Tesla: la bulle ?
Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
Le cours de Tesla nous rappelle-t-il les heures sombres de mars 2000, prélude du krach du Nasdaq ?
Ou:
Comment une société automobile, aussi bien gérée soit-elle, peut elle valoir $ 500 milliards ? Il se vend environ 80 millions de véhicules par an dans le monde. Sur la base d’un prix moyen de $30 000, cela fait un marché de $2,4T. Ce marché, à un horizon de 20 ans, ne pourra être capté à 100% par l’électrique. Sur la base de 2 millions de véhicules électriques vendus par an actuellement, il faudrait une croissance de 20% pendant 20 ans pour arriver à 80 millions de voitures électriques vendues par an. Cette croissance à la Buffett ne manquerait pas d’exercer une grosse pression sur de nombreuses ressources, notamment sur la production mondiale d’électricité déjà fort sollicitée par l’industrie digitale. Supposons cependant qu’on y arrive et que les marges nettes se stabilisent à 7%, un bon niveau compte tenu des pressions sur les coûts de production de toute sorte. Le bénéfice net de l’industrie dans 20 ans serait de $170 milliards. En imaginant que Tesla capte tous ces bénéfices et se valorise à 10 fois les résultats (un niveau très correct pour l’automobile sur un marché mûr), la croissance du cours de bourse sur les 20 prochaines années serait de 6,3 l’an: 6,3% dans un scénario rose mais combien moins dans un scénario plus réaliste. La conclusion est simple: ou le cours de Tesla est le reflet d’une bulle financière, ou Tesla n’est pas une société automobile, mais beaucoup plus. Je vais m’intéresser aujourd’hui à la deuxième possibilité.
Le précédent d’Amazon
Pendant longtemps Amazon a été considéré comme une société de distribution, la boutique a tout vendre d’après Brad Stone, auteur d’un livre portant ce titre. Ce biais est bien compréhensif étant donné qu’Amazon a commencé avec la vente de livres en ligne pour s’étendre progressivement à la vente de toute autre sorte de biens. D’où une erreur d’analyse fatale sur cette société qui a conduit à une sous évaluation chronique que seule l’émergence d’AWS a pu débloquer. L’analyste Bill Bonner s’est fait le porte-voix de cette erreur due à une conception trop étroite du modèle économique. C’est écrit en 2017, Amazon vaut moins de $1 000 ($3 200 aujourd’hui):
Etre un vieux schnock est un énorme désavantage pour presque tout : le sport, la culture pop, la politique… mais il y a toutefois quelque chose qui nous donne une longueur d’avance.
Nous suivons les marchés – ou du moins l’économie qui les sous-tend – depuis plus longtemps que la plupart des gens encore en vie.
Nous avons vécu plus d’expansions… de bulles… et de krachs également.
Nous avons croisé plus de génies de l’investissement, tout frétillants et au regard pétillant, que nous avons vus foncer tête baissée dans le caniveau.
Nous avons entendu des centaines de prédictions qui se sont révélées fausses… lu des milliers d’analyses qui se sont révélées stupides… et écouté des milliers “d’experts” qui, au bout du compte, ne savaient pas de quoi ils parlaient.
C’est sûr, toute cette expérience passée doit avoir de la valeur aujourd’hui, non ?
Quel enseignement avons-nous retiré, que nous pourrions appliquer ? Quel vieil ami pourrions-nous dénicher, sur les marchés actuels, pour nous donner un coup de main ? Quelle est cette sensation de “déjà vu” qui nous dit – comme un sixième sens – qu’il va y avoir du grabuge ?
Aujourd’hui, étudions de plus près Jeff Bezos et cette “rivière sans retour”. Alors qu’AMZN a pris de la valeur… est-ce que Bezos a finalement réussi à faire ruisseler des profits réels en aval ? Est-ce qu’il a réellement offert au monde quelque chose qui soit à la hauteur d’une capitalisation boursière de plus de 500 Mds$ ?
La réponse est concise : Amazon est toujours une “rivière sans retour”.
Cette société n’est pas une start-up axée sur les technologies. A notre connaissance, elle ne détient aucune technologie propriétaire d’avant-garde. Elle se contente de baisser les prix, d’offrir les frais de livraison et un bon service-client, pratique le “cross-canal” de manière efficace… et perd de l’argent sur chaque vente.
