Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
Larry Fink, lettre annuelle aux CEOs, BlackRock 2022:
Je pense que la décarbonisation de l'économie mondiale va créer la plus grande opportunité d'investissement de notre vie. Elle laissera également derrière elle les entreprises qui ne s'adaptent pas, quel que soit leur secteur d'activité. Et tout comme certaines entreprises risquent d'être laissées pour compte, les villes et les pays qui ne planifient pas l'avenir le sont aussi. Ils risquent de perdre des emplois, alors même que d'autres endroits en gagnent. La décarbonisation de l'économie s'accompagnera d'une énorme création d'emplois pour ceux qui s'engagent dans la planification à long terme nécessaire.
Les 1 000 prochaines licornes ne seront pas des moteurs de recherche ou des entreprises de médias sociaux, mais des innovateurs durables et évolutifs, des start-ups qui aideront le monde à se décarboniser et à rendre la transition énergétique abordable pour tous les consommateurs.
Larry Fink avec sa lettre aux patrons essaie de se mettre du côté du bien pour le prochain forum de Davos (reporté en raison d’Omicron); il est écouté, BlacRock gérant la bagatelle de $10 trillions pour des investisseurs privés et institutionnels… Pendant ce temps, on a ce tweet de Jack Dorsey:
Jack Dorsey a fondé le réseau social Twitter et la FinTech Square, qu’il a renommée récemment Block. Les deux sociétés ont une capitalisation boursière combinée de $90 milliards. Jack Dorsey a une parole qui pèse également, pas forcément auprès du même public. Il est un ardent promoteur du Bitcoin. Le World Economic Forum (wef) n’est pas sa tasse de thé. Il y a en fait une contradiction majeure entre le monde tel que vu par Larry Fink et la vision de Jack Dorsey. Le premier plaide pour un monde centralisé qu’il ne veut voir changer, que pour être encore plus centralisé. Le second, à la manière des anarchistes de la Silicon Valley veut redonner le pouvoir au peuple. C’est une litanie de la Silicon Valley, de Steve Jobs en lutte contre Big Brother à Mark Zuckerberg et sa volonté de faciliter le cinquième pouvoir, celui de s’exprimer librement devant une tribune mondiale. Il semble que cette fois, les deux camps puissent jouer à armes égales, car ils ont tous deux pouvoir de battre monnaie.
La vision centralisatrice en action
Il y’a dans la lettre de Larry Fink et son discours de Davos, une apparence de plaidoyer pour le capitalisme et la destruction créatrice schumpeterienne, au service du climat, mais la réalité est plutôt celle de l’apparatchik qui décrète la direction de l’économie et planifie le progrès. Le vecteur de l’innovation sera la diminution des émissions de carbone, laquelle décidera des entreprises qui resteront sur le tapis. Les milles prochaines licornes, c’est à dire l’innovation jusqu’à la Saint Glinglin, n’auront de cesse que de décarbonner l’économie. Larry Fink réinvente le Gosplan. Par la même occasion, et c’est logique, il discrédite les réseaux sociaux et les moteurs de recherche qui rendent les gens plus intelligents avertis et capables de se regrouper, d’exercer un contre-pouvoir. Pour lui, il n’en est nul besoin car les employeurs sont dépositaires de la Vérité…Extrait de la lettre aux CEOs:
Les employés considèrent de plus en plus leur employeur comme la source d'information la plus fiable, la plus compétente et la plus éthique - plus que le gouvernement, les médias et les ONG.
Quand il vise les réseaux sociaux, il pointe en filigrane les cryptomonnaies qui ne sont que des réseaux sociaux dont le langage est la monnaie. Market insider, le 21 octobre 2021:
Le PDG de BlackRock, Larry Fink, a déclaré mercredi qu'il s'alignait probablement sur l'opinion du PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, selon laquelle le bitcoin n'a aucune valeur, mais le chef du plus grand gestionnaire d'actifs au monde voit de la valeur dans l'idée d'une monnaie numérisée et d'une blockchain.
"Je suis probablement plus dans le camp de Jamie Dimon", a déclaré M. Fink lors d'une interview sur CNBC, en réponse à une question faisant référence au commentaire de M. Dimon, qui a déclaré lundi qu'il pensait que le bitcoin n'avait "aucune valeur" et qu'il n'adhérait toujours pas au battage médiatique entourant la crypto-monnaie la plus échangée au monde.
