Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
J’ai commis une erreur la semaine dernière en attribuant à Marc Andreessen des propos sur l’esprit combatif du commercial. Ces propos ont en fait été tenus par Mark Cranney, un autre associé d’Andreessen Horowitz.
Voici vraiment du ch’i:
De Retail Brew (13 novembre 2019):
Amazon est sur le point de réaliser son plus important investissement dans les épiceries depuis son acquisition de Whole Foods en 2013 pour un montant de 13,2 milliards de dollars. L’atmosphère: un supermarché abordable et sans fioritures comme les cinq déjà dans votre quartier.
Selon CNET, Amazon ouvrira une épicerie de marque Amazon dans le quartier de Woodland Hills à Los Angeles l’année prochaine. Amazon n’a pas donné de nom à la nouvelle chaîne, mais a confirmé qu’elle disposera de comptoirs de paiement traditionnels et pas de kombucha végétalien sans sucre.
Une nouvelle chaîne pourrait rapprocher Amazon de la réalisation de ses ambitions dans le secteur de l'épicerie, telles que…
Augmenter la fidélité des clients. Presque tous les achats aux États-Unis se font toujours dans les magasins. Ainsi, une chaîne Amazon pourrait rencontrer les clients là où ils préfèrent encore aller plutôt que se faire livrer.
Faire une incursion sur son ennemi juré. Walmart est toujours le plus grand vendeur d’épicerie aux États-Unis et propose des circuits d’achat en ligne et en magasin.
Perspectives d'avenir ... Amazon serait en train d'explorer de nouvelles ouvertures d'épiceries à San Francisco, Seattle, Chicago, Washington, D.C. et Philadelphie, selon le WSJ.
Ce dernier investissement d’Amazon est particulièrement surprenant à première vue. Il n’a rien d’ innovant. Au contraire il semble être un retour vers le passé, vers le temps des épiceries du coin de la rue. Pour comprendre, il faut revenir sur ce qui fait la spécificité d’Amazon et son problème avec l’épicerie.
Wal Mart: le maître horloger
Le consommateur quand il fait des achats doit faire un compromis entre: 1/ le choix, 2/ le prix, 3/ l’accessibilité. Le distributeur doit résoudre un problème d’optimisation entre ces trois variables. Wal Mart a été pendant longtemps le maître de cette optimisation, le grand horloger. Sa méthode ? La maîtrise du terrain. Astucieusement, la société avait choisi de conquérir les villes moyennes, à commencer par l’Arkansas, en s’installant dans leur périphérie. Cette stratégie avait plusieurs avantages:
l’absence de concurrents sérieux, ces derniers étant plus intéressés par les zones à forte densité,
le prix peu élevé de l’installation,
la possibilité de construire des surfaces importantes avec de larges parkings,
la facilité d’accès en voiture,
mais deux inconvénients sérieux:
le niveau de vie modeste de ces villes
leur faible densité
Ces inconvénients ont forcé Wal Mart à adopter une organisation extrêmement efficace, un mécanisme de précision, pour offrir un vaste choix à petit prix, en rotation constante. La maîtrise de l’information était clé pour connaître les besoins des clients, trouver les produits correspondants, les faire venir de loin pour avoir les meilleurs prix et les faire tourner au maximum pour les proposer pas chers. On peut dire que le succès de Wal Mart a reposé sur la mise en place d’un système d’information hors pair qui lui a permis l’optimisation d’un espace physique limité pour offrir choix, prix et accès. Wal Mart dépassait ainsi systématiquement ses pairs en terme de ventes au m2, ce qui lui a fourni le carburant pour s’étendre année après année sur tout le territoire américain et à l’international. Aujourd’hui Wal Mart a plus de 11 200 magasins dans 27 pays. Un hypermarché type fait 10 000 m2 mais les superstores mesurent plutôt 16 000 m2 ! L’utilisation optimale du terrain est cruciale. Le graphique suivant montre le positionnement optimal de Wal Mart sur les trois variables ainsi que celui d’Amazon et d’Aldi:
Amazon a fait sauter ce subtil équilibre, reposant sur la maîtrise du terrain, en créant l’abondance globalisée en ligne: le choix est devenu la variable clé, au sacrifice des deux autres sur le court terme. C’est du Clayton Christensen type: casser une intégration existante en proposant une amélioration puissance 10 à un point de la chaîne puis construire une nouvelle intégration autour de ce point. La théorie est ici. Jeff Bezos a changé la donne en ne cherchant plus à résoudre un problème d’optimisation de l’espace mais à fournir l’abondance avant tout, la rotation des stocks étant secondaire. Alors qu’un superstore propose 140 000 produits, Amazon en propose 500 millions. Les deux sociétés ont beaucoup en commun, notamment leur frugalité mais c’est surtout l’accent mis sur l’informatique qui les rapproche. Pour Wal Mart, elle sert à optimiser l’utilisation du terrain, pour Amazon elle permet de connaître le client pour le guider dans sa caverne