Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris la règle du jeu
Du Financial Times (11 octobre 2019):
Uber a annoncé se lancer dans l'épicerie en ligne après avoir acheté une participation majoritaire dans le détaillant en ligne sud-américain Cornershop, dans le cadre d'un accord qui met l'entreprise en concurrence avec des entreprises comme AmazonFresh et Instacart.
Les conditions n'ont pas été divulguées, mais Walmart a offert 225 millions de dollars l'an dernier lorsqu'elle a tenté d'acheter l'entreprise, pour se faire écraser par des préoccupations antitrust.
Uber espère élargir la plate-forme pour travailler avec autant de détaillants que possible et ne prévoit pas les mêmes obstacles antitrust. Elle a déclaré que l'opération devrait être conclue au début de 2020, sous réserve de l'approbation des organismes de réglementation.
"Nous sommes ravis de nous associer à l'équipe de Cornershop pour mettre à l'échelle leur vision et nous sommes impatients de travailler avec eux pour apporter la livraison de produits alimentaires à des millions de consommateurs sur la plate-forme Uber ", a déclaré Dara Khosrowshahi, directeur général d'Uber, dans un communiqué de presse.
M. Khosrowshahi a repositionné Uber comme "le système d'exploitation de votre vie quotidienne" plutôt que comme un simple service d'appel. Au cours des dernières années, elle s'est développée dans les scooters à la demande, les vélos électriques et les livraisons de repas.
Le mois dernier, elle a lancé une nouvelle application à Chicago, Uber Works, pour jumeler les travailleurs temporaires et le travail en trois huit, signalant des ambitions encore plus larges d'aller au-delà de la mobilité.
Les partisans de la stratégie d'Uber la voient s'étendre dans des domaines où elle peut s'appuyer sur plus de 100 millions d'utilisateurs pour trouver de nouvelles lignes de revenus. L'espoir est qu'Uber puisse devenir une "super-application" sur le modèle de WeChat en Chine, qui regroupe une vaste gamme de services en une seule application.
Les débuts en bourse d’Uber n’ont guère été brillants. Introduite à $45 le 10 mai 2019, la valeur se traite maintenant à $33. Les résultats du 2ème trimestre n’ont pas aidé: le nombre de courses a crû de 35% par rapport au 2ème trimestre 2018 (contre 40% sur l’année 2018 et 105% sur 2017). De même le nombre d’utilisateurs mensuels d’Uber a grimpé de 30% au 2ème trimestre à 99 millions, un ralentissement par rapport aux 34% de l’année 2018 et 51 % de l’année 2017. Les cash-flows négatifs d’Uber sont censés servir à subventionner des chauffeurs pour augmenter la liquidité de la plate-forme et ainsi attirer de nouveaux utilisateurs, sans perdre les anciens. Aussi quand les cash-flows se dégradent et que la croissance ralentit, le signal envoyé au marché n’est pas bon:
Et c’est d’autant plus préoccupant que dans son document d’introduction Uber se présente en start up ne captant que 0,3% du marché et fait miroiter son potentiel.
Pour ajouter encore au problem d’Uber, la Californie a récemment adopté AB5, une loi exigeant un test, nommé ABC pour savoir si les chauffeurs Uber sont contractants ou salariés. La partie la plus ambiguë du test, la B, est de savoir si Uber est dans le même métier que ses chauffeurs ou exerce une autre activité: Uber est-il une société de taxi ou une plate-forme de chauffeurs ? La Californie n’est pas le seul état à pratiquer un test (pour l’instant Uber a réussi à transiger), mais l’idée a toutes les chances de se répandre. Le risque pour Uber est de devoir salarier ses chauffeurs et monter les prix.
Dès lors, les différentes acquisitions effectuées par Dara Khosrowshahi ainsi que le lancement d’un service de travail temporaire peuvent signaler une manœuvre désespérée pour réussir le test ABC, c’est à dire prouver qu’Uber est bien une plate-forme et non la plus vaste société de taxi au monde (ex Chine).
Qu’est-ce qu’une plate-forme ?