Larry Fink admet l’idée d’une monnaie digitale, dont le cryptage serait centralisé et d’une blockchain sans monnaie, privée de pouvoir, fonctionnant comme un compte bancaire ! Il est adepte de la crypto Canada Dry…On voit bien où se situe l’ennemi pour Larry Fink comme pour Jamie Dimon. L’économie de plus en plus centralisée autour de quelques acteurs favorisés par la politique des États-nations leur convient parfaitement…car ils dirigent ces acteurs.
Tuer la concurrence
Sauver la planète est un objectif plus que louable. Seulement, si on demande au secteur privé de le faire, il la sauvera à sa manière, en tuant la concurrence au passage. Il y a un réel conflit d’intérêt. Le film Don’t look up, sorti récemment sur Netflix illustre bien le phénomène. L’histoire est simple: une comète énorme va s’écraser sur la terre et éradiquer ses habitants dans les six mois. Quelle réaction des uns et des autres ? Alors que les Etats-Unis après bien des atermoiements ont lancé une mission de destruction de la comète, ils changent brusquement d’avis sous l’impulsion d’un gros donateur du parti au pouvoir, le milliardaire Peter Isherwell, un clone de Tim Cook, à la tête de l’entreprise technologique Bash Cellular. Ce dernier a un autre plan plus ingénieux: laisser approcher la comète puis envoyer des drones pour la cribler de charges explosives, afin de la réduire en micro-météorites, dont on pourra récupérer les terres rares…la mission va échouer, il sera trop tard pour se retourner, et la terre va périr mais Isherwell aura préparé son plan B, la fuite dans l’espace. Ce film montre, entre autres choses, deux éléments utiles pour notre propos:
La tendance aujourd’hui pour les pouvoirs publics à déléguer au privé les missions qui devraient être de son ressort (déficits abyssaux obligent ?)
La tendance pour les acteurs du privé les plus puissants à détourner l’objectif public à leur profit.
C’est ainsi qu’on peut gripper le processus d’innovation, une tentation pour les dominants. Comment peut on imaginer qu’un dominant fasse avancer une technologie qui potentiellement pourrait le déstabiliser ? Il cherche simplement à continuer d’extraire sa rente, au delà des déclaration d’intention.
Bill Janeway, auteur du célèbre Doing capitalism in the innovation economy explique très bien comment se produit l’innovation:
À la frontière, la croissance économique a été stimulée par des processus successifs d'essais et d'erreurs, d'erreurs et d'erreurs : exercices de recherche et d'invention en amont et expériences d'exploitation du nouvel espace économique ouvert par l'innovation en aval. Chacune de ces activités génère nécessairement beaucoup de déchets en cours de route : programmes de recherche sans issue, inventions inutiles et entreprises commerciales ratées. Entre les deux, les innovations qui ont transformé à plusieurs reprises l'architecture de l'économie de marché, des canaux à l'internet, ont nécessité des investissements massifs pour construire des réseaux dont la valeur d'usage ne pouvait être imaginée au début du déploiement. C'est l'environnement désordonné dans lequel balaient les "coups de vent de la destruction créatrice" de Schumpeter. C'est pourquoi il faut un système d'innovation capable de tolérer ce que j'appelle le gaspillage schumpétérien nécessaire.
On ne peut pas compter sur un acteur privé rationnel pour conduire ce processus. Larry Fink fait miroiter un potentiel gigantesque pour les start-ups Green Tech mais combien est-prêt à miser BlackRock ? Le 13 avril 2021 il a joint le geste et la parole en décidant la création d’une joint-venture avec Temasek pour la création d’un fonds de Start-ups appelé Decarbonization Partners. Montant du fonds: $600 millions (0,006% de l’actif géré par BlackRock avec un objectif à terme de $5 milliards (0,05% de l’actif). La belle affaire….Seul l’Etat ou l’hystérie collective pendant les périodes de bulles financières peuvent investir massivement, dépenser sans calcul rationnel de rentabilité et oublier le gaspillage collatéral. Le dominant, lui, travestira l’objectif pour éliminer les concurrents et ainsi solidifier son business. La lutte contre le carbone est la perche tendue par les pouvoirs publics aux grands groupes pour solidifier leur position.
