Quelques idées sur l’AssurTech
Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
L’AssurTech n’est pas prise au sérieux par l’establishment, elle affiche cependant de plus en plus ses ambitions.
L’argus de l’assurance, 8 décembre 2020:
Top départ pour Lemonade ! Le lancement en France de l’AssurTech américaine, attendu depuis quelques semaines, est effectif depuis ce 8 décembre à destination de tous les locataires. La France devient ainsi le quatrième marché sur lequel se lance la start-up américaine (qui a récemment fait son entrée en Bourse à New York), après les États-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas.
La promesse initiale de Lemonade ne change pas : expérience utilisateur optimisée, utilisation de l’intelligence artificielle pour tarifer et gérer les sinistres, absence d’intermédiaire et, au final, des prix que la jeune pousse estime « ultra-compétitifs » – le premier niveau tarifaire est de quatre euros par mois. Les services d’assistance d’urgence sont de leur côté réalisés parAxa Assistance.
Lemonade estime par ailleurs que ses couvertures sont plus étendues que ce qui se fait actuellement en France : elles incluent par exemple une garantie optionnelle qui couvre le vol à la fois au domicile et à l’extérieur, dans le monde entier. Ses polices d’assurance sont par ailleurs simplifiées au possible, bien que la police fournie en guise d'exemple par Lemonade comporte tout de même 21 pages hors annexes (incluant quelques petites doses d’humour et des pages quasi-blanches).
À l’instar d’un de ses concurrents notables (l’assurtech Luko, qui a déjà séduit plus de 100 000 assurés et mené une nouvelle levée de fonds pour accélérer encore davantage), Lemonade, certifiée « B-Corp », reversera les cotisations non utilisées à diverses associations. Sont ainsi partenaires en France les Restos du Cœur, Surfrider Europe, Médecins sans Frontières, la Ligue contre le Cancer ou encore le Refuge.
J’ai tenté de montrer dans différents articles, notamment le dernier, que la banque ne me paraissait pas réellement menacée par les FinTech, pourvu qu’elle sache adopter un modèle plate-forme. Il n’en est pas de même de l’assurance, voici pourquoi.
Une différence de culture
Une banque est centrée sur son client, à qui elle vend l’accès à son bilan. Elle suit trois règles pour prospérer:
Connais ton client (afin d’éviter l’impayé),
vends lui le maximum de tes produits pour faire levier sur tes frais généraux,
limite tes frais généraux au strict minimum pour éviter de donner un point d’entrée à un compétiteur.
L’organisation suit: une banque est organisée par type de clientèle: particuliers, petites et moyennes entreprises, grandes entreprise et institutionnels.
Une compagnie d’assurance est centrée sur ses risques, desquels elle protège ses clients. Elle suit trois règles pour prospérer:
segmente au mieux ton marché pour définir un profil de risque identique, statistiquement mesurable, et arbitrable,
fais le avant les autres pour monopoliser le segment et en obtenir les effets positifs (échelle, feedback, loi des grands nombres),
limite tes frais généraux au strict minimum pour éviter de donner un point d’entrée à un compétiteur.
L’organisation suit: une compagnie d’assurance est organisée par type de risque: biens, personnes, habitation, voiture, vie, etc.
En résumé une banque est censée proche de ses clients, lesquels clients sont inscrits à son bilan, sous forme de compte bancaire. Un assureur est censé proche de ses risques, lesquels sont inscrits à son bilan sous forme de provisions pour risques. Cette différence se traduit dans le commercial qui est propriétaire dans le cas de la banque et souvent sous-traité dans le cas de l’assurance (agents généraux, courtiers).
Évidemment, il faudrait nuancer: certains risques bancaires s’analysent statistiquement en cohortes (cartes de crédit par exemple), comme un risque d’assurance, tandis que l’assurance développe des produits qui se rapprochent des produits bancaires (unités de compte). Une certaine convergence s’opère. Le point important, cependant, est que la banque tient sa variable principale, le client est prisonnier de son bilan. Une FinTech peut rendre le séjour plus agréable mais pas libérer la citadelle: elle peut ravir la relation clientèle mais pas le client. La coopération est préférable pour les parties. Qu’en est-il pour l’assurance ? Tient-elle aussi sa variable principale, la segmentation du risque ?
