Technologie et géopolitique: le grand rapprochement ?
Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
Wikipedia:
La géopolitique (du grec ancien : γῆ / gễ « terre » et πολιτική / politikḗ « politique ») est l'étude des effets de la géographie (physique et humaine) sur la politique internationale et les relations internationales. C'est une méthode d'étude de la politique étrangère pour comprendre, expliquer et prédire le comportement politique international à travers les variables géographiques. Il s'agit notamment des études régionales, du climat, de la topographie, de la démographie et des ressources naturelles.
Les sphères géopolitique et technologique sont imperméables, voire se repoussent comme les pôles nord de deux aimants. La géopolitique réduit la technologie à sa dimension militaire, la défense de l’espace, la technologie pense elle pouvoir abolir les contingences géographiques en rapprochant les peuples. Il est temps d’établir un pont entre les deux disciplines, c’est la clef pour comprendre le tour inattendu des événements d’Ukraine, en particulier pour Vladimir Poutine.
La technologie au service de la géopolitique
Les géopolitologues ont du mal avec la technologie car elle n’est pas un attribut qu’on peut capter comme une matière première en envahissant un pays. Du coup soit ils l’ignorent, soit ils l’intègrent comme étant au service de la géographie. Mark Twain:
Pour un homme avec un marteau, tout ressemble à un clou.
La géographie donc dicterait les orientations prises par les nations, la technologie étant une arme au service de ses orientations. George Friedman, fondateur de Strafor et Geopolitical Future, le 26 juin 2017:
Les technologies qui définissent une époque proviennent généralement d'une grande puissance géopolitique. L'ingénierie romaine, par exemple, a contribué à façonner le monde méditerranéen. La technologie britannique a créé et soutenu la révolution industrielle. Ces empires pouvaient absorber le coût de l'innovation parce qu'ils avaient l'argent pour le faire et parce qu'ils savaient que cela ne ferait que renforcer leur pouvoir. Et comme les technologies sont destinées à renforcer le pouvoir, même les plus bénignes ont été inventées à des fins militaires.
La technologie servirait d’abord l’art de la guerre avant d’avoir des utilisations civiles. C’est ainsi que:
la bombe atomique a précédé la centrale nucléaire,
le microprocesseur, une création conjointe de l’effort public américain et du privé après la deuxième guerre mondiale, a équipé les F14, les missiles balistiques intercontinentaux et les ogives nucléaires avant les iPhones. Dans de tels engins, il fallait réduire la taille de l’ordinateur,
General Dynamics a inventé le téléphone cellulaire en 1985 en liaison avec l’armée US,
Le GPS a été inventé pour guider les véhicules armés, avec des satellites appartenant à l’armée US,
L’internet est une création de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency).
On peut se demander si les innovations technologiques sont toujours issues des besoins militaires. Le pétrole à partir des années 1850 par exemple a d’abord eu des débouchés commerciaux avant d’être utilisé dans les engins militaires. Cependant, même si le premier puit de pétrole commercial a été foré en Roumanie, les Etats-Unis, puissance montante de la fin du XIXème siècle ont adopté et dominé rapidement la technologie de forage, devenant très rapidement les principaux producteurs de pétrole au monde. La technologie et la puissance géopolitique sont donc extrêmement liées, la première au service de la seconde. Une grande puissance crée ou exploite de la technologie qui la rend encore plus puissante dans un cercle vertueux. Dès lors et de manière fort commode, la technologie qui est réduite à sa force amplificatrice disparaît de l’analyse géopolitique qui peut alors se concentrer sur les facteurs géographiques, les « must have », à savoir:
Les protections naturelles comme les mers, les montagnes ou les déserts. Les Etats-Unis sont vernis avec l’Océan Atlantique, le Golfe du Mexique, les Rocheuses, l’Océan Pacifique, le désert et les Grands lacs. La Grande Bretagne est également protégée par son insularité. Enfin la France est également dans une situation enviable, entre Océan Atlantique, Manche, Alpes, Méditerranée et Pyrénées. Elle est malheureusement perméable du côté nord est. Les pays d’Europe centrale en revanche sont de vraies passoires. Cela explique le problème de l’Allemagne cernée de tous côtés. Son salut réside dans une forte alliance avec la France ou avec la Russie pour équilibrer le bloc européen à son profit. Sa position l’incite à dominer militairement. On l’a vu récemment avec sa décision brutale de porter son budget défense à 2% du PNB.