Deux de nos amis et confrères – Rob Marstand et David Stockman – ont étudié Amazon avec soin et en toute indépendance. Tous deux sont parvenus à la même conclusion : Amazon perd de l’argent sur son coeur de métier : la vente au détail. La société dissimule ses pertes grâce à une faible fiscalité, au crédit d’investissement capital lease et à des astuces comptables. Mais les pertes sont réelles… et inévitables.
Comme ce modèle de société exige des prix super-bas, il n’existe aucun moyen d’améliorer les marges. La société ne peut compenser par les volumes ce qu’elle perd à chaque vente. Autrement dit, ce business model ne fonctionne pas.
Le moins qu’on puisse dire est que les faits ont donné tort à Bill Bonner malgré la sagesse due à son âge et son art épistolaire. Il faut cependant saluer sa persistance puisque ces premiers commentaires baissiers sur le titre ont commencé en 2001 (Amazon valait environ $10).
Pour moi, la grande intuition de Jeff Bezos est d’avoir compris qu’avec l’internet, le contrôle de la demande devenait la clé de l’avantage concurrentiel, reléguant aux oubliettes le contrôle de l’offre. Contrôler la demande nécessite de créer une connexion directe et interactive avec le client. Dans le monde pré-internet, le coût était trop important. Il fallait embaucher une armada de commerciaux, ce qui ne se justifiait que pour des biens au prix unitaire élevé. La société de consommation s’était construite sur un autre modèle beaucoup plus simple: le contrôle de l’offre pour la production et de l’espace pour la distribution. Coca Cola avait la recette magique, exclusive et Wal Mart réservait ses rayons les plus visibles pour la vente. L’internet renverse le modèle et c’est beaucoup plus puissant car en contrôlant la demande, on contrôle le porte-monnaie. Le contrôle de la demande est maintenant premier, rendu facile et peu coûteux par la facilité de la connexion.
Amazon s’est construit sur ce simple objectif: contrôler la demande. Pour ce faire:
Etablir une relation de confiance interactive avec la terre entière, en proposant un service supérieur et différentié destiné à tout le monde, pas à une niche, qui puisse se répandre sans friction, à faible coût marginal; l’objectif est d’avoir le maximum de cartes bancaires enregistrées. Amazon a choisi la distribution, comme Google a choisi la recherche et Apple le smartphone. Pour se démarquer il fallait pousser les limites physiques de la distribution classique et proposer la boutique à tout vendre. D’où la création de la place de marché qui pouvait décupler l’offre.
Maximiser les points de contrôle sur toute la chaine afin d’améliorer sans cesse le service client, battant de vitesse les sous-traitants des concurrents potentiels, grâce à la technologie. Amazon intègre verticalement pour améliorer tous les maillons de la chaine: il veut maitriser la logistique, le transport, l’informatique pour les améliorer.
Sa grande originalité par rapport aux sociétés verticales traditionnelles (telles qu’Apple) est d’adopter la logique du premier client, logique idéale pour comprendre comment améliorer le service. Amazon le distributeur est le premier client de la place de marché qui est le premier client de la logistique physique, elle même premier client d’AWS. L’affaire est ainsi morcelée en de multiples start- up qui ont un avantage de départ énorme: un premier client qui permet d’assurer la liquidité, le rêve de toute start-up ! Amazon devient ainsi un business tentaculaire susceptible de s’étendre dans toutes les directions, horizontalement et verticalement. L’instauration du logiciel pour transformer tous les pans d’activité permet en réduisant les frictions de bénéficier à plein de l’effet horizontal et est une puissante motivation pour l’hyper croissance. Amazon devient Gengis Kahn…
Le problème de Bill Bonner est d’avoir appliqué un modèle du passé à une nouvelle réalité créée par la technologie et de s’être arrêté à la vision d’Amazon comme un distributeur classique cassant les prix pour l’emporter. C’est intéressant car Bill Bonner a aussi depuis plusieurs années une conception de Tesla bien arrêtée.
Tesla, société automobile ?
De nouveau Bill Bonner en janvier 2020 (juste avant la hausse spectaculaire du titre Tesla). Son extrait vaut son pesant de modèles 3:
Au début d’un boom, les investisseurs sont sceptiques. Ils se séparent à regret de leur argent, presque à contrecœur… et recherchent soigneusement la valeur.
Après quelques années et quelques verres, cependant, ils oublient toute notion de valeur. Ils achètent les entreprises qui font les gros titres. Ils veulent les acteurs les plus dynamiques, à n’importe quel prix… du moment qu’ils grimpent.