Tout le monde sait à peu près ce qu’est une plate-forme: un lieu de rencontre entre l’offre et la demande. Cette conception théorique ne fait pas la différence entre les différentes sortes de plateformes, seule la magie de l’effet réseau étant mise en avant dans un monde de coût marginal nul. Ainsi Alex Moazed et Nicholas L.Johnson dans Modern Monopolies mettent toutes les plateformes dans le même sac, sans distinguer le levier qu’elles cherchent à obtenir sur l’offre ou sur la demande. Or les plateformes sont tout sauf symétriques (excepté peut être dans le monde des consultants auquel appartiennent les deux auteurs du livre). Dans la vraie vie, les sociétés doivent distinguer les lieux de pouvoir et les capter. Il est de mauvaise stratégie de vouloir tout embrasser, car on laisse une brèche à la concurrence. Qui trop embrasse mal étreint dit le proverbe.
La définition de la plate-forme qu’aurait donné Bill Gates à Chamath Palihapitiya, ancien dirigeant de Facebook est un bon départ:
J'étais en charge de la plateforme Facebook. On l'a claironné comme si c'était une grosse affaire. Et je me souviens quand nous avons recueilli de l'argent auprès de Bill Gates, trois ou quatre mois plus tard<...>Gates a dit quelque chose du genre : "C'est de la connerie. Ce n'est pas une plate-forme. Une plate-forme, c'est quand la valeur économique de tous ceux qui l'utilisent, dépasse la valeur de l'entreprise qui la crée. Alors c'est une plate-forme."
Une vraie plate-forme se mesure d’abord à la valeur économique qu’elle apporte à son écosystème, donc aux fournisseurs qui l’utilisent. Il faut la distinguer de l’agrégateur qui veut contrôler le client (Facebook, Google, Netflix) en diminuant l’importance de l’offre:
N.B: comme le montre le dessin, la valeur économique d’un agrégateur peut être supérieure à celle d’une plate-forme, mais elle attire l’attention du régulateur, compte tenu de la faible valeur ajoutée apportée à l’écosystème.
Une véritable plate-forme fonctionne ainsi:
Elle est centrée sur l’offre pour lui assurer une distribution et non sur la demande pour niveler l’offre en la rendant abondante. A cette aune, Amazon Marketplace n’est pas une plate-forme car elle est une adjonction au métier d’e-commerce d’Amazon. L’objectif visé est de faire levier sur la clientèle déjà acquise par l’e-commerce pour attirer une offre complémentaire qui ravira les clients et en fera venir d’autres. Jeff Bezos ne s’en cache pas: Amazon est centré sur le client. Le gros de la valeur est captée par Amazon, pas par les fournisseurs qui ne connaissent même pas le client et doivent se soumettre à ses diktats. A l’opposé Shopify qui est un outil pour aider les commerçants à vendre en ligne est bien une plate-forme. C’est la menace la plus crédible pour Amazon. De même, YouTube est une plate-forme car elle a pour objectif de motiver les producteurs de vidéo à mettre leur œuvre en ligne. YouTube a mis en place un système de rémunération pour attirer les meilleurs et maximiser l’engagement. A l’inverse Facebook n’est pas une plate-forme car son objectif est de renforcer le graphe social, les interactions de ses 2,6 milliards d’utilisateurs pour devenir un point de passage obligé pour tout ce qui est publié (publicités et autres).
Elle apporte une réelle valeur ajoutée à cette offre qui peut se différencier à travers elle. L’offre doit pouvoir profiter de la puissance de distribution de la plate-forme. Une plate-forme mondiale est l’idéal. YouTube : on estime à 1,3 milliards le nombre de spectateurs sur la plate-forme. C’est très motivant pour les meilleurs YouTubers qui gagnent près de $20 millions par an. Dans un autre métier, Live Nation et sa billetterie Ticketmaster sont une excellente plate-forme pour promouvoir les tournées mondiales des grandes stars. Ils ont accès à 570 millions de fans dans le monde: il y a de quoi attirer les Madonna, Jay Z et Lady Gaga.