Des voies d’eau navigables. L’activité économique se concentre autour de ces voies d’eau qui permettent la production de biens agricoles grace à l’irrigation et le transport non seulement de ces biens mais aussi de tous les autres. Les États-Unis là encore sont particulièrement gâtés avec 40 000 km de voies navigables communicant entre elles ( ce n’est pas le cas de la Chine) expliquant leur puissance économique:
Un climat favorable à l’agriculture et donc à la sécurité alimentaire, l’apanage des Etats-Unis encore et de l’Europe, de la France a l’Ukraine:
Des ressources en énergie, en premier lieu le pétrole, car le PNB, donc la puissance d’un Pays, est de l’énergie transformée. Les Etats-Unis sont le premier producteur devant l’Arabie Saoudite et la Russie.
Enfin une pyramide des âges en vraie forme de pyramide, signifiant un pays jeune. Un contre exemple (mais ce n’est pas le seul) est l’Europe:
Celle de la Russie est encore plus râblée, manifestant une faible espérance de vie :
A noter qu’en géopolitique, la technologie ne semble requise que pour poursuivre des objectifs géographiques. Par exemple la technologie des pétroles de schiste est intéressante pour assurer l’indépendance pétrolière. Les géopolitologues jouent avec leurs paramètres géographiques comme avec des pièces de lego pour prédire les actions vraisemblables des nations dans le but de corriger leurs faiblesses et renforcer leurs atouts. Les analyses sont souvent pertinentes. Vu sous l’angle géopolitique, la Russie a aujourd’hui une frontière beaucoup trop perméable et continuera sa progression jusqu’à réduire au maximum les points de passage sur son territoire. Il lui faut aller jusqu’aux Carpates. maîtriser les côtes de la mer Noire, de la mer d’Azov et de la mer Baltique et ce d’autant plus rapidement que sa population vieillit et son armée faiblit en conséquence. C’est en tout cas l’opinion de Peter Zeihan, un ancien du Strafor qui écrivait le 29 décembre 2021, donc bien avant l’invasion de l’Ukraine:
Sur papier et sur vidéo, j'affirme que le destin imminent de la Russie (nous y reviendrons dans une minute) l'obligera à adopter une position plus agressive en matière de sécurité, notamment à l'égard de l'Ukraine. Aujourd'hui, la plupart des régions frontalières de la Russie sont indéfendables. Il existe peu de barrières géographiques pour bloquer une invasion potentielle, ce qui oblige les Russes, dont le nombre diminue, à tenter de défendre de vastes étendues de territoire. Les barrières dont disposent les Russes - la Crimée et le Caucase viennent à l'esprit - sont uniquement dues au type d'aventurisme stratégique dont Poutine menace aujourd'hui l'Ukraine dans son ensemble. Il y a une méthode à cette folie. Pour paraphraser Catherine la Grande, la Russie peut s'étendre, ou la Russie peut mourir.
Et Zeihan présente la carte des frontières, selon lui, souhaitées par la Russie pour minimiser les points d’invasion:
L’idée maîtresse de la géopolitique est qu’une nation va chercher à avoir les coûts structurels les plus bas possibles pour se défendre et pour commercer, d’où l’importance des voies maritimes, des océans, des montagnes, des matières premières, du climat et de la démographie. Un avantage structurel au départ est décisif à long terme. Aucune nation n’est aussi favorisée que les Etats-Unis, un élément fort d’explication de leur puissance. Les pays auxquels manquent des avantages de coût vont compenser, soit par la conquête soit par les alliances soit par la technologie (d’où son importance). Le Japon par exemple a compensé son absence de ressources pétrolières par l’énergie nucléaire. Les pays du Golfe qui n’ont que le pétrole ont passé des alliances avec les Etats-Unis pour leur défense. Israël, dont le territoire est très vulnérable, est très avancé en technologie.