Prenez Tesla, par exemple. C’est une entreprise qui ne durerait pas longtemps dans un marché boursier normal. Mais à la fin bulleuse d’un long boom nourri par la Fed, elle fait partie des favoris. Plus elle perd… plus les investisseurs veulent en être.
La pyramide Tesla commence-t-elle à s’écrouler ?
Le constructeur de véhicules électriques vaut désormais plus que General Motors et Ford combinés. Les investisseurs ont fait grimper Tesla de plus de 100% sur les trois derniers mois, pour atteindre une capitalisation boursière de 95 Mds$. Sauf que Tesla n’a vendu que 368 000 véhicules l’an dernier. Ford, à lui seul, en a vendu 2,9 millions aux Etats-Unis et 3 millions en Chine.
Evidemment, les investisseurs parient sur le fait que Tesla sera le Amazon ou le Google du monde de la voiture électrique – avec une telle avance sur la concurrence que les autres ne pourront pas le rattraper.
C’est un mauvais pari. Google et Amazon profitent tous deux de l’effet réseau. Plus ils grandissent, plus ils sont avantagés. On a plus de chances de trouver ce que l’on recherche sur Amazon : pourquoi aller ailleurs ?
Tesla, en revanche, ressemble plus à WeWork (la malheureuse start-up « tech » dont nous avions déjà parlé) qu’à Amazon. Elle n’a pas d’effet réseau ou d’avantage innovation – parce que les acheteurs de voitures, comme les locataires de bureaux, font leurs devoirs… et prennent le meilleur deal qu’ils peuvent trouver. Peu leur importe quand vous êtes arrivé sur le marché : ils veulent la meilleure voiture.Tesla ne sera jamais le seul et unique fournisseur de véhicules électriques… mais l’entreprise rend un énorme service aux constructeurs plus établis.
Elle teste le marché – à un coût gigantesque. Les plus grands intervenants ne devraient avoir aucun mal à construire des voitures électriques et capter des parts de marché lorsqu’ils considéreront que cela en vaut la peine.
Ils auront plus de concessionnaires… et plus d’options. Ils pourront rapidement copier… et dépasser… les innovations technologiques faites par Tesla. Plus important encore, ils gagneront de l’argent avec leurs voitures.
D’une part, il n’est pas trop tard pour voir les qualités d’Amazon ! Mais d’autre part le discours sur Tesla qui déjà quelques années plus tôt était très négatif, présente les mêmes caractéristiques que celui sur Amazon, proféré pendant 20 ans:
Application du modèle ancien: Tesla est comparé à une société automobile traditionnelle qui simplement vend moins de voitures
incapacité à voir l’importance du modèle direct: la distribution doit passer par des concessionnaires.
incapacité à voir que la technologie fait évoluer les modèles économiques. Les premiers à les exploiter sont généralement les gagnants.
Il y a en fait bien des points communs entre Amazon et Tesla, l’effet réseau, bien souvent trop mis en avant, n’étant pas la priorité ni de Jeff Bezos, ni d’Elon Musk.
Tesla, Amazon, même modèle économique ?
Les ressemblances sont frappantes, même si Tesla a mis plus de temps générer du cash flow opérationnel (une quinzaine d’années contre deux ans pour Amazon):
Tesla cherche une connexion directe et interactive avec la terre entière: Elon Musk a choisi un produit universel qui peut se répandre sans friction: la voiture électrique. Il y a environ 1,5 milliard d’automobiles sur les routes servant à des usages multiples et diversifiés (travail, courses, vacances, etc.). Ce n’est pas une niche réservée à une catégorie de gens spécifiques pour un usage particulier. Même si le coût marginal de production d’une voiture électrique est important et sans comparaison avec un service internet, il n’en reste pas moins largement inférieur à celui de production des automobiles traditionnelles: moins de pièces à assembler, moins de règlementation contraignante. L’avantage relatif est ce qui compte pour rendre jouable le contrôle de la demande. Elon Musk utilise quatre moyens principaux pour établir le connexion directe et interactive avec sa clientèle: 1/ la vente en direct, éliminant le concessionnaire, 2/ le logiciel qui permet la communication avec la voiture, 3/ l’utilisation de Twitter, non pas pour faire des relations publiques à l’ancienne, mais pour casser les intermédiaires (la SEC par exemple) et créer une relation iconoclaste avec le public. Cette stratégie n’est pas sans rappeler celle utilisée par Donald Trump. Elon Musk a 40 millions d’abonnés, Donald Trump 87 millions, 4/ les conférences téléphoniques sur les résultats de Tesla prenant les questions du public avant celles des analystes.