d’Alibaba. Amazon a construit son infrastructure autour de cet objectif et elle ne peut être plus différente de celle de Wal Mart: 175 centres de traitement pour une surface totale de 14 millions de m2, soit 80 000 m2 par centre. Ces centres ont donc un rayon d’action très élevé. Pour donner un ordre d’idée, si on considère la surface totale émergée de la terre, un super centre Wal Mart couvre un rayon de 65 km alors qu’un centre de traitement Amazon un rayon de 500 km. En donnant la priorité au choix, Amazon a sacrifié la rapidité d’accès (il faut organiser un transport longue distance) et le prix (l’instauration de la place de marché a multiplié par plus de 2 le nombre de produits proposés mais les marchands n’ont aucune contrainte sur les prix qu’ils affichent). Ayant une supériorité énorme sur l’éventail des produits proposés à la vente, il ne reste plus à Amazon qu’à s’améliorer progressivement sur les deux autres variables pour remporter le morceau: le marché du commerce de détail estimé à $25 T, soit plus que le PNB des Etats-Unis…Et c’est ce qu’il fait: après la livraison en 2 jours garantie, c’est maintenant la livraison en 1 jour. De The Verge (24 octobre 2019):
«Nous nous préparons à faire de notre 25e saison de vacances la meilleure pour les clients Prime - avec des millions de produits disponibles pour une livraison gratuite le lendemain», a déclaré le PDG d'Amazon, Jeff Bezos, dans un communiqué. «Les clients aiment la transition de Prime de deux jours à un jour - ils ont déjà commandé des milliards d’articles avec livraison gratuite dans un jour cette année. C’est un gros investissement, et c’est la bonne décision à long terme pour les clients. Et bien que cela soit contre-intuitif, les vitesses de livraison les plus rapides génèrent le moins d'émissions de carbone car ces produits sont expédiés depuis des centres de distribution très proches du client - il devient tout simplement impossible d'utiliser des routes aériennes ou terrestres. Un grand merci à toutes les équipes qui ont aidé à offrir aux clients ces vacances. ”
La société a annoncé plus tôt cette année qu’elle commencerait à mettre à l’essai le passage d’une expédition de deux jours à une expédition à une journée. Cela s'ajoute à ses services existants, tels que Prime Now, qui offre une expédition de certains produits le jour même sur certains marchés, et la livraison d’épicerie Whole Foods, parmi beaucoup d’autres couvrant la livraison d’aliments et d’articles ménagers. La société a également développé de manière agressive son service de livraison pour tous, Amazon Flex, et a même commencé à explorer la livraison robotisée au sol. Les drones destinés à la livraison de colis par voie aérienne sont également en cours.
Amazon peut également se battre sur les prix en proposant les Amazon basics qui envahissent catégorie après catégorie (158 000 aujourd’hui). La société a une richesse d’information sans égale sur les produits qui se vendent le mieux et peut ainsi choisir les meilleures catégories, faisant ainsi pression sur les prix des concurrents.
Amazon cependant à une grosse épine dans le pied: la distribution alimentaire.
Le talon d’Achille d’Amazon
D’après les algorithmes de Google, environ 130 millions de livres ont été publiés dans le monde. Cela explique pourquoi Amazon a commencé avec la livraison de livres: l’abondance facilement transportable. De quelle variété de nourriture avons nous besoin quotidiennement ? On parle de 20 à 30 différents types d’aliments. La distribution alimentaire s’est adaptée à notre morphologie: nous n’avons nul besoin d’un choix immense. Ce n’est pas vraiment le genre de contexte où Amazon est à l’aise. Pour couronner le tout, les produits alimentaires périssent vite, ne peuvent croupir dans un centre de traitement et sont difficilement transportables. L’infrastructure de Wal Mart avec ses nombreux magasins de proximité, sa culture tournée vers l’optimisation, la rotation des stocks, est beaucoup plus adaptée à la distribution alimentaire que celle d’Amazon. En témoignent les résultats récents de Wal Mart. Du Wall Street Journal (14 novembre 2019):
Walmart a déclaré que ses ventes comparables aux États-Unis, provenant de magasins et de sites Web en activité depuis au moins 12 mois, avaient augmenté de 3,2% au cours de la période terminée le 25 octobre, marquant une série de gains trimestriels en termes de ventes. Ses ventes en ligne aux États-Unis ont augmenté de 41% par rapport à l’année précédente, grâce aux commandes d’épiceries…Walmart a développé la livraison d'épicerie en ligne, car il fait concurrence à Amazon.com Inc. en tant qu'option d'achat la plus pratique pour les Américains. Aux États-Unis, il compte désormais plus de 3 000 points de vente où les clients peuvent se rendre en voiture pour aller faire leurs courses et plus de 1 400 points de vente à domicile.