La Russie est un cas d’école de géopolitique traditionnelle. George Friedman et Peter Zeihan sont dans leur élément. Logiquement la Russie devait avancer à l’Ouest pour sécuriser ses frontières, ce qu’elle a commencé à faire avec une armée plus importante que l’armée ukrainienne. Il y a eu cependant un petit grain de sable dans la mécanique géopolitique, un grain de sable introduit par l’internet: la création d’un cinquième pouvoir, qui ne connaît pas de frontières…et se moque de la géopolitique…
Le cinquième pouvoir
On l’a vu à l’œuvre lors du printemps arabe, de l’élection de Trump, de l’ascension de GameStop ou de Tesla. Le cinquième pouvoir allie un leader et une foule mobilisée sur un objectif:
Il n’a pas de géographie et ignore les lois de la géopolitique, il n’est pas maîtrisable car partout et nulle part. Il s’appuie sur le mème, pas la recherche des faits. Il constitue une force puissante, une tornade qui se dissout une fois l’objectif atteint, sans aucune vision sur le long terme. Enfin ce cinquième pouvoir est élusif et difficile à prouver. Pourtant ses effets sont incontestables: la déstabilisation du pouvoir en place, celui qui déplaît à son bon plaisir. Mark Zuckerberg l’avait bien analysé lors d’un discours à l’université de Georgetown en 2019:
Les gens ayant le pouvoir de s'exprimer à l'échelle sont un nouveau type de force dans le monde. C'est un cinquième pouvoir aux côtés des autres structures de pouvoir dans notre société. Les gens n'ont plus à compter sur les gardiens traditionnels de la politique ou des médias pour faire entendre leur voix, et cela a des conséquences importantes.
(NB: les quatre autres pouvoirs visés par Mark Zuckerberg sont l’exécutif, le législatif, le judiciaire et la presse.)
Le cinquième pouvoir oblige les institutions à faire une politique de la demande ou risquer la marginalisation. L’invasion de l’Ukraine a déchaîné le cinquième pouvoir conduit par le président Ukrainien multipliant les déclarations de résistance dans des vidéos faisant le tour d’internet. Il n’est bientôt plus devenu possible de ne pas s’aligner sur la position de Zelinsky. Les Etats et les sociétés privées ont dû surenchérir pour condamner l’invasion et boycotter la Russie, cédant devant la tornade. L’alternative est simple: boycotter ou être boycotté. Le Washington Post, le 8 mars 2022:
Ces derniers jours, des cadres, des membres de conseils d'administration, des analystes et d'autres acteurs du monde des affaires ont dressé une liste des entreprises qui se sont retirées de Russie à la suite de l'attaque de l'Ukraine, et de celles qui sont restées sur place.
La feuille de calcul, compilée par Jeffrey Sonnenfeld, professeur à l'université de Yale, et son équipe de recherche, est devenue une sorte de liste de vilains ou de méchants, les PDG faisant de leur mieux pour éviter d'être placés sur la liste des "entreprises qui restent en Russie avec une exposition significative"…McDonald's, Coca-Cola et Starbucks se sont rapidement retirés.
L’intrusion de ce pouvoir a déstabilisé Vladimir Poutine qui s’attendait à une réaction molle vis à vis d’une opération qu’il pensait éclair, sans grande conséquence pour la population russe. C’est la réaction du cinquième pouvoir qui s’est montrée éclair…et d’autant plus surprenante pour le régime russe qu’il croyait maîtriser l’internet avec son réseau de propagande. Le boycott par les pays où l’internet circule librement est impressionnant, venant des États mais aussi et surtout du privé, qui ne veut pas être ostracisé, avec des conséquences psychologiques sur la population russe. Le plus à craindre pour le dirigeant russe est l’immixtion du cinquième pouvoir au sein même du pays. La solution choisie de débrancher brutalement l’internet et de punir toute « désinformation » est emprunte d’un grand risque: la tentative (pas évidente à réaliser) de privation d’internet peut avoir un effet plus dévastateur que certaines privations matérielles et engendrer une résistance interne, la population étant déjà ébranlée par les boycotts des produits de marque occidentaux et l’effondrement prévisible de son pouvoir d’achat. Le retour de la Pravda peut être difficile à avaler.
Le cinquième pouvoir est donc une puissance avec laquelle la géopolitique va devoir compter, le joker qui change la donne pour celui qui l’a dans sa manche et peut remettre en question les prévisions d’un monde où l’information était du ressort des États.