L’accumulation d’offres exclusives de fait cimente l’avantage concurrentiel de la plate-forme en créant un effet réseau inexpugnable quantitatif et surtout qualitatif. Live Nation par exemple est calibré pour attirer les grandes vedettes et organiser leurs tournées dans les meilleures conditions. Eventbrite, potentiel disrupteur, plate-forme internet de billetterie fait tomber les frictions pour attirer sur sa plate-forme le maximum d’organisateurs d’événements. Eventbrite connaît un certain succès avec 850 000 créateurs d’événements sur sa plate-forme. Le problème d’Eventbrite sera la montée en gamme: dès qu’un artiste Eventbrite percera, il aura tendance à tenter sa chance chez Live Nation conçu pour les stars. Eventbrite restera un vivier pour Live Nation. La limite de l’exercice est qu’une fois qu’une offre est vraiment exclusive, elle peut se passer de la plate-forme. Ainsi Netflix a décidé de quitter l’AppStore car il estime le pourcentage de 30% prélevé par Apple excessif. De même Ninja a décidé récemment de quitter la plate-forme de streaming Twitch, cette fois parce que la plate-forme concurrente Mixer (groupe Microsoft) lui a fait un pont d’or pour l’exclusivité. La beauté de la plate-forme est qu’une fois qu’un nombre important d’exclusivités l’utilisent, la perte de l’un ou l’autre l’impacte peu. Netflix représente moins de 1% du chiffre d’affaires de l’App Store, Ninja 1% des heures vues sur Twicht. Dans le même temps le petit Mixer (3% des heures de streaming de jeux contre 72% pour Twitcht) va se saigner à blanc pour cette exclusivité.
La plate-forme Uber
Le parti pris de Travis Kalanick, le fondateur d’Uber, a été d’en faire une plate-forme. Comme on le verra plus loin par exemple, le mécanisme de fixation des prix est destiné à favoriser le chauffeur au détriment de l’usager. Qu’est ce qui distingue un chauffeur d’un autre chauffeur ? Pas grand chose surtout depuis qu’avec Waze, le chauffeur n’a plus besoin de connaître sa ville par cœur. C’est une grande différence par rapport à YouTube, Twitch, l’App Store ou Live Nation. Uber est une plate-forme dans la mesure où il cherche à faire croître l’écosystème en maximisant le revenu des chauffeurs (tarif unitaire multiplié par nombre de courses). Le S1 explique clairement le point de départ: les chauffeurs. Mais Uber aura du mal à différencier un chauffeur d’un autre et ce d’autant plus que les usagers de la plate-forme sont locaux. Un chauffeur a forcément un périmètre limité autour de la localisation de sa voiture, ce qui peut laisser du terrain à une application concurrente qui, sans avoir la liquidité d’Uber, se trouve juste au bon endroit et au bon moment pour faire de l’arbitrage.
Qu’apporte donc Uber au chauffeur ? En moyenne un délai de prise en charge plus court et en théorie une meilleure rémunération car le rapport entre nombre d’usagers et nombre de chauffeurs est plus grand chez Uber que chez les concurrents, l’effet réseau étant plus développé. Chez Uber il y a 23 passagers pour 1 chauffeur, chez Lyft 17. Ce n’est malheureusement pour Uber qu’une moyenne: la société n’a pas la supériorité partout: chaque ville, voire même chaque quartier doit être défendu des assauts de la concurrence. Un chauffeur a tout intérêt à être multi-plate-forme et arbitrer l’une contre l’autre en fonction des circonstances. La valeur ajoutée d’Uber étant limitée par rapport aux chauffeurs, la plate-forme doit lutter pour les attirer (subventions) et les garder (c’est l’origine de la création d’Uber Eats, censé occuper leurs temps morts). Il n’en reste pas moins que l’effet réseau d’Uber est plus quantitatif que qualitatif est c’est un réelle faiblesse: Facebook a pu déplacer Myspace avec un effet réseau moins important mais plus qualitatif, centré sur un graphe social solide. De même Zoom est en train de déplacer Skype. En fait, les chauffeurs n’ont pas vraiment le pouvoir, ils se ressemblent et ont de nombreux concurrents: les transports en commun, la bicyclette, la marche à pied, etc. N’est ce pas une erreur stratégique de se mettre du côté du chauffeur et de vouloir constituer une plate-forme ?