Tesla pratique comme Amazon l’intégration verticale, avec le même objectif de battre l’offre “plug and play” des sous-traitants et d’avoir un produit fini supérieur. L’assemblage des cellules constituant les batteries, la Gigafactory, le système de conduite autonome, la puce qui le constitue, les bornes de recharge, l’assurance, le moteur, etc. L’intégration permet de faire des sous-ensembles parfaitement adaptés. Prenons l’exemple de la puce: jusqu’en 2017, Tesla utilisait une puce Nvidia pour propulser son système de voiture autonome. Elon Musk a réalisé que cette puce était multi-fonctions, conçue pour des usages plus complexes que la conduite et finalement consommait inutilement de l’énergie par rapport à la tâche à accomplir. Tesla a donc conçu sa propre puce pour faire du calcul matriciel de base, abandonnant au passage Nvidia.
Quant à la logique premier client, la grande originalité d’Amazon, la question est plus difficile à percevoir chez Tesla car l’automobile est encore prédominante dans l’offre. C’était le cas chez Amazon il y a quelques années, l’activité de distribution cachait un modèle économique sous-jacent beaucoup plus puissant: la chaîne de start-ups.
La chaîne de start-ups
La comparaison qui vient à l’esprit est celle de Tesla et Apple. Les deux sociétés pratiquent l’intégration verticale et réhaussent le hardware par le software. Tesla fabrique comme Apple. Pour autant, le modèle économique de Tesla est à mon sens plus proche de celui d’Amazon. Elon Musk et Jeff Bezos partagent une même ambition de conquérir l’économie mondiale si ce n’est le cosmos tout entier: le premier avec Space X, le second avec Blue Origin. L’idée géniale est de pratiquer l’intégration verticale pour propulser en étant leur premier client des Start-ups qui redéfinissent la façon de pratiquer les métiers. Les deux hommes raisonnent à l’identique: quand ils attaquent un métier, au lieu de partir de ce que font les concurrents et l’améliorer, ils mettent tout à plat et sans barrière imaginent le produit parfait en absolu. Elon Musk dans sa dernière conférence téléphonique sur les résultats du 3ème trimestre 2020:
Bien sûr, nous avons eu notre journée de la batterie. Nous avons donc organisé -- nous avons montré nos plans sur la manière dont nous pouvons nous développer à l'avenir et améliorer la technologie des batteries de base, la technologie des cellules de base au niveau du facteur de forme, au niveau de la chimie et, je pense, de manière plus significative au niveau de la technologie de fabrication. Je n'ai fait qu'un seul commentaire par le passé : je pense que la force concurrentielle de Tesla à long terme sera principalement la fabrication. C'est contre-intuitif, mais je suis certain que ce sera le cas.
Très bien. Nous avons donc présenté ce sur quoi l'équipe travaille depuis longtemps avec les batteries. Nous voulions prendre du recul et repenser réellement les batteries à partir de zéro. Tout d'abord, un vœu pieux, il suffit de le regarder du point de vue de la physique fondamentale et de dire quoi, plutôt que de comparer avec d'autres produits sur le marché, il suffit de dire du point de vue de la physique, si vous -- quelle est la limite de la physique ? Quelle est l'idée platonique de la cellule parfaite et à quelle distance peut-on s'en approcher ? Et c'est ce à quoi nous aspirions.
Ce que fait Elon Musk avec la batterie, Jeff Bezos l’a fait avec la lecture (invention du Kindle), la logistique (drones pour la livraison de paquets), l’informatique (le cloud) ou les magasins (sans caisse) par exemple. La batterie, recomposée à partir des principes premiers, a pour premier client les voitures Tesla mais pourra concerner d’autres usages comme le stockage d’énergie (Powerwall et Powerpack). Le stockage d’énergie a pour premier client SolarCity qui complète ainsi sa gamme pour la maison (panneaux solaires et batteries). Le réseau de recharge a pour premier client les véhicules Tesla mais peut accommoder d’autres véhicules électriques. A chaque fois la start-up doit apporter un net plus par rapport aux solutions existantes et pouvoir constituer une affaire autonome.