Si le cinquième pouvoir échappe largement à la géopolitique et ses analystes, il est parfaitement cerné en revanche par le monde de la Tech qui s’appuie dessus pour faire son business. Si on veut mieux comprendre son évolution et son impact potentiel, il vaut mieux aller voir du côté de Mark Zuckerberg, Elon Musk, Jack Dorsey ou Marc Andreessen.
La technologie veut abolir la géopolitique
La tech a une vision du monde universaliste. Il est difficile d’en distinguer les raisons, entre la culture anarchique de la Silicon Valley des années 70 (peace & love) et la structure de profit de l’industrie (frais fixes de recherche à amortir sur le plus grand nombre de clients possibles, silicium répandu partout sur terre). La tech veut rapprocher les gens en prétendant une neutralité bienveillante. Le combat de la tech est d’abolir les frictions de toute sorte, ce qui la distingue de la géopolitique qui cherche à en dresser aux frontières. Le Bitcoin est l’expression même de cette vision: supprimer les frictions imposées par les pouvoirs en place, notamment par un appareil monétaire et financier répressif (la papier blanc du Bitcoin est sorti en 2008, pendant la grande crise financière…). Le Bitcoin est l’arme monétaire du cinquième pouvoir qui fait fi de tout souci géopolitique (il ne peut être effacé comme une réserve de change). Le sens de l’Histoire, tel que vu par la Silicon Valley, est le renforcement de cinquième pouvoir en réduisant les frictions encore et toujours: après les cryptos, la prochaine étape est le métavers qui mime un rapprochement physique total, non plus seulement par la voix ou l’écriture. Les réseaux sociaux et les jeux vidéos convergent sur cet objectif, s’appuyant sur des clouds très puissants: rapprocher les gens quelle que soit leur localisation. A tel point que certains envisagent de créer des villes dans le cloud puis de négocier leur implantation physique en fonction des avantages accordés (Balaji Srinivasan).
La montée en puissance de ce cinquième pouvoir met mal à l’aise non seulement les régimes despotiques (les premiers visés) mais aussi les régimes démocratiques qui se contenteraient volontiers des quatre premiers. Les nations veulent donc interférer et biaiser ce pouvoir en leur faveur, le faire rentrer dans les cases de la géopolitique. La pression va devenir de plus en plus forte, l’invasion de l’Ukraine est un électrochoc qui oblige la tech à violer ouvertement la neutralité géopolitique…paradoxalement pour plaire au cinquième pouvoir.
Rapprochement des points de vue
La tech va devoir se déniaiser et intégrer l’intérêt des pays qui l’hébergent, la géopolitique prendre en compte la tech comme une dimension supplémentaire autonome aussi précieuse, voire plus qu’un atout géographique. C’est la condition d’un équilibre des forces plus intelligent.
Quelle direction pour la tech ?
La tech, étant une industrie de frais fixe est internationale par essence. Un champion technologique purement national qui copierait un acteur disposant d’effets d’échelle importants n’a aucune chance à long terme. Quel poids fait OVH par rapport à AWS ? Que reste-il du plan calcul ? La tech va rester internationale et il va lui falloir gérer les conflits d’intérêt avec les nations dans lesquelles elle opère. Elle va devoir jouer une partition fine entre les intérêts de son pays d’origine, les contraintes géopolitiques des pays tiers dans lesquels elle opère et la concurrence des cryptos. Plus elle se mettra au service des pouvoirs en place, plus elle devra avoir une approche différenciée et coûteuse (usines dans le pays, serveurs dans le pays, données dans le pays, censure adaptée au pays). Les économies d’échelle en pâtiront, l’expérience utilisateur sera altérée, contrôlée, voire manipulée pour plaire au pays hébergeur. Les utilisateurs frustrés risquent alors de prendre leurs distances avec la tech, trouvant une meilleure expression du cinquième pouvoir dans l’univers crypto. La devise de Google est « Don’t be evil ». Il n’y a rien de moins géopolitique que cette devise universaliste. Pourtant, confronté à une réalité nationale plus défiante (que se passe-t-il si Google efface un pays comme il le fait avec RT et Sputnik), il va devoir adapter son approche à chaque pays. Le comité de censure de YouTube avait des critères précis et universalistes: pas de contenu violent, d’infraction de lois nationales, de racisme. Il va lui falloir maintenant de plus en plus prendre parti pour le pays hébergeur ou abandonner la partie. Le risque évident est que le cinquième pouvoir ne se reconnaisse plus dans la devise « don’t be evil » et lui préfère le « can’t be evil » des cryptos, la véritable neutralité.