Les leçons d’AIG
Avant le milieu des années 2000 et son incursion malheureuse dans l’assurance de subprimes, AIG était considérée comme la compagnie d’assurance modèle passée en deux générations de simple colporteur de l’assurance américaine en Chine à multinationale tentaculaire dominant le secteur. Le développement d’AIG sous Cornelius Vander Starr puis Hank Greenberg est intéressant à observer pour notre sujet:
Cornelius Vander Starr était le pionnier, l’entrepreneur yankee par excellence qui découvrit le potentiel de la Chine avant l’heure. Il reacheta à Shanghai un bureau d’agent général pour le fonds des pompiers américains (Firemen’s Fund) en 1919 et en fit un bureau de représentation de plusieurs compagnies (American Asiatic Underwriters, devenu plus tard AIA). Il y avait tout à inventer car les produits d’assurance américains n’étaient pas adaptés à la Chine, les risques trop différents. Sa grande intuition fut de développer l’assurance vie, percevant que l’espérance de vie des chinois allait monter fortement dans le siècle à venir et qu’il y avait un arbitrage fabuleux à réaliser. Le plus intéressant pour notre sujet était qu’AAU n’était pas preneur de risque mais cependant le définissait puis le vendait. La fonction de segmentation était du ressort du commercial, le mieux placé pour percevoir un risque non assuré et donc attractif du point de vue de la compagnie d’assurance. En prenant à son compte la partie la plus importante du métier, Cornelius Vander Starr prenait le pouvoir sur les compagnies d’assurance. Il restait à Hank Greenberg de transformer l’essai.
Hank Greenberg a poursuivi dans les pas de son prédécesseur à partir des années 60 avec le même esprit pionnier consistant à segmenter de nouveaux risques pour créer des occasions d’arbitrage mais de manière systématique et à grande échelle. Sous sa direction AIG est devenu un monstre capitalisant jusqu'à $180 milliards. Hank Greenberg réalisant que ses assureurs partenaires pouvaient essayer de le contourner s’est lancé dans l’intégration verticale achetant de vieilles compagnies d’assurance un peu endormies et leur insufflant un esprit de créativité. Finalement, de partenaire qu’il était AIG est devenu une menace sérieuse pour les assureurs, ne serait-ce parce qu’il attirait les meilleurs talents. La leçon à retenir pour notre sujet est que le pouvoir est du côté de celui qui segmente, pas de celui qui prend le risque. Cela met en danger les compagnies qui par l’usure du temps ont oublié ce principe, se retranchant derrière la mutualisation.
De Cornelius à Lemonade
Lemonade est une version moderne du Cornelius Vander Starr des années 1900. L’AssurTech effectue deux fonctions bien mieux que les vieilles compagnies d’assurance, à la Vander Starr:
le commercial
la segmentation
A y regarder de près les deux fonctions vont de pair, ce qui est très dangereux pour les compagnies d’assurance qui ne maîtrisent pas leur commercial et risquent de ne pas maîtriser la segmentation des risques. En effet, pour vendre, il faut trouver les personnes au profil similaire, donc segmenter: si cela plait à celui-ci, cela plaira aussi à celui-là. La version Amazon est: ceux qui ont acheté ce livre ont aussi acheté celui-là. La définition de profils d’acheteurs (les gens qui se ressemblent) est à la base du commercial. Trouver les gens qui se ressemblent, qui partagent les mêmes risques, est aussi à la base de la segmentation des risques. Aussi, il y a une dynamique positive pour les entreprises d’assurance qui segmentent. Prenons l’exemple de Geico, la célèbre compagnie d’assurance auto, détenue par Berkshire Hathaway. La grande force de Geico est de s’être spécialisée sur les fonctionnaires, une catégorie importante en nombre de gens au comportement prudent sur les routes. Les fonctionnaires ayant moins d’accidents, les tarifs sont moins élevés. A partir du moment où le segment est bien défini, le commercial suit plus facilement. L’argument est simple: faites des économies sur votre assurance. Geico touche son public par un matraquage publicitaire original, qui est un frais fixe lui procurant des effets d’échelle insurmontables. Il n’est nul besoin d’utiliser une armada d’agents généraux payés au variable pour pousser les portes tellement l’argument est simple. Geico utilise un canal de vente direct, ce qui réduit encore ses coûts et renforce son argumentaire commercial. L’effet vertueux est enclenché par la segmentation.
