La face cachée des AirPods pro
Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris la règle du jeu.
Apple newsroom ((30 octobre 2019):
Les AirPods Pro ont été mis en vente le mercredi 30 octobre dans le monde entier. Ils viennent compléter la gamme AirPods et offrent les fonctionnalités suivantes : réduction active du bruit, mode Transparence, résistance à l’eau et à la transpiration, son immersif de qualité supérieure, tout cela dans un nouveau design intra-auriculaire très léger.
Alex Danco dans un post récent intitulé la révolution de l’audio montre comment les milliards d’écouteurs de toute sorte qui affublent nos oreilles finissent par modifier peu à peu notre perception des choses profondément. Pour lui, ces écouteurs pourraient bien être responsables de la fin de la globalisation et du retour du nationalisme. Il s’appuie sur les écrits de Marshall Mac Luhan, un professeur d’anglais à l’Université de Toronto, très en vogue dans les années 60/70 pour avoir développé une théorie postulant le primat du médium sur le message. Marshall Mac Luhan, dans une vision déterministe, expliquait l’histoire par les médias : la parole avait amené le tribalisme, l’imprimerie le cartésianisme puis le nationalisme, la radio avait exacerbé ce dernier, enfin la télévision allait amener le village global. Sachant que Marshall Mac Luhan est décédé en 1980, force est de reconnaître la pertinence de ses intuitions et leur capacité prédictive. Cela m’a donné l’idée de creuser les idées de ce professeur d’université pour y voir les implications concernant le positionnement stratégique des sociétés de média aujourd’hui. La vogue des écouteurs réducteurs de bruit mérite d’être creusée.
La thèse de Marshall Mac Luhan
Elle s’articule autour des éléments suivants:
Le médium (écouteurs, presse, radio, tv, téléphone, internet, etc.) est un outil qui prolonge nos sens, il s’intègre à eux à tel point qu’il finit par les altérer pour le meilleur et pour le pire.
L’altération se produit parce que le médium a tendance a sur-solliciter un sens au détriment des autres. Les sens sont comme des muscles qui peuvent s’atrophier ou s’hypertrophier. Dès lors, l’impact sur notre constitution est permanent.
Notre constitution naturelle requiert que nous traitions l’information par raccourcis. Nous remplissons les blancs, pas besoin que l’information soit donnée à 100%, cela économise l’énergie dépensée par nos neurones tout en entraînant notre participation active. Notre attitude est probabiliste et nous faisons des rapprochements en croisant nos différents sens pour compléter les blancs. Pour faire une comparaison, nous sommes plutôt équipés de processeurs ARM que de puces Intel: moins de calculs pour un résultat quasi aussi bon, en tout cas suffisants pour un smartphone…à condition que nous fassions un petit effort de participation.
tous les médias ne sont pas équivalents: certains font appel à plusieurs de nos sens de manière équilibrée (généralement l’ouïe et la vue) et respectent notre nature participative. D’autres ne font appel qu’à un seul sens. Ils peuvent alors avoir tendance à le surcharger d’information, compensant l’inconvénient d’une participation imparfaite. Un tel média atrophie notre automatisme de la participation, de la gestion de l’ambiguïté (le mix magique entre les différents sens) et exacerbe notre volonté d’être sécurisé (à 100%).
Marshall Mac Luhan classe ainsi les médias en deux catégories: les froids, ceux qui respectent notre nature participative et les chauds qui surchargent d’information un de nos sens: « un médium est chaud lorsqu’il prolonge un seul des sens et lui donne une haute définition » explique Marshall Mac Luhan. Dans sa terminologie, l’imprimerie était un média chaud qui a exacerbé le rationalisme (absence d’ambiguïté lié à la coordination des sens) et le nationalisme (besoin de sécurité, notre sens de la vue apprend à être sûr à 100%). La télévision au contraire était un média froid car elle faisait appel à deux sens et il fallait remplir les blancs (c’était le cas à l’époque de Mac Luhan où le signal était très sommaire, c’est plus discutable aujourd’hui). Voici quelques exemples donnés par l’auteur lui-même: "Une caricature est une définition "basse", simplement parce que très peu d'informations visuelles sont fournies." La radio est généralement un média chaud ; l'imprimé, la photographie, le film et la peinture sont essentiellement des médias chauds. "Tout médium chaud permet de participer moins qu'un médium froid, comme un cours magistral permet moins de participation qu'un séminaire, et un livre moins qu'un dialogue."