L’exemple de l’assurance auto
L’assurance auto traditionnelle est fondée sur le principe de la mutualisation et des statistiques. Il y avait jusqu’à présent deux manières de gagner sur la concurrence: soit en baissant les coûts, soit en faisant des découpages fins des profils d’automobilistes pour mieux en cerner le risque. Geico, la société fétiche de Warren Buffett s’était intéressée au départ aux fonctionnaires réputés avoir peu d’accidents et les démarchait en direct, par téléphone pour réduire les coûts. La société gagnant sur les deux tableaux croque sur la concurrence depuis de nombreuses années. Elle constitue l’une des grandes réussites de Warren Buffett avec en 2020 13,6 % du marché aux Etats-Unis. Il n’est pas étonnant que ce dernier ait vu d’un assez mauvais oeil l’arrivée de Tesla sur le marché:
"Je parierais contre n'importe quelle entreprise du secteur automobile" qui se lance dans l'assurance, a-t-il dit. "Je m'inquiète beaucoup plus pour Progressive".
Progressive est une compagnie d’assurance qui a également adopté la stratégie de niche, cette fois celle des conducteurs risqués. La stratégie reste la même: découper finement le profil de l’assuré pour en cerner le risque.
Tesla fait sauter ce schéma ancien statistique en personnalisant le risque et le tarif. L’idée maitresse reste la même: organiser un contact direct et interactif avec le client grâce au logiciel embarqué, lui donner les meilleures incitations à bien conduire à priori et non à posteriori (bonus/malus), lui faire le tarif le plus adapté. L’interactivité remplace la mutualisation; la mutualisation permettait de contrôler l’offre par l’appareil statistique, le client s’y soumettant ou pas, l’interactivité permet de contrôler la demande. Il est fort à parier que ce modèle taille des croupières au modèle mutualiste ancien. Le premiers clients de Tesla Assurance seront les possesseurs de voitures Tesla, une niche croissante. Il reste à savoir si Tesla étendra la commercialisation de l’assurance à d’autres marques de véhicules comme il l’a fait pour les super chargeurs. Pour cela, il faudrait qu’il accepte également d’ouvrir son système d’exploitation et son IA à d’autres marques. Mais ce serait au risque d’affaiblir son propre avantage concurrentiel.
Les limites du modèle Start-up pour une société comme Tesla
A la différence d’Amazon qui cherche à transformer l’économie par le software, Tesla cherche à transformer l’économie par le hardware. Un hardware non différentié par du software ne permet pas de contrôler la demande. Seule l’interactivité permet de comprendre et de s’adapter à la demande, de ravir le consommateur en temps réel. Apple l’a bien compris: ses iPhones font la différence grâce à IOS et à son corollaire l’App Store. Tim Cook pousse depuis quelques années la stratégie service et abonnement pour être au plus près du consommateur, tout en la liant au hardware pour assurer la différentiation de ce dernier. Mais cette stratégie n’est possible qu’à condition de réserver le logiciel (service) au hardware, donc d’en limiter le potentiel d’expansion. Dans le cas contraire, le hardware peut plus facilement être copié et banalisé. Amazon l’accepte et ne se bat pas sur la supériorité du hardware. Sa priorité est de répandre le software, même sur des hardwares concurrents.
Tesla se trouve face à un dilemme. Il aimerait raisonner en start-up comme Amazon mais avec le hardware. Or la contrainte d’intégrer software et hardware pour contrôler la demande l’en empêche et le rapproche d’Apple. Le software se retrouve généralement avec un client unique, ce qui n’est pas motivant du tout pour une start-up, qui a besoin de l’adrénaline liée au développement. De même tous les produits dépendant du software se retrouvent aussi avec un client unique: la conduite autonome, la puce qui est à ‘intérieur, l’assurance, etc.
Pour s’aligner sur Amazon et faire de Tesla une réelle chaine de start-ups, Elon Musk devra réaliser le tour de force de différentier la fabrication en tant que telle et la rendre autonome du logiciel, renonçant ainsi à contrôler le client. Il l’a bien compris:
Je n'ai fait qu'un seul commentaire par le passé : je pense que la force concurrentielle de Tesla à long terme sera principalement la fabrication. C'est contre-intuitif, mais je suis certain que ce sera le cas.
Elon Musk est un visionnaire. Mon interprétation est qu’il considère le contrôle de la demande comme le premier étage de la fusée, un étape transitoire. Le fait de réorganiser l’existant avec des électrons comme le fait Jeff Bezos ne le satisfait pas et il finira par atteindre ses limites. Son objectif est de repenser la transformation de la matière. Il sait qu’à un moment, le contrôle de la demande ne suffira plus, qu’il est une tactique provisoire et qu’il faut réellement innover aujourd’hui si on veut en récolter les fruits demain…Elon Musk est en train de créer un actif très différencié, cela à mon sens explique le cours de Tesla aujourd’hui.
Bonne fin de semaine,
Hervé