Walmart est le plus grand épicier du pays, ses ventes représentant 56% de ses recettes totales aux États-Unis.
"Notre force réside dans la nourriture, ce qui est une bonne chose, mais nous avons encore des progrès à faire sur Walmart.com en ce qui concerne les marchandises générales", a déclaré M. McMillon. "Nous intégrons mieux ces deux activités de l'entreprise pour obtenir de meilleurs taux de marge, mais il reste encore beaucoup à faire."
Wal Mart peut attaquer les ventes alimentaires en ligne grâce à son infrastructure de magasins de proximité, généralement plus petits que les super centres (4 000 m2). Ses ventes en ligne ont progressé de 37% ce trimestre grâce à l’alimentaire. Si l’abondance n’est plus un critère de choix, Wal Mart peut se battre sur le prix et l’accès, ses forces naturelles. C’est la réponse du berger à la bergère: la société cherche à casser l’avantage d’Amazon par un service bien supérieur sur la livraison alimentaire, l’objectif étant de s’en servir de base pour étendre son avantage en ligne à tout le commerce ! C’est plus facile de faire une livraison alimentaire à partir d’un magasin de proximité plutôt qu’à partir d’un centre de distribution éloigné de 500 km. Malgré ses faibles marges, la distribution alimentaire est un enjeu de taille tant pour Wal Mart qui voudrait entamer sa « remontada » que pour Amazon qui voudrait l’éviter.
La réponse d’Amazon
Fidèle à sa nature, Amazon tâtonne, expérimente avant de trouver le grand coup. La première opération a été le rachat de Whole Foods et de ses 500 magasins en 2017. Cela lui permet de combler un peu de la distance qui le sépare des 3 000 magasins de proximité de Wal Mart et en particulier d’acquérir une infrastructure logistique alimentaire déjà amortie qui lui servira de base pour les développements futurs. Whole Foods a un positionnement bio qui le différencie de Wal Mart (il vaut mieux quand on est plus petit). Le problème est que les cultures bio représentent moins de 1% de la surface cultivée aux Etats-Unis et que les conversions de terre sont très lentes à réaliser. Whole Foods est donc limité dans son expansion. Amazon a lancé un autre concept en 2016: Amazon Go, le magasin sans caisse. En 2018, le plan ambitieux était d’ouvrir 3 000 magasins d’ici 2021. Dans le dernier communiqué sur les résultats d’Amazon au 3 ème trimestre, on ne parle plus d’Amazon Go. 15 supérettes seulement sont accessibles au public. Le concept d’Amazon Go est intéressant: sachant que le choix dans l’alimentaire n’est pas la question primordiale, à partir du moment où il y a les essentiels, il se focalise sur une des deux autres variables: l’accès où il devient imbattable. Rien de plus commode et rapide de rentrer et sortir du magasin sans avoir à sortir son portefeuille. La stratégie d’Amazon Go est audacieuse mais elle a deux inconvénients:
Elle ne permet pas à Amazon de construire une infrastructure pour la livraison à domicile. Il y a très peu de personnel dans chaque magasin et l’IA est orientée sur la fonction: je prends et j’emporte. Donc l’effet de levier potentiel est limité.
Elle sacrifie la variable prix. Le coût du hardware pour le premier magasin de Seattle a été estimé à $1 million, soit $6 000 par m2. Même si on peut estimer une baisse de ce coût dans les prochaines années, il est rédhibitoire pour pratiquer des prix bas. Le coût de l’aménagement intérieur pour une épicerie traditionnelle est de $1 000 par m2 et pour un hard discounter de $300 par m2. Il sera probablement plus judicieux et rentable pour Amazon de licencier sa technologie à des concurrents plutôt que de la garder propriétaire.