La nature du média (chaud ou froid) conditionne le message. Comme le dit Marshall Mac Luhan: « le médium est le message ». Un média froid va encourager un message tout en subtilité, un média chaud au contraire un message tranchant et clair: l’universitaire donne l’exemple du débat Nixon Kennedy. A la radio (média chaud), Nixon paraissait le gagnant avec ses affirmations tranchantes face à un Kennedy hésitant. A la télévision au contraire (média froid), Kennedy paraissait beaucoup plus à l’aise car sa coordination était meilleure.
Enfin la nature des médias (froids ou chauds) explique l’histoire du monde, c’est le déterminisme technologique. Les médias froids encouragent le tribalisme (mode participatif). Ainsi la parole (média froid) liait les premiers hommes entre eux qui formaient des tribus. Puis l’imprimerie (média chaud) a donné de l’ordre: les hommes n’avaient plus besoin de se connaître, une construction intellectuelle ordonnée pouvait les réunir et les rassurer: la nation. Enfin les médias électroniques dominés par la tv (média froid) font pencher la balance de nouveau du côté tribal mais à l’échelle globale: c’est la mondialisation. Les populations ne s’abritent plus derrière des règles mais osent l’ouverture.
Medias froids/médias chauds à l’heure de l’internet
Marshall Mac Luhan n’a pas connu l’ère de l’internet, étant décédé en 1980 et il convient d’extrapoler à sa place. C’est ce que fait Alex Danco dans son post: si la presse (média chaud) puis la télévision (média froid) étaient devenus les médias dominants après la deuxième guerre mondiale, encourageant le village global (mai 68 et ses suites), l’audio a pris la suite au travers de la radio, des podcasts et de YouTube, trois médias chauds par excellence. Alex Danco établit une taxinomie intéressante:
Twitter: froid (les posts sont limites à 280 caractères, il faut suggérer)
SMS: froid (conversation à deux qui évolue)
téléphone (froid): idem
Instagram (chaud): la photo ne fait appel qu’au visuel sans participation, c’est le principe de départ de l’application
Facebook (chaud): chaque utilisateur s’exhibe en donnant une information surchargée de lui-même (photos principalement puis texte)
Youtube (chaud): la grande majorité des vidéos de YouTube sont des fichiers audios déguisés. La parole est prédominante sur l’image qui n’est pas très soignée.
Pour Alex Danco, le chaud l’emporte sur le froid du fait de l’emprise de l’audio: si l’on rajoute le temps passé à écouter la radio 1h30 par jour, celui à écouter des podcasts, de la musique ou regarder des vidéos sur YouTube, une bonne partie de la journée s’est écoulée. On pourrait rajouter la TV qui bien souvent est plus écoutée que regardée. Nous sommes formatés par nos écouteurs divers (instituant un canal privilégié pour recevoir ce média chaud) et devenons de plus en plus avides de sécurité, d’ordre et de certitude. Voici ses mots:
Les écouteurs, et l'audio qu'ils sifflent dans nos oreilles, ont tout changé. Nos valeurs sociales et nos instincts ont changé à cause des écouteurs. Le populisme et la politique ont changé à cause des écouteurs. Je pense qu'il y a même des raisons de dire que Donald Trump est président à cause des écouteurs. La révolution audio a eu lieu alors que tout le monde regardait ailleurs.
Sans verser dans un tel déterminisme digne de Mac Luhan, l’idée à retenir est que le chaud domine et qu’il a un impact sur notre psychisme. Ce n’était pas donné au départ de l’internet qui promettait d’être plutôt glacial: l’interactivité de l’internet, son appel à l’ouïe et à la vue ainsi que la qualité médiocre du rendu (envoyé par paquets selon le protocole TCP/IP), le zapping laissaient présager un média froid favorisant nos qualités de participation et de gestion de l’incertain. Hors, l’incertain n’est pas vendeur, le commerce s’est emparé de l’internet pour le rendre chaud bouillant.
En témoigne en plus de l’annonce sur les AirPods pro celle sur l’IPhone 11.