L’internet est une formidable machine à segmenter. Les assureurs qui voient l’internet comme un simple outil de promotion de leur offre risquent d’en faire les frais. Lemonade suit le manuel d’instruction de Geico ou de Vander Starr avant lui:
Il s’adresse aux millennials, une génération qui vit exclusivement au travers de son smartphone, qui n’a pas d’argent et qui s’assure pour la première fois pour des montants dérisoires (1 ère location). Cette clientèle n’intéresse pas les assureurs car elle leur coûte de l’argent, du fait de l’impossibilité de répercuter leurs frais généraux sur des primes aussi faibles. Le marché est donc quasi vierge.
L’internet permet de réduire considérablement les frais généraux quand il est utilisé exclusivement, les bots remplaçant les humains. Une telle méthode de contact qui pourrait rebuter un client traditionnel convient tout à fait aux millennials.
Une telle segmentation est donc tout à fait pertinente, l’arbitrage intéressant. Lemonade sous-traite le risque (première phase) pour se concentrer sur le commercial. Rien ne l’empêchera ultérieurement d’acquérir une capacité de souscription. Il doit donc maintenant acquérir les clients le plus vite possible pour dominer le marché et construire les effets d’échelle qui accompagnent cette domination. Et c’est là que les problèmes se posent !
L’internet est la meilleure…et la pire des choses
Un commercial qui se respecte doit trouver les gens qui se ressemblent pour pouvoir leur vendre la même chose. Jusqu’à l’arrivée de l’internet se posait toujours la question du gaspillage: comment limiter le gaspillage d’information, le coût lié à la propagation du message auprès des mauvais interlocuteurs ? Ce coût était une contrainte énorme pour la propagation du message:
Il y avait d’un côté les sociétés qui vendaient leur produit au plus grand nombre, monopolisant les canaux presse et TV nationaux puis les grandes chaînes de distribution. Le coût de propagation du message était amorti sur le plus grand nombre (Coca Cola, General Motors, chaînes TV généralistes, etc.)
Et de l’autre des sociétés qui visaient des niches unies par une communauté d’intérêts, utilisaient des revues et/ou une distribution spécialisées, limitant ainsi le coût de propagation du message.
Enfin le milieu n’était pas enviable, le coût du commercial étant prohibitif.
Les clients étaient conquis dans la durée, il fallait ouvrir les portes les unes après les autres. La complexité de la tâche renforçait l’avantage de celui qui gagnait les clients en premier. L’absence d’échelle au niveau de la commercialisation devait être compensée par une standardisation en amont rendant cette commercialisation plus facile.
Les compagnies d’assurance faisaient partie de la deuxième catégorie de sociétés, celles qui segmentaient et visaient les niches. Une fois une niche conquise, on en visait une autre. On amortissait les frais commerciaux de l’agent général en poussant la vente croisée. Les sociétés qui avaient le luxe de pouvoir vendre en direct parce que leur offre était particulièrement segmentée et leur marché large, n’étaient pas obligées de diversifier leurs lignes pour faire de la vente croisée, elles pouvaient se passer d’agents généraux. Leur offre était ainsi plus lisible (Geico, Progressive) et leurs frais généraux réduits.
L’internet a standardisé et banalisé l’activité commerciale. Cette standardisation a été opérée par trois groupes: Facebook, Google et Amazon, les rois de la publicité digitale. Le monde des affaires n’est plus le même. Facebook parmi ses 3 milliards d’utilisateurs peut trouver des gens qui se ressemblent en un instant et leur soumettre une proposition commerciale. Ainsi une toute petite société, bien différenciée peut trouver instantanément son public dans le monde entier: elle n’a pas besoin d’avoir une offre standardisée plaisant au plus grand nombre. De Facebook for business :
Lorsque vous créez une audience similaire, vous choisissez une audience source (une audience personnalisée créée à partir des informations extraites du pixel, de votre application mobile ou des fans de votre Page). Nous identifions les points communs des personnes qui composent cette audience (par exemple, données démographiques ou centres d’intérêt). Nous diffusons ensuite votre publicité auprès d’une audience composée de personnes qui leur ressemblent (qui sont « similaires »).
