Uber peut il survivre à l’arrêt de la cour de cassation ?
Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu
Enfin un article qui ne parle pas du Covid-19... enfin pas beaucoup. Uber pourra-t-il survivre à l’arrêt de la cour de cassation ?
Le Monde (4 mars 2020):
La Cour de cassation a confirmé, mercredi 4 mars, la « requalification (…) en contrat de travail »du lien unissant l’entreprise Uber et un chauffeur, assurant que son statut d’indépendant n’est « que fictif », en raison du « lien de subordination » qui les unit. Un tel arrêt, une première en France, remet en cause le modèle économique du géant américain, déjà attaqué en Californie, notamment.
La plus haute juridiction française a jugé que le chauffeur « qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport ». Pour la Cour de cassation, la possibilité de se déconnecter de la plate-forme sans pénalité « n’entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination ».
L’arrêt liste de nombreux éléments qui ne recouvrent pas les critères du travail indépendant : un itinéraire imposé au chauffeur, une destination inconnue, « révélant ainsi qu’il ne peut choisir librement la course qui lui convient », la possibilité pour Uber de déconnecter le chauffeur à partir de trois refus de course… Le conducteur, juge la Cour de cassation, « participe à un service organisé de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice ».
L’ambiguïté d’Uber est qu’il se présente comme une plate-forme alors qu’en réalité, il cherche à être un agrégateur. J’ai examiné cette question dans le dilemme d’Uber:
Une vraie plate-forme se mesure d’abord à la valeur économique qu’elle apporte à son écosystème, donc aux fournisseurs qui l’utilisent. Il faut la distinguer de l’agrégateur qui veut contrôler le client (Facebook, Google, Netflix) en diminuant l’importance de l’offre:
N.B: comme le montre le dessin, la valeur économique d’un agrégateur peut être supérieure à celle d’une plate-forme, mais elle attire l’attention du régulateur, compte tenu de la faible valeur ajoutée apportée à l’écosystème.
Uber n’est pas une plate-forme
Uber n’a pas les caractéristiques d’une plate-forme car il est dans le même métier que les chauffeurs. Ces derniers ne peuvent se différencier par l’application, au contraire ils sont en concurrence les uns avec les autres, via Uber notamment, et vont aller là où est la demande au moment d’accepter une course. Tant qu’Uber n’est pas le seul intervenant, qu’il y a des Bolt et Kapten, les chauffeurs ont intérêt à le mettre en concurrence à chaque fois pour trouver la course qui va maximiser leur ROI. L’utilisateur lui ne cherche pas le ROI, mais la rapidité de prise en charge à un prix raisonnable. Parcourir les applications devient vite improductif. Cette asymétrie fait qu’Uber à tout intérêt à faire valoir avant tout l’intérêt des utilisateurs, créer une habitude (cela se monétise bien), pour les agréger et ainsi devenir par voie de conséquence l’application la plus utilisée des chauffeurs. Pour créer une habitude, Uber doit avoir une application très homogène en terme de recherche, de carte, de fixation du prix , de qualité de service et de paiement, cela implique de contrôler complètement le service et les chauffeurs, ces derniers devant accepter les conditions d’Uber, s’ils veulent pouvoir accéder à leur vaste réservoir de clients.
Substack par contraste, le service grâce auquel je peux écrire cette newsletter remplit les conditions d’une vraie plate-forme. Le contenu est très différencié, d’une lettre à l’autre, il n’y a pas de facteur commun et Substack ne présente pas une offre cohérente d’articles qu’il pourrait proposer à des abonnés; Substack n’est pas en concurrence avec ses écrivains. Substack n’a aucun contrôle sur les abonnés (le mail est un protocole décentralisé), les écrivains sont libres de gérer leurs abonnés, fixer leurs tarifs, leur façon d’écrire, la périodicité de leur lettre, etc. Substack met en valeur leur contenu, et n’est clairement pas dans leur métier. Le véritable client de Substack est l’écrivain, pas l’abonné. On ne peut pas en dire autant d’Uber: ce dernier est dans le même métier que ses chauffeurs, peut les concurrencer (par les trottinettes et bicyclettes électriques présentes sur l’application par exemple).