Apple newsroom (10 septembre 2019):
Cupertino, Californie — Apple annonce aujourd’hui la sortie de l’iPhone 11, doté d’innovations qui renforcent encore les performances du smartphone le plus populaire au monde et améliorent les fonctionnalités les plus utilisées au quotidien1. Puissant et encore plus intuitif, le nouveau double appareil photo de l’iPhone 11 offre une qualité vidéo inédite sur smartphone et introduit le mode Nuit pour les photos.
les AirPods pro et l’iPhone 11 sont la quintessence de ce que Marshall Mac Luhan appelle des médias chauds, vendant de la haute définition, les uns pour le son, l’autre pour l’image. Plus récemment encore la mise à jour de l’iPhone montre la direction très nette vers la haute définition:
Il est difficile de faire plus chaud que Deep Fusion!
Comment en est on arrivé là ?
L’incertitude n’est pas vendeuse. Une des principes de la gestion dite « value » est justement: acheter l’incertitude et vendre la certitude. L’idée est que dès que l’incertitude disparaîtra, le prix se réajustera à la hausse. La gestion value est un arbitrage qui présuppose que l’incertain va se transformer en certain (dans le bon sens). Aujourd’hui la gestion value ne fonctionne plus. Pourquoi ? Le marché rejette toute notion d’ambiguïté: soit un fait est certain à 100%, soit il est incertain, l’écart entre les deux est infranchissable car il n’y a plus certain à 70%, certain à 90%, etc. L’idée de convergence paraît ambigüe et est rejetée. Cela n’est pas sans rappeler notre problématique d’écouteurs ! Et si c’étaient eux qui manipulaient nos cerveaux et leur faisaient rejeter toute idée d’incertitude ? Les écouteurs seraient alors responsables tant de l’élection de Trump que de l’échec de la gestion value…D’autres raisons peuvent être trouvées pour expliquer ce besoin de sécurité absolue: la crise de 2008 par exemple ou les QE ou le vieillissement des populations. La chose à retenir est que les médias chauds font caisse de résonances et sont susceptibles de modifier nos perceptions sensorielles durablement. Le risque est de provoquer une bulle des médias chauds: plus de medias chauds implique plus de besoin d’ordre et de sécurité qui impliquent plus de médias chauds. La grande force des GAFA est de coller aux besoins des gens (aidés par la suppression des frictions apportée par l’internet). Ils deviennent nos valets. Aussi, s’ils perçoivent un besoin de sécurité, ils vont y répondre et le conforter, c’est aussi simple que cela. C’est pourquoi dès que ceux-ci se sont emparés de l’internet, ils l’ont amplement réchauffé, constituant les prémices de la bulle.
Le modèle économique des médias chauds
A la différence des médias des époques passées relativement figés dans leur structure (chaude ou froide), l’internet a fait des petits qui sont devenus des médias à part entière chauds ou froids (Twitter, WhatsApp, Facebook, YouTube, etc.) . Dès lors, les lois de la concurrence se sont imposées là où elles n’existaient pas auparavant. Fallait-il plutôt opter pour un média chaud ou un média froid ?. La loi du marché a tranché.: les médias chauds sont largement dominants pour deux raisons:
Ils correspondent à la demande des gens pour plus de sécurité: un message clair et tranché est préféré à un message ambiguë, qu’il soit délivré par audio ou image. Donc ils attirent plus de membres.
ils présentent des opportunités de monétisation supérieures. Il faut noter que la publicité télévisée n’a jamais pu prendre des parts de marché sur la radio mais les a prises sur un autre média moins chaud: la presse.
Arrêtons nous sur ces deux aspects fondamentaux:
les médias chauds sont ceux qui attirent le plus d’utilisateurs: Facebook a 1,6 milliards d’utilisateurs quotidiens, Instagram plus d’un milliard. YouTube donne ses chiffres mensuels : plus de 1,9 milliards d’utilisateurs. Par comparaison, les médias froids piétinent: Twitter à un peu plus de 300 millions, Snapchat à 210 millions. LinkedIn a passé la barre des 500 millions cependant mais est un réseau utilitaire, de promotion de carrière: tout y est suggéré, rien démontré.