Uber veut devenir un agrégateur
Dans sa responsabilité antérieure de dirigeant d’Expedia , Dara Khosrowshahi (maintenant PDG d’Uber) a fait l’erreur de passer à côté de l’acquisition de Booking en 2005, ne comprenant pas à l’époque l’importance de monopoliser l’attention du consommateur. Le métier d’Expedia était de l’arbitrage de chambres d’hôtels: acheter les chambres bradées par les hôtels et les revendre en ligne avec une marge aux utilisateurs du service. Il ne s’agissait pas de mettre en valeur l’écosystème mais de l’exploiter…L’utilisateur venait sur l’application pour faire une affaire, pas pour ses besoins de voyage. C’était rentable pour Expédia mais l’application ne rentrait pas assez dans la vie des gens, comme un réflexe automatique quand on voyage. Booking offrait une consistence à ses utilisateurs la certitude de trouver une chambre. Dès lors, les utilisateurs avaient tendance à utiliser plus Booking qui est devenu un point de passage obligé pour les hôtels et concurrence maintenant Airbnb. L’effet réseau s’est enclenché dans le bon sens. Aujourd’hui Booking pèse $85 milliards en bourse, Expedia $20 milliards. Pour savoir comment se faire éjecter de la première place, demandez à Dara Khosrowshahi.
Président directeur général d’Uber depuis août 2017, Dara Khosrowshahi a retenu la leçon: le pouvoir est chez l’utilisateur, engageons ce dernier au maximum sur l’application (ou les applications) pour capter ce pouvoir. L’acquisition d’Uber Eats effectuée au départ pour engager les chauffeurs par le prédécesseur Travis Kalanick a changé de destination: elle permet de renforcer l’engagement des clients. Source S1:
De plus, au cours du trimestre terminé le 31 décembre 2018, les consommateurs qui utilisaient à la fois Mobilité personnelle et Uber Eats ont effectué 11,5 courses par mois en moyenne, comparativement à 4,9 courses par mois en moyenne pour les consommateurs qui utilisaient une seule offre dans les villes où la Mobilité personnelle et Uber Eats étaient offertes.
Uber est maintenant dans le métier d’offrir une abondance de services à ses utilisateurs. Comme le dit Dara, l’objectif est de devenir le système d’exploitation de la vie quotidienne des gens. La société reprend le playbook d’Amazon: commencer avec la vente de livres en lignes pour finir par absorber tout le commerce. De même Uber commence par le taxi, pour avaler tous les déplacements dans une première étape et enfin tous les services à la personne et à l’entreprise. L’idée est qu’une offre considérable et diversifiée (pas seulement les chauffeurs!) soit obligée de passer par Uber pour atteindre le consommateur: ce sont les restaurants avec Uber Eats, puis les supermarchés avec Cornershop. Plus l’offre est abondante, plus cette dernière est nivelée et devient alors un moyen de monétisation pour Uber: la prise de participation d’Uber dans Lime (trottinettes) et l’acquisition de Jump (bicyclettes) reflètent cette stratégie: la société met en concurrence sur son application les chauffeurs, les trottinettes et les vélos électriques pour offrir le meilleur moyen à l’utilisateur d’aller d’un point A à un point B.
Devenir agrégateur: un parcours semé d’embûches
Uber veut être pour les services du quotidien ce qu’est Amazon pour les biens matériels: le site de destination évident pour le consommateur. L’ancrage sur le quotidien est important: le quotidien nécessite la vitesse et c’est la dessus qu’Uber se différencie. Le temps pour obtenir tel ou tel service devient le paramètre sur lequel une offre abondante (de services et même de biens!) va se greffer. On commande par Uber eats car on a confiance dans le temps de livraison, ce sera la même chose pour les courses du quotidien avec Cornershop ou une offre de travail temporaire pour un col bleu. Cette stratégie ne va pas être simple:
Amazon a choisi la part la plus facile à traiter: les bien matériels et les électrons (AWS). C’est autrement plus compliqué de traiter des hommes et Uber en fait l’expérience. Les hommes peuvent manifester, se regrouper, refuser les conditions qu’on leur fixe, etc. Des lois sont votées dans de nombreux états pour protéger les chauffeurs. Dès lors, il devient difficile pour Uber de planifier: si la Californie établit qu’un chauffeur est un salarié au lieu d’un contractant, la règle du jeu change pour Uber: le service devient plus cher, la croissance ralentit sérieusement mais Lyft est probablement éliminé: un chauffeur salarié devant choisir entre Uber et Lyft, préférera la plate-forme la plus liquide pour maximiser son intéressement.