Décarbonisation et gaspillage
Il faut bien comprendre que le plan de décarbonisation est bien un Gosplan, pas un investissement de recherche. Blackrock tient les entreprises dans lesquelles il investit en laisse avec des objectifs de réduction de CO2 à court, moyen et long terme:
Nous demandons aux entreprises de fixer des objectifs de réduction des gaz à effet de serre à court, moyen et long terme. Ces objectifs, et la qualité des plans pour les atteindre, sont essentiels pour les intérêts économiques à long terme de vos actionnaires. C'est également la raison pour laquelle nous vous demandons de publier des rapports conformes à la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) : car nous pensons qu'il s'agit d'outils essentiels pour comprendre la capacité d'une entreprise à s'adapter à l'avenir.
Il n’y a nulle place ici pour le gaspillage schumpetérien. Il faut réduire, réduire, réduire...Larry Fink impose la contrainte aux sociétés dans lesquelles BlackRock investit et dans la sienne propre:
Cette logique anti gaspillage mais donc aussi anticapitaliste, qu’elle émane des grandes sociétés ou des pouvoirs publics qui cherchent à se débarrasser de la patate chaude a un effet idéal pour elles: elle donne la primauté à l’effet d’échelle, source la plus simple, la plus régulière et la plus mécanique d’économies de carbone. Pourquoi aller chercher ailleurs et risquer une déperdition d’énergie inutile ? Les règles du jeu changent de manière à substituer la survie du plus gros à la survie du plus adaptable…
L’inévitable cloud
Avec ses $10 trillions d’actifs sous gestion, BlackRock est condamné à investir dans ce qui pèse déjà le plus. Ses plus grosses positions sont Apple (4% des actifs), Microsoft (4%), Alphabet (4%) et Amazon (2,6%). La taille pousse à favoriser la taille, la centralisation à favoriser la centralisation. La lutte contre les émissions de carbone passera par ces géants centralisés qui justifieront leur modèle par leur apport sur la réduction des émissions. Le point commun entre ces investissements est qu’ils sont les piliers du cloud: Microsoft avec Azure, Alphabet avec Google Cloud Platform, Amazon avec AWS et Apple dont l’IPhone est lié inextricablement au cloud. Le cloud va apparaître naturellement comme la solution car il permet de faire des économies de tout côté:
Avoir ses propres serveurs utilisés à 20% ne se justifie pas si avec le cloud, on peut arriver à les utiliser à 80%.
Avoir ses propres serveurs alimentés par un courant électrique mix de nucléaire, charbon, pétrole et gaz est peu écologique par rapport à des centres de données alimentés par de l’énergie renouvelable.
Concevoir ses propres programmes émet plus de CO2 qu’utiliser des API cloud disposant d’un effet d’échelle supérieur. Cela milite pour une approche lego où on recycle les API comme on le fait du verre, plastique ou carton.
Télétravailler permet de faire des économies importantes de locaux et de trajet.
Plus généralement, vivre dans le virtuel permet d’éviter d’avoir à expérimenter dans le monde physique, et sera source de sérieuses économies de carbone !
Les normes de reporting de la Task Force (un terme militaire loin de la recherche & développement) induisent des objectifs annuels et des chiffres pour les mesurer. L’idée est de réaliser des benchmarks permettant de comparer les uns et les autres à la même aune. Le président de la Task Force n’est autre que Michael Bloomberg…actionnaire et patron d’un gros monopole dépendant du système financier centralisé…Tout concourt à faire du cloud la solution pour résoudre les problèmes du climat, à la façon des centralisateurs. Il suffit de regarder les objectifs et les réalisations de BlackRock pour le comprendre (voir graphique plus haut). Le cloud devient ainsi la fin de l’Histoire technologique au moins jusqu’à 2050, l’horizon de la Task Force. C’est l’Histoire dans laquelle l’informatique, partant du batch (premiers serveurs), est passée à l’asynchrone (PC puis Web) et enfin fait sa transition vers le synchrone (Teams, réalité virtuelle et augmentée). Cette norme officielle d’un progrès linéaire permet aux Big Tech d’investir massivement dans les parcs de serveurs, puces, API, etc. car elles connaissent le retour sur investissement, en quelque sorte garanti par le Gosplan.
Des peuples de locataires !