Les médias chauds créent une sorte de dépendance de celui qui reçoit l’information par rapport à celui qui la donne. Ses neurones sont sur-sollicités pour capter l’information sans retour et perdent leur sens critique. Marshall Mac Luhan donne l’exemple frappant d’Orson Welles qui, au cours d’une émission de radio en 1938, a réussi à faire descendre dans la rue des milliers s de gens leur faisant croire que les extraterrestres avaient débarqué. Il a cette formule saisissante: « Hitler a fait la même chose qu’Orson Welles, mais lui ne jouait pas ». Un média chaud attire les gourous, les personnalités au discours tranchant et affirmé. C’était vrai à la grande époque de la radio et ça l’est encore aujourd’hui. Ces gourous sont aujourd’hui appelés des influenceurs. Si vous vous demandez si un média est chaud ou froid, il suffit de considérer le nombre d’influenceurs qu’il attire:
On voit parmi les médias les plus chauds: Instagram, YouTube et Facebook. Parmi les plus froids Snapchat, Twitch, Pinterest, LinkedIn et Twitter.
On a là la recette idéale pour la monétisation : plus de gens plus dépendants du message qu’on leur fait passer ! Cela explique pourquoi Facebook et Instagram (médias chauds) font l’essentiel du chiffre d’affaires de Facebook alors que WhatsApp et Messenger (médias froids) sont largement sous-monétisés. Même à l’intérieur d’Instagram, la partie la plus chaude (photos) monétise mieux que la partie plus froide (stories). Cela explique aussi pourquoi Snapchat et Twitter piétinent.
Pourquoi les médias froids sont-ils moins vendeurs ? 1/ L’émetteur et le récepteur sont en mode participatif, les neurones du récepteur sont engagés à autre chose que recevoir un message publicitaire. On n’aimerait pas qu’une publicité vienne s’intercaler dans une discussion WhatsApp. 2/ les messages tranchés (chauds) sont plus adaptés à la publicité que les messages ambigus (froids).
Deux cas particuliers sont intéressants à considérer :
Apple
Apple est le sommet de ce qu’on peut appeler un média chaud. Son objectif est de faire oublier la matérialité du conduit pour que l’information soit reçue sans être altérée (a très haute définition), que ce soit l’image ou le son. L’iPhone devient un appareil photo qui restitue l’image comme si on y était, les AirPods pro suppriment tout bruit extérieur pour rendre parfaite la restitution du son de l’émetteur. Aucun besoin de participation n’est nécessaire, le confort est dans la réception. Apple a très bien compris l’esprit de son temps et surfe sur la tendance chaude. Et fidèle à sa culture Apple intègre en aval les médias chauds: podcasts (1ère application en terme d’audience), Apple Music, Apple TV+, Apple news +, Apple Books, etc. La société ainsi à d’excellents vecteurs de monétisation comme je l’ai analysé dans cet article. Apple ne va pas s’arrêter là. Des lunettes de réalité augmentée pourraient sortir en 2020: il est difficile de trouver plus chaud: la réalité y sera surchargée d’information tant visuelle qu’audio. Nous allons devenir des automates, acheteurs de produits Apple pour toujours plus de confort et de sécurité.
Sirius XM
Cette radio payante est très connue aux Etats-Unis où elle a environ 30 millions de membres payants. Sirius est une radio par satellite intégrée dans environ 50 % du parc automobile et 80% des voitures neuves. Les investisseurs sont facilement septiques par rapport à Sirius car d’une part le satellite paraît dépassé et d’autre part le marché automobile est cyclique: or Sirius gagne les 2/3 de ses abonnés lors des ventes de nouvelles voitures.