On ne peut pas dire que la croissance soit au coin de la rue pour les magasins d’Amazon ! Pendant qu’Amazon tâtonne et que Wal Mart investit dans la livraison à domicile, un troisième acteur talonne les deux groupes, pilonne leurs marges, prend des parts de marché et rend leur stratégie de distribution alimentaire délicate: le hard discount.
La percée du hard discount
Il y a maintenant 4 hard discounters aux Etats-Unis: Aldi, Lidl, Trader Joe’s et Save-a-lot auxquels on peut rajouter 2 discounters de marques: Dollar Tree et Dollar General. Hormis Lidl qui a raté son entrée en 2017, avec notamment des magasins trop grands, les autres se comportent en Gengis Kahn de la distribution alimentaire comme le montre le tableau suivant tiré de l’excellent Retail disruptors:
Le modèle économique des hard discounters est aussi simple que redoutable:
ils se focalisent sur les aliments essentiels, ceux qu’on achète tous les jours et rapidement, ceux pour lesquels avoir le choix est plutôt un inconvénient. Leur assortiment est de 1 000 à 2 500 produits dans des magasins de 100 m2 proche des gens. Un supermarché propose plutôt 25 000 à 40 000 produits ( un vrai casse tête quand on est pressé)
Comme il est très facile d’acheter dans un petit magasin près de chez soi avec un petit assortiment, et que le client sait à peu près ce qu’il veut, les ventes par produit sont très supérieures aux autres formes de distribution: le rapport est de 1 à 10.
Les discounters offrent des prix imbattables parce qu’ils ont recours à des labels privés avec lesquels ils peuvent signer des contrats de long terme très avantageux. Ces labels sont assurés de fortes ventes qu’ils ne pourront réaliser nulle part ailleurs
les marges faibles que s’autorisent les discounters sont plus que compensées par le volume des ventes par produit. Les frais généraux et d’immobilier des hard discounters sont minimes. L’ensemble est un cocktail réussi pour la profitabilité
Dès lors, les hard discounters peuvent réinvestir leur profits dans l’expansion et gagner des parts de marché sur les Wal Mart et autres.
Les discounters ont annihilé la variable choix qui fait l’avantage d’Amazon et maximisent les deux autres (le prix et l’accès). Ils sont donc mieux positionné tant qu’Amazon que de Wal Mart sur leur niche.
L’épicerie est un tremplin
La supériorité du hard discount dans la distribution alimentaire n’est pas sans ressemblance avec celle de Netflix dans les medias. Dans les deux cas:
nous avons affaire à des pure players qui dominent leur industrie par une recette simple: dans le cas de Netflix, c’est l’abondance de films couplée à une interface utilisateur supérieure, dans le cas du hard discount, c’est la capacité à proposer des prix ultra-has sur les articles essentiels.
ces pure players sont entourés de géants qui s’intéressent à cette industrie pour des raisons qui lui sont extérieures.
C’est ainsi que de nombreux concurrents de Netflix ont émergé: Disney + qui se sert du streaming pour introduire ses abonnés dans l’ensemble de l’univers Disney-parcs de loisirs, etc.. Prime Video qui sert à vendre des abonnements Prime monétisés dans l‘ensemble de l’univers Amazon, Apple TV+ qui sert à vendre des iPhones, etc. Ces acteurs ne cherchent pas forcément à gagner de l’argent avec ces offres, ils s’en servent comme produits d’appel. Pour percer, ils adoptent des strategies différentes de Netflix, ils ne se battent pas sur les mêmes variables. Disney utilise ses personnages, Apple va faire des films « paysage », Prime Video innove.
La distribution alimentaire aussi est un tremplin, c’est pourquoi tant Amazon que Wal Mart vont continuer à y consacrer des budgets conséquents, mais avec une stratégie différente des hard discounters; autant ne pas se faire massacrer sur le terrain de l’adversaire. Pour monétiser Prime Video (et limiter la casse sur ses productions propres très coûteuses), la société propose dans le package des abonnements à Starz, HBO, DISCOVERY, etc. Ces abonnements sont de la pure marge pour Amazon et lui permettent de ne pas se faire massacrer par Netflix. De même, dans l’épicerie, pour monétiser son offre en ligne, Amazon la mixe avec une place de marché d’épiceries connues. La aussi, c’est de la pure marge et les produits livrés risquent d’être plus mûrs que ceux qu’Amazon livre sur longue distance.
L’intelligence artificielle change la donne
L’intelligence artificielle est un outil de prédiction. Cet outil est devenu opérationnel quand on a troqué les puces CPU pour les GPU dans le traitement de l’information par couches (réseau de neurones) dans les années 2010. Depuis, la puissance de calcul et la quantité de données aidant, l’acuité des prévisions s’améliore constamment à un coût de plus en plus abordable. La prévision est à la base de toutes nos actions, il faut donc s’attendre à voir l’IA débarquer partout et pouvoir en analyser les conséquences.