La direction du progrès est de concentrer les centres de données entre quelques mains et d’améliorer constamment la relation client/serveur. Il y a une dialectique, une inévitabilité entre l’intelligence artificielle, exigeant une puissance de calcul exponentielle pour le “bien” du client et les centres de données conformes aux exigences climatiques. Le client (qui devient un utilisateur, terme plus neutre) est servi par tous ses objets connectés truffés de logiciels qui le connaissent de mieux en mieux et lui fournissent ce qu’il désire ou est censé désirer au doigt et à l’œil. La relation client/ serveur prend la forme de plates-formes qui intermédient la relation et bénéficient d’un effet réseau inconnu avant l’internet. Les plates-formes recyclent, améliorent les taux d’utilisation. Qui trouvera à y redire ? Le problème est que l’utilisateur, contrairement aux apparences, perd du pouvoir car il est locataire de plates-formes qui peuvent changer les règles du jour au lendemain, voire le supprimer. Il est en plus bien souvent prisonnier de ces plates-formes qui ont accumulé des données propriétaires sur lui, données qui ne sont pas portables. Même si en théorie la concurrence est à un clic, la réalité est différente. Les motivations d’un locataire ne sont pas celles d’un propriétaire: il use sans se soucier de l’avenir du bien. C’est avec des peuples de locataires que l’on compte sauver la planète ?
A chacun son hardware
La vision d’un monde décentralisé où chacun serait propriétaire de son propre matériel est à contre-courant de la tendance “climatophile virtualisante”. Moxie Marlinspike, fondateur de Signal tranchait récemment la question en minimisant le potentiel du Web3:
Les gens ne veulent pas gérer leurs propres serveurs, et ne le feront jamais….Étant donné la façon dont le web1 est devenu web2, ce qui me semble étrange à propos de web3 est que des technologies comme ethereum ont été construites avec beaucoup des mêmes pièges implicites que web1. Pour rendre ces technologies utilisables, l'espace se consolide autour de... plateformes. Encore une fois. Des gens qui vont faire tourner des serveurs pour vous, et itérer sur les nouvelles fonctionnalités qui émergent. Infura, OpenSea, Coinbase, Etherscan.
Le raisonnement de Moxie Marlinspike est que l’aspect pratique l’emportera toujours sur toute autre considération: la Blockchain ne se charge pas sur un smartphone, les interactions sont de pair à pair, entre serveurs. Dès lors, les gens ne s’intéresseront aux cryptos que par l’intermédiaire des infrastructures clients/serveurs, c’est à dire des plates-formes: retour à la case web2…et au schéma du futur vu par les centralisateurs.
Jack Dorsey pourfend le web3 estimant qu’il est déjà entre les mains des créateurs de plates-formes, au premier rang desquels A16z de Mark Andreessen. Pour lui l’aspect révolutionnaire de la crypto-monnaie est simplement qu’elle est avant tout une monnaie décentralisée, mettant en question l’ensemble du système financier…et par conséquent l’allocation des flux qui s’en suit (telle que la souhaite Larry Fink). Le Bitcoin, la monnaie par excellence selon lui, est à la fois stockage de valeur (Banque) et transport de cette valeur (Visa); il n’est pas réservé à une élite bancarisée mais disponible pour le monde entier. Le tout est d’avoir un ordinateur, une capacité de stockage (Wallet) et une connexion internet. Jack Dorsey, conscient qu’une pièce de hardware indépendante de l’IPhone ou d’un smartphone Android est nécessaire pour faire adopter le Bitcoin comme monnaie décentralisée, a donné un coup de barre à sa société de paiement Square. Elle s’appelle désormais Block et se lance dans le hardware (la bourse a apprécié moyennement un tel revirement). Ses deux premiers projets sont:
Un portefeuille physique de Bitcoins (sécurisé et facile à utiliser), indépendant des smartphones, donc d’Apple et de Google, développé avec feedback de la communauté Twitter:
Un hardware de minage incluant une puce ASIC et un logiciel intégré open source, facile d’accès et d’utilisation par tout particulier souhaitant miner du Bitcoin. L’idée est d’éviter la concentration du minage entre quelques mains disposant des plus gros matériels propriétaires.
