: plus de FinTech implique d’avantage de comptes bancaires connectés implique plus de FinTech encore. Visa serait alors privé de sa principale source de croissance: les transactions en ligne, au bénéfice de Plaid.
La menace ne s’arrête pas là: dans L’empire bancaire contre attaque, j’ai montré que Visa et les banques universelles formaient un bloc, une entente se protégeant mutuellement:
Les banques occidentales ont pu contrer la menace American Express en réagissant immédiatement, unissant leur force pour créer un réseau imprenable. Ils ont étendu ce réseau au transport de fonds internationaux entre banques. Swift a été créé en 1973 pour sécuriser l’envoi et la réception de fonds grâce à une messagerie standardisée, centralisée et contrôlée. Swift lie plus de 11 000 institutions dans 200 pays. Les banques ont donc construit leur forteresse en contrôlant les stocks et les flux d’argent, avec la bénédiction des États (qui le leur font plus ou moins payer). Ce système tient depuis plus de cinquante ans. Cela ne veut pas dire qu’il est éternel.
Dès lors que Plaid arrive à percer la carapace en s’attaquant à Visa, le monde bancaire dans son ensemble est menacé. Dans sa plainte le DOJ reprend un schéma réalisé en 2019 par le vice-président de Visa responsable du développement stratégique:
La partie émergée est ce que fait Plaid aujourd’hui, la partie immergée ce qu’il pourrait faire. Visa craint qu’après avoir lancé une activité de paiement, Plaid s’attaque à la carte de crédit puis au crédit lui-même. Différents scénarios sont possibles si l’OPA de Visa est rejetée:
Plaid fait cavalier seul, lance une activité de carte de débit en passant des accords avec des commerçants. Puis il s’associe avec des banques pour lancer des cartes de crédit. Il peut alors proposer aux FinTech qui sont ses clients des services de carte virtuelle indépendants des deux principaux réseaux et moins chers. Ainsi Venmo, application de paiement P2P a lancé une carte de débit/crédit fonctionnant sur le réseau MasterCard. Il pourrait lancer une carte fonctionnant sur le réseau Plaid et damer ainsi le pion aux cartes traditionnelles. L’inconvénient d’un tel scénario est la lenteur car il oblige Plaid à approcher les commerçants les uns après les autres pour leur proposer son réseau ou de faire des alliances avec des sociétés qui “ont” les commerçants.
Un scénario alternatif est une fusion avec une Fintech comme Square. Ce dernier contrôle plus de 2 millions de commerçants. Une absorption de Plaid permettrait de créer très rapidement un service de carte de débit alternatif autour de 200 millions de clients répartis sur 11 000 banques et de 2 millions de vendeurs. Square fait des intrusions dans la banque avec le compte Cash App (dépôt) et une activité de crédit (Square loans). Plaid pourrait apporter une connaissance unique des clients obtenue par le “screen scraping”, notamment des données sur les revenus et les actifs des clients. Les sociétés internet ont en général des données sur les dépenses mais c’est insuffisant pour analyser le risque de crédit. Le nouveau groupe Square/Plaid pourrait alors constituer une banque du type Ant Group en Chine et tailler des croupières aux banques universelles par une offre globale digitale.
Enfin Google pourrait être intéressé parce que son métier de base est de traiter des données pour les rendre facile à exploiter. C’est exactement ce que fait Plaid avec des données que Google n’a pas: celles des comptes bancaires. Toujours dans L’empire bancaire contre attaque:
Il est logique que Google veuille attaquer ce secteur d’autant que la circulation d’information conduit à la circulation monétaire: un marchand disposant d’information sur ses clients va pouvoir faire des promotions, mieux calibrer sa publicité et ainsi vendre d’avantage. Comment procéder ? Google a déjà l’interface Google Pay sur presque 3 milliards de smartphones. Il ne lui reste plus qu’à trouver le moyen de faire fonctionner le réseau et débrancher Visa/MasterCard. C’est en apportant une amélioration puissance dix aux deux bouts de la chaîne (consommateurs et marchands) que Google espère bien obliger le troisième intervenant (les banques) à suivre. Donner de l’information est la spécialité de Google, mais en matière de finances, ce sont les banques qui ont l’information et qui la protègent. Google contourne le problème en passant un accord avec l’une d’entre elle, Citigroup, la plus fragile des quatre grandes: le compte Google sera géré administrativement par Citigroup mais permettra à Google de récupérer de l’information monétisable auprès des marchands. Parallèlement, Citigroup a choisi Google pour doper sa croissance et ouvrir des tonnes de comptes grâce à une interface utilisateurs supérieure. En ayant le compte et le marchand, Google pourra organiser le transport. Sur cette base, Google peut essayer de construire une interface utilisateurs plus virale (sans avoir forcément le compte bancaire) en utilisant les services d’une société comme Plaid, pour construire juste l’interface et dominer complètement les paiements. Mais ça, c’était avant…
C’était avant la fusion… mais maintenant qu’elle est remise en question, Google revient en force en annonçant le 19 novembre, à peine 15 jours après la plainte du DOJ, son offre bancaire. Google a signé avec 6 banques qui gèreront l’aspect bilan, Google gardant la relation client. Avec Plaid, Google pourrait désormais débrancher Visa et avoir ce qu’il y de meilleur du monde bancaire: la rémunération sans le risque. Les lignes sont en train de bouger !
Cela ne ferait pas l’affaire des banques qui préfèrent un Visa qu’ils contrôlent à un Google tentaculaire…peut être à tord, mais c’est pour un autre article…
Bonne fin de semaine,
Hervé