Un distributeur est avant tout un vendeur, un commerçant. Il cherche à répondre au besoin du client, à prédire ce qu’ils va acheter pour lui mettre sous le nez. Amazon utilise des algorithmes pour donner des idées à ses clients en fonction notamment de ce qu’ils regardent, de leur historique d’achat, etc. La prévision est encore imparfaite mais elle s’améliore. Prenons comme hypothèse que cette prévision est fiable à 5% pour un produit donné. Cela signifie que pour 20 clients du même voisinage susceptibles d’acheter le produit tel que détecté par l’algorithme, Amazon est sur d’en vendre au moins un. Il peut donc rapprocher le produit du client avant même que ce dernier ne déclenche l’acte d’achat. Or le 5% de fiabilité va devenir 10%, 30%, 60%, etc. Grâce à l’IA, l’enjeu est maintenant de rapprocher les stocks des clients potentiels: faire venir un produit d’un entrepôt situé à 500 km va devenir archaïque. Les pressions liées au réchauffement climatique vont renforcer cet archaïsme. Le produit sera disponible sur le champ, soit par livraison courte distance, soit dans un magasin de proximité. Ce sera un pas de géant pour Amazon qui pourra s’engager sur la livraison en deux heures pour tous les produits, voire mieux ! Amazon compte recréer une optimisation entre abondance et accès à un niveau sans commune mesure avec Wal Mart. Ses avancées dans le cloud lui donnent une grande longueur d’avance.
Pourquoi Amazon lance un réseau d’épiceries traditionnelles
Amazon a besoin d’une infrastructure locale pour mener à bien son projet de livraison éclair. Et vite parce que Wal Mart, et c’est sa spécialité, sait optimiser une gestion des stocks locale et pourrait s’appuyer sur une IA tierce pour créer de l’abondance en amont sur ses propres centres de traitement (il n’en a que 30 aujourd’hui).
Amazon doit donc créer de nombreux magasins de proximité ainsi que la logistique qui va avec pour rivaliser rapidement avec les plus de 3 000 qu’affiche Wal Mart. La nourriture est le créneau de départ évident car c’est la dépense quotidienne des ménages, donc l’occasion de créer un goodwill par un service impeccable (il reste à définir). L’épicerie sera un véhicule publicitaire pour l’ensemble des services d’Amazon (retour sur investissement rapide), l’enseigne Amazon s’impose donc. Mais, au delà les magasins de proximité seront un moyen de mettre en œuvre l’IA d’Amazon, rapprochant les stocks de produits alimentaires et autres des clients potentiels grâce à des algorithmes de prédiction puissants. Ces magasins seront conçus pour permettre la livraison à domicile (et probablement les retours comme on le verra un peu plus loin). Cela explique pourquoi les Amazon Go ne sont pas adaptés. Ils devront pouvoir croître comme des champignons, ce qui explique que le format Whole Foods n’est pas adapté (pas assez de nourriture bio sur le marché). Bref, le format idéal est la bonne vieille épicerie traditionnelle a l’enseigne Amazon.
La localisation semble bien être le sens de l’histoire, que ce soit grâce aux progrès de l’IA ou à cause des contraintes climatiques. Wal Mart se retrouve avec un avantage sur les infrastructures, Amazon avec un avantage sur l’IA, AWS étant le leader incontesté du cloud. Qui des deux va l’emporter ? Faut-il capitaliser sur ses forces ou combler ses faiblesses ?
Pour Wal Mart la réponse semble évidente: renforcer encore son infrastructure locale et sous-traiter l’IA à Microsoft ou Google. Wal Mart n’a aucune chance sur l’IA. Il manquera cependant à Wal Mart la connaissance approfondie de ses clients qu’a Amazon.
Pour ce dernier, combler son retard sur l’infrastructure locale est une priorité. Rien ne sert d’avoir une avance sur l’IA si on ne peut pas mettre en œuvre les prédictions.
Au delà, il faut s’attendre à ce qu’Amazon pousse son avantage sur l’IA jusqu’à changer son modèle économique: la livraison avant l’achat supplantera l’achat avant la livraison. Si la prédiction est efficace à 98%, ce nouveau modèle permettra de capter le client à moindre coût que le modèle actuel. Il sera alors difficile pour Wal Mart de trouver la parade.