Contrairement aux agrégateurs classiques qui peuvent agréger des utilisateurs dans le monde entier avec la même offre (Google, Facebook, Amazon, Netflix) et donc bénéficier à plein d’un coût marginal très faible, l’offre d’Uber est locale avec un coût marginal important. L’effet de levier est limité, l’effet réseau doit être obtenu zone par zone. Cela implique de fortes dépenses pour défendre ses positions partout avec un levier uniquement local: une série Netflix pourra être regardée dans le monde entier, un chauffeur Uber couvrira un rayon de 20 km. C’est pourquoi même Didi Chuxing avec 500 millions d’utilisateurs en Chine et 88% de parts de marché perd toujours de l’argent, l’obligeant aussi à réorienter sa stratégie.
Amazon a pris l’internet par surprise et a pu imposer son leadership sans avoir trop à se soucier de la concurrence. Le krach technologique de 2000 lui a été utile en rendant le financement plus difficile pour les concurrents. Uber est dans une situation inverse: le financement est facile pour lui comme pour les concurrents. De plus Uber doit lutter ville par ville pour s’imposer, ce qui donne du temps aux copieurs. Dès lors la guerre des prix est quasi inéluctable. Le compte de cash flow d’Uber n’est pas enthousiasmant, 10 ans après la création de la société, les cash-flows opérationnels sont largement dans le rouge:
En 2005, 10 ans après la création d’Amazon, ses cash-flows opérationnels étaient positifs rendant la société indépendante des caprices des marchés financiers:
La stratégie optimale pour Uber: sortir du piège du local
La stratégie optimale pour Uber, s’il veut devenir un agrégateur est de concentrer sa valeur ajoutée sur les électrons, les bits. Les électrons se déplacent vite et à faible coût dans le monde entier. Savoir les organiser peut se faire à coût marginal nul et toucher la terre entière. Les fonctions à faire valoir sont la cartographie qui permet de localiser utilisateur et service, le paiement (Uber est novateur avec son système de paiement automatique), la présentation des caractéristiques des services, le mécanisme de fixation des tarifs, etc. Aussi, pourquoi ne pas donner accès à d’autres services concurrents, type Kapten, dans so application. C’est la voie choisie par Didi en Chine pour contrer Autonavi (semblable à Google Maps). La valeur ajoutée d’Uber est de réduire les frictions pour que l’utilisateur puisse avoir recours rapidement à un service du quotidien, quel qu’il soit. Uber doit donc éviter comme la peste la tentation d’intégration verticale visant à se réserver une offre exclusive, car il n’en a pas les moyens. Moins Uber se mêlera des services qu’il propose sur sa plate-forme, plus il pourra investir dans la réduction des frictions. L’investissement dans une flotte de trottinettes ou de vélos électriques n’est-il pas une gabegie: on voit bien l’objectif de se mettre du côté de l’utilisateur quitte à mécontenter le chauffeur, mais ne serait-il pas préférable de passer des accords avec les parcs de trottinettes ? De même l’investissement d’Uber dans les voitures autonomes soulève question: autant utiliser des parcs extérieurs, une fois qu’ils existeront. Qui pourra se passer de la force de distribution d’Uber ? Pendant ce temps, Uber perd des ressources précieuses qui pourraient être dédiées à l’agrégation d’utilisateurs autour d’une super app.
il ne faut pas se leurrer, Uber et Google sont au final dans le même métier : l’organisation de l’information. A terme, l’application Uber et Google Maps vont entrer en collision. Les deux super apps partiront de la carte géographique. Google se bat sur la quantité d’information, Uber sur la vitesse. Cette stratégie différentiée des deux acteurs pourrait leur permettre de coexister et à Uber enfin de gagner de l’argent, pourvu qu’il ne tombe pas dans le piège de la verticalisation: ce qui est bon pour Amazon ne l’est pas forcément pour Uber.