Vous pouvez choisir la taille de votre audience similaire pendant le processus de création. Plus votre audience similaire est restreinte, plus elle ressemble à votre audience source. La création d’une audience plus vaste augmente votre couverture potentielle, mais réduit le niveau de similitude entre l’audience similaire et l’audience source. Nous recommandons généralement une audience source composée de 1 000 à 50 000 personnes. La qualité de la source compte également. Par exemple, si une audience source est composée de vos meilleurs clients plutôt que de l’ensemble de vos clients, vous pouvez obtenir de meilleurs résultats.
La standardisation du commercial par la publicité digitale explique pourquoi on a maintenant des sociétés avec des croissances de 100% (type Zoom ou Snowflake). Autrefois (avant l’internet), une croissance de 15% était plutôt exceptionnelle. La différenciation maintenant s’opère au niveau de l’offre, et non plus de la distribution ou de l’intégration entre les deux. L’ère des Procter & Gamble est révolue. C’est gênant pour nos compagnies d’assurance car la segmentation leur donnait un double avantage de souscription et de commercialisation. Cet avantage combiné les protégeait des assauts de la concurrence. Reconstruire un deuxième GEICO aurait été trop complexe, laissant du temps à l’original pour contrer cette éventuelle menace.
C’est le problème de Lemonade: sa différentiation n’est plus qu’au niveau de l’offre; pour le commercial, Facebook est meilleur. Certes Lemonade a eu la bonne idée de segmenter les milleniums primo-locataires, une catégorie négligée par les assureurs traditionnels. Mais il lui faut maintenant conquérir le marché très vite avant qu’une autre AssurTech ne prenne le marché, en s’appuyant sur Facebook, l’idée étant facilement copiable. La seule solution est d’investir massivement dans la publicité digitale. Les dépenses de marketing chez Lemonade sont supérieures à son chiffre d’affaires !
Lemonade justifie ces dépenses comme le coût d’acquisition des millennials. Une fois qu’il aura acquis ces derniers, il pourra leur proposer d’autres produits d’assurances grâce à son bot hyper économique et faire sa propre segmentation grâce aux données collectées: il aura alors reconstitué le double avantage de la segmentation, la définition du risque et de la cible commerciale. Le pari est intéressant mais risqué:
Il n’est pas du tout évident que Lemonade soit meilleur que Facebook pour définir une cible de gens qui se ressemblent. Auquel cas une autre AssurTech pourrait doubler Lemonade en s’appuyant sur Facebook.
Lemonade tombe dans le mythe du client « acquis ». Dans le métier de l’assurance comme je l’ai précisé au début, c’est la segmentation du risque qui définit la cible commerciale et non l’inverse. La proximité client permet de concevoir des arbitrages intéressants. Partir de la satisfaction client est dangereux, car la tentation est de répondre à tous ses besoins et de négliger les arbitrages procurés par une segmentation créative. Après l’assurance location sur laquelle il avait clairement un avantage, Lemonade se lance dans l’assurance habitation (il n’est pas le seul) et l’assurance vie, faisant miroiter le marché potentiel. Son succès de souscription initial risque d’être dilué, Lemonade gagnant au mieux en économies de frais généraux ce qu’il perd en qualité de souscription.
Un problème culturel
L’internet, en particulier le smartphone, procure une grande proximité avec l’utilisateur, notamment du fait de l’interactivité possible. Il est tentant d’être centré sur le client pour lui offrir l’abondance. C’est ce que font Facebook et Google à la perfection. Vouloir imiter leur modèle économique n’est pas une bonne idée pour une compagnie d’assurance car qui dit abondance d’assurances dit abondance de risques. Or c’est bien ce que tente de faire Lemonade. Le fondateur:
Le cocktail de Lemonade, qui allie expérience délicieuse, valeurs harmonisées et prix avantageux, est très apprécié, mais il est sur-exposé sur les jeunes et les nouveaux acheteurs d'assurance. Au fur et à mesure que ces clients progressent dans les événements prévisibles de leur cycle de vie, leurs besoins en matière d'assurance augmentent généralement pour englober des produits de plus en plus nombreux et de plus grande valeur : les locataires acquièrent régulièrement plus de propriétés et passent fréquemment à des maisons de plus en plus grandes ; l'achat d'une maison coïncide souvent avec un ménage en expansion et un besoin correspondant d'assurance vie ou d'assurance pour animaux domestiques, etc. Ces progressions peuvent déclencher des sauts d'ordre de grandeur dans les primes d'assurance.