Pour Jack Dorsey, il y a une cryptomonnaie par excellence, le Bitcoin, car il peut redonner à l’internet son caractère de départ: décentralisé et créatif. Son apport est de pouvoir transférer de la confiance, sans l’intermédiaire d’un organe central, qui la vend cher et souvent la trahit. Cette confiance multilatérale peut être source d’une créativité sans commune mesure avec celle bridée par la centralisation. Il reste à voir maintenant si Jack Dorsey n’utilise pas la décentralisation comme argument pour fragiliser les grandes plates-formes comme l’ont fait avant lui Apple, Google, etc.
La destruction créatrice
La création monétaire du Bitcoin est strictement encadrée, logarithmique, jusqu’à atteindre le maximum de 21 millions d’unités en 2140. Il est impossible de tricher si bien que dans ce système monétaire, un produit ne répond qu’à ses seuls mérites. La concurrence est féroce (pas “d’helicopter money” enflant la demande) et la différenciation impérative. Ce système pousse à se dépasser en permanence et à innover pour se faire une place auprès du consommateur. Jack Dorsey ne se situe pas au même niveau que Larry Fink. Ce n’est pas qu’il se désintéresse de la lutte contre le réchauffement climatique; il cherche avant tout à ouvrir le champ de la concurrence. La priorité pour lui est de redonner au capitalisme sa dimension créatrice, celle vantée par Schumpeter. Le Bitcoin n’est pas qu’une monnaie, c’est une machine à décentraliser la confiance avec des applications potentielles multiples. Voici ce qu’en dit Andreas Antonopoulos:
Donc, je suis un programmeur, je suis un informaticien, je me suis dit que j'allais lire le code source et essayer de comprendre comment le système fait ces choses et j'ai parcouru le code source et si vous cherchez un expéditeur et un destinataire et un solde et un compte, vous ne trouverez rien parce qu'aucune de ces choses n'existe réellement dans Bitcoin et cela m'a vraiment surpris... Il y a des entrées et elles ne correspondent pas vraiment à des expéditeurs et ensuite une transaction a des sorties qui ne correspondent pas vraiment à des récepteurs et vous réalisez que soudainement ce que vous regardez est presque cette nature quantique ou atomique de Bitcoin…Et les choses se compliquent car le Bitcoin n'est pas ce que vous pensez. C'est une plateforme. Ce n'est pas un réseau de paiement, ce n'est pas une monnaie, ce n'est pas un système bancaire. C'est une plateforme qui garantit une certaine fonction de confiance. Maintenant, si vous avez une plateforme qui garantit certaines fonctions de confiance, une application très utile pour cela est de construire une monnaie et un réseau de paiement, mais vous pouvez construire plus de choses.
L’idée intéressante est que malgré son côté immuable, le Bitcoin peut, sous le plein effet de la destruction créatrice de Schumpeter, progresser et entraîner tout un écosystème autour de lui. Il remet complètement en question l’organisation actuelle, du système monétaire et financier au rapport à l’information (substituant l’information vérifiable au Big Data, l’obsession du cloud)…et peut être a terme la gestion des émissions de CO2: a-t-on pensé à mesurer l’impact en CO2 de toute l’organisation humaine déployée à instaurer de la confiance ? Et cette confiance est-elle bien placée pour réduire les émissions ? Une activité de recherche scientifique plus décentralisée ne permettrait-elle pas de faire des progrès bloqués aujourd’hui par les hiérarchies ?
L’internet, pour décentralisé qu’il ait été conçu avec le protocole TCP/IP, est maintenant largement centralisé, sa voie d’accès canalisée par quelques grands groupes technologiques. Les États qui ont généralement la main sur les entreprises, usant de différents moyens (fiscalité, réglementation, autorités anti-trust), ont vu émerger des monstres indomptables ayant l’aval populaire (des milliards d’utilisateurs) et des centres de données dans le monde entier. Les rapports de force habituels ont été bousculés et la coopération a dû s’installer entre États et Big Tech, les seconds acceptant petit à petit de policer l’information, en contrepartie de la consolidation de leur rente.
L’internet des monnaies ( Bitcoin et dérivés) sera beaucoup plus difficile à cadrer car ses blockchains sont indépendantes du système financier centralisé, à l’inverse des Big Tech, et gagnent inexorablement des utilisateurs. La compétition entre les deux systèmes va devenir brutale, sans possibilité de compromis et faire ressortir les défauts d’un système qui a vécu comme un monopole. La création destructrice en action…
Bonne semaine,
Hervé