Le véritable secret de Sirius est d’être un média chaud bouillant, ce qui lui permet de monétiser remarquablement ses abonnés. La voiture en effet offre une protection auditive par rapport au monde extérieur (surtout dans les nouvelles voitures) et produit un effet similaire aux AirPods pro. L’auditeur peut être surchargé d’informations auditives, sans interférences (le satellite est très bon pour cela). Sirius a eu la sagesse, tout comma Apple de faire de l’intégration en aval avec des médias chauds (il y a symbiose). Sirius détient ses chaînes radios qui sont ciblées par passion (pas d’ambiguïté) et influenceurs. Le plus célèbre est Howard Stern, une personnalité abrasive, tranchée avec de forts sentiments anti français primaires. Sa personnalité chaude est parfaitement adaptée au média chaud qu’est Sirius et fait un tabac. Sirius sait que pour connaître le succès il doit signer des deals à long terme avec des personnalités chaudes (des megastars comme les appelle Chris Meyer son CEO): James Lebron, Kevin Hart, Tom Papa, Fortune Feimster, etc. Comme Apple, Sirius joue l’intégration des médias chauds, ce qui lui permet d’ajouter environ 1 million de nouveaux abonnés payants par an et de réaliser des free cash-flows de l’ordre de 20% du chiffre d’affaires ! Maintenant que tout le monde est branché sur écouteurs de meilleure en meilleure qualité (un clone de l’intérieur d’une voiture), Sirius s’aventure en dehors de la voiture et a acheté la radio par internet Pandora. Il vise alors la possibilité de construire sa base d’influenceurs sur 100 millions de membres au départ puis de l’étendre. Cette stratégie est interessante car elle donne a Pandora un net avantage par rapport à Spotify. Ce dernier vit entièrement du catalogue, et principalement des vieux titres (plus de cinq ans), donc du passé. Ce n’est pas la meilleure manière d’être compétitif. Sirius va être de plus en plus dur à contrer.
Le positionnement original de Facebook
Étonnamment, Facebook est en train de refroidir sérieusement ses réseaux sociaux. Cet extrait de la dernière conférence téléphonique animée par Marc Zuckerberg sur les résultats du 3ème trimestre en dit long:
Nous ne laissons aucune de nos équipes de la Newsfeed ou d'Instagram se fixer des objectifs d'augmentation du temps consacré à nos services. Nous classons les nouvelles afin d'encourager des interactions sociales significatives et d'aider les gens à communiquer avec leurs amis, leur famille et leur communauté<>. Nous avons pris de nombreuses mesures au fil des ans pour lutter contre les appâts et la polarisation, et maintenant nous sommes même en train de tester l'élimination des comptes comme dans Instagram et Facebook. Et nous le faisons parce que nous savons que si nous aidons les gens à avoir des interactions significatives, ils trouveront nos services plus précieux et que c'est la clé pour bâtir quelque chose de durable et de croissant avec le temps.
L'an dernier, vous vous souviendrez probablement que nous avons apporté une série de changements qui ont mis l'accent sur les amis et la famille et réduit le temps consacré à nos services. Le seul changement a supprimé 50 millions d'heures de vidéo virale par jour et nous l'avons fait en sachant que les gens passeraient moins de temps sur nos applications, ce qui n'est pas ce que vous faites si vous donnez la priorité à l'engagement sur tout le reste. Je prends donc très au sérieux la mise en place de ces mesures incitatives et nous sommes prêts à faire d'énormes sacrifices à court terme pour faire ce que nous pensons être juste et nous serons meilleurs avec le temps.
Quel écart avec YouTube ! Tout est fait chez Facebook pour refroidir: le développement des stories (froid), les groupes restreints pour développer les interaction (froid), la suppression des vidéos virales (froid), la promotion de la réalité virtuelle (froid) par rapport à la réalité augmentée (chaud). Marc Zuckerberg a l’intuition que les médias froids sont l’avenir car correspondant d’avantage à la nature de l’homme. Il compte donc et il faut lui reconnaître un certain panache crever la bulle des médias chauds, même si cela entraîne une moindre monétisation à court terme. (Attention: Facebook ne compte cependant pas se priver de sa vache à lait (chaude) que constitue le fil d’actualité) . « Move fast and break things » est la devise de Facebook. La société devra s’élargir à d’autres formes de monétisation (pas évident quand la publicité représente 95% du chiffre d’affaires): cela milite pour le projet Libra et la transition sur le modèle plate-forme.
Facebook est souvent vilipendé pour ses atteintes à la vie privée. Apple ne manque pas une occasion de vanter comme il est, lui, respectueux de cette vie privée. Tim Cook disait: « avec Facebook, vous êtes le produit ». Facebook est en train de prendre sa revanche: il veut faire apparaître Apple et Google (de plus en plus intéressé par le hardware) comme des vilains, les producteurs de tabac des temps modernes, avides de monétisation au détriment de la santé des gens.
Si Marc Zuckerberg réussit (faisons un peu de déterminisme), il y aura alors peut être un retour en grâce de la gestion value