La culture de l’assurance est celle de l’arbitrage, de la sélection des risques et du rejet, le pouvoir de dire non. C’est contraire à la culture internet qui est celle du coût marginal zéro, c’est à dire de l’inclusion maximale et de l’abondance. Il ne faut pas voir l’assurance comme un métier où le gagnant emporte tout, mais plutôt comme un métier où on poursuit les anomalies. C’est pourtant le discours des dirigeants de Lemonade et il me paraît décalé par rapport à la nature du métier. Aussi, la technologie pourrait être l’ennemi de Lemonade: le cœur du métier reste la segmentation créative, qui n’est pas du ressort de la technologie déployée par Lemonade:
AI Maya : Notre robot d'embarquement et d'expérience client vend nos polices et s'occupe de tout, de la collecte d'informations à la personnalisation de la couverture, en passant par la création de devis et la facilitation des paiements.
AI Jim : Notre robot de gestion des sinistres gère le "premier avis de perte" pour 96% des sinistres au 31 mars 2020, et dans environ un tiers des cas, il peut gérer la totalité du sinistre par la résolution sans aucune intervention humaine.
CX.AI : Notre plateforme de robots est conçue pour comprendre et résoudre instantanément les demandes des clients sans intervention humaine. Environ un tiers de toutes les demandes des clients sont traitées de cette manière.
Graphique judiciaire : Notre plate-forme de criminalistique utilise la puissance combinée de l'économie comportementale, des grandes données et de l'IA pour prévoir, dissuader, détecter et bloquer la fraude tout au long de l'engagement du client.
Blender : Notre plate-forme de gestion des assurances facilite une collaboration solide entre nos équipes chargées de l'expérience client, de la souscription, des sinistres, de la croissance, du marketing, des finances et des risques.
Cooper : Notre robot d'automatisation traite des tâches internes complexes et répétitives pour accroître l'efficacité de notre organisation.
La stratégie intéressante de Luko
Luko, une AssurTech francaise a de ce point de vue une stratégie intéressante car elle a la segmentation dans le sang: à l’origine, la start up installait des capteurs connectés dans les maisons pour détecter des anomalies permettant de prévenir dégâts des eaux et incendies. L’idée audacieuse des fondateurs a été de déployer une offre d’assurance habitation. Lier la protection préventive et l’assurance crée un segment potentiellement énorme de clients à plus faible sinistralité. Avec une approche exclusive internet, Luko pourra plus facilement créer son segment et le protéger par de très faibles frais généraux. L’avantage de Luko par rapport à Lemonade est double:
il crée son segment au leu de simplement l’identifier, ce qui rend le plagiat plus difficile
ce segment est potentiellement suffisamment large pour éviter à Luko la tentation de vouloir tout offrir et de diluer sa segmentation.
Il reste à voir comment Ludo fera la transition vers d’autres risques sans succomber à la tentation de vouloir tout offrir à ses clients.
La menace AssurTech
L’internet est une vraie menace pour les assureurs traditionnels car il permet de mieux segmenter et de gérer à faible coût.
De même que l’internet a rendu le métier plus dur pour les gestionnaires d’actifs, les anomalies étant systématiquement exploitées grâce à l’abondance d’information, il est probable qu’un sort identique soit réservé aux compagnies d’assurance. L’assurance deviendra une pure commodité qui se distinguera par la gestion des frais généraux, une situation peu enviable. Les compagnies traditionnelles sont clairement menacées par l’internet qui va clore les arbitrages possibles de segmentation. Il ne leur restera plus qu’à se battre sur les frais généraux, mais là, ils auront fort à faire avec les AssurTech. Au final, ils risquent de se transformer en preneurs de risques purs avec un sérieux risque de désintermédiation. L’AssurTech peut faire plus mal que les FinTech.
Bonne fin de semaine,
Hervé