Meta est également en train de revenir sur ses grands principes de neutralité, créant un précédent géopolitique. Déclaration de Meta le 11 mars 2022:
Je tiens à être parfaitement clair : nos politiques visent à protéger les droits d'expression des citoyens en tant qu'expression d'autodéfense en réaction à une invasion militaire de leur pays. En fait, si nous appliquions nos politiques de contenu standard sans aucun ajustement, nous supprimerions aujourd'hui le contenu d'Ukrainiens ordinaires exprimant leur résistance et leur fureur face à l'invasion militaire, ce qui serait considéré à juste titre comme inacceptable.
Pour être clair, nous n'allons appliquer cette politique qu'en Ukraine même. Nous n'avons aucun différend avec le peuple russe. Il n'y a aucun changement dans nos politiques sur les discours de haine en ce qui concerne le peuple russe. Nous ne tolérerons pas la russophobie ou toute forme de discrimination, de harcèlement ou de violence envers les Russes sur notre plateforme.
Meta distingue la Russie et le peuple russe, il se lance dans la géopolitique.
Quelle direction pour la géopolitique ?
La géopolitique doit reconnaître le rôle premier de la technologie dans ses calculs. Les développements sur la Russie ne doivent pas occulter le fait que la technologie, en particulier celle des semi-conducteurs est un « must have » plus important que le pétrole. Sans semi-conducteurs de pointe, il n’y a pas de défense crédible (seulement du chantage à la bombe atomique), pas de guerre de l’information crédible…et pas de progrès réel possible. Les semi-conducteurs s’infiltrent partout rendant les objets intelligents. Un retard sur une génération est un retard sur l’intelligence. Le pétrole peut se trouver dans de nombreux endroits sur terre ouvrant des possibilités de négociation, les semi-conducteurs de pointe sont le monopole des pays de l’alliance: Intel+ASML+TSMC+ ARM et quelques autres, un monopole insaisissable. Contrairement aux apparences actuelles, la Chine est dans une position délicate car elle a dix ans de retard au moins sur l’alliance atlantique et Taïwan. Sa fonderie SMIC est dépendante des équipements occidentaux Extreme Ultra Violet (les plus sophistiqués) et même Deep Ultra Violet plus répandus. Elle ne maîtrise pas l’architecture ARM ou X86 pour le design et la fabrication de ses puces. Elle utilise l’architecture open source RISC V encore très en retard. En clair l’occident peut sérieusement handicaper la technologie chinoise en cas de conflit. Et ce d’autant que la Chine ne peut espérer capter la technologie des semi-conducteurs en envahissant Taïwan. Les ingénieurs clés fuiraient par le premier vol et les usines seraient facilement sabotées. La possession d’une industrie de semi-conducteurs de pointe est l’équivalent en économie d’avoir la Bombe. Seul l’Occident a cette bombe, ce qui est un facteur clé en géopolitique. La Chine peut-elle se ranger du côté de la Russie si les Etats-Unis brandissent l’arme des semi-conducteurs ? Que pourront faire les russes s’ils sont privés de toute technologie des semi-conducteurs moderne ?
Un deuxième élément important à prendre en considération est que la realpolitik qui a imprégné les relations internationales depuis Nixon et Kissinger et qui constitue l’ingrédient de la géopolitique, peut laisser place à un ordre défini par la morale. Le cinquième pouvoir peut imposer une vision de l’ordre du monde à la façon de l’idéalisme wilsonien et faire fléchir les états récalcitrants devenant brusquement seuls contre tous, en particulier les états despotiques. C’est certainement une leçon sur laquelle la Chine doit méditer…La différence par rapport à l’ordre moral wilsonien est qu’aucun état-nation ou institution internationale ne peuvent revendiquer ce cinquième pouvoir. Il a pris son autonomie et travaillera à la renforcer, se faisant l’arbitre de la géopolitique…entre autre…
Bonne semaine,
Hervé