Les tensions sont donc inévitables entre chauffeurs et Uber, comme elles le sont entre la presse et Facebook ou les marchands et Amazon Marketplace. Les conditions de l’agrégation ne leur sont pas favorables car ils n’ont plus accès au client final, monopole de l’agrégateur. Il leur faut se battre, au mieux pour regagner le client final (en passant par Shopify au lieu d’Amazon Marketplace par exemple), en faisant du lobbying pour obtenir des conditions privilégiées sur l’information (presse) ou au pire porter plainte pour obtenir de meilleures conditions de travail (chauffeurs). L’agrégateur lui se distingue en apportant l’abondance à ses clients: abondance d’interactions (Facebook), abondance d’information (Google), abondance de films (Netflix), abondance de chauffeurs (Uber).
Le modèle économique d’Uber est simple: apporter la rapidité de transport à l’utilisateur en en contrôlant l’expérience, pour rendre addictive l’application. Uber est comme le Canada Dry, a l’apparence de la plate-forme sans en être une.
Le statut du chauffeur
Uber est tiraillé entre contrôle de l’offre (pour offrir un service homogène à ses 110 millions de clients) et ouverture (de manière à agglutiner un maximum de chauffeurs). L’idéal pour lui est d’avoir le meilleur des deux: des chauffeurs indépendants, qui gèrent leur propre business, tout en obéissant aux ordres. L’administration l’entend de moins en moins de cette oreille. Trois zones importantes pour Uber semblent considérer que les chauffeurs sont en fait des salariés déguisés: la Californie, la France et le Royaume-Uni, avec des degrés coercitifs différents.
1/ La Californie a institué une loi (AB5) prescrivant un test valable au niveau fédéral, le test ABC, destiné à déterminer si une plate-forme fait bien travailler des indépendants. La charge de la preuve du bon passage du test appartient à la plate-forme et les villes sont autorisées à poursuivre la plate-forme qui ne répondrait pas aux conditions du test. Quelles sont ces conditions du test ?
A. le travailleur doit être libre du contrôle et de la direction de l'entité qui le recrute en ce qui concerne l'exécution du travail, tant dans le cadre du contrat d'exécution du travail qu'en fait,
B. le travailleur effectue un travail qui sort du cadre habituel de l'activité de l'entité qui l'embauche,
C. le travailleur exerce habituellement un métier, une profession ou une entreprise de même nature que le travail effectué, établi de manière indépendante.
Pour Uber, la partie la plus gênante du test est le point B. Il est clair qu’Uber détient le client final et qu’il lui offre un service de déplacement, tout comme le fait un chauffeur indépendant; il ne satisfait pas au point B, malgré ses allégations qu’il est une plate-forme technologique et que les chauffeurs sont ses clients ! Le point C ne pose pas de problème car les chauffeurs sont multi plate-formes. Le point A peut également être satisfait moyennant quelques aménagements sur la fixation du prix ou les possibilités de déconnexion.
2/ la position française est encore plus inexorable car la cour de cassation a déjà tranché qu’un chauffeur était un salarié déguisé en indépendant, Uber ayant le contrôle du service, des prix et du client. Cependant à la différence de la Californie, les cas sont gérés individuellement, il n’y a pas de risque d’action de masse.
3/ la justice anglaise arrive aux mêmes conclusions sur une plainte collective, l’appel d’Uber a été rejeté et le dossier est maintenant à la cour suprême. Là aussi, c’est du cas par cas, comme en France.
Les enjeux
Il y a un jeu de dupe entre Uber, la justice, le pouvoir législatif et même l’exécutif. La France et le Royaume-Uni n’ayant pas légiféré, il faut se tourner du côté de la Californie pour le comprendre. Cet état a en effet légiféré en codifiant le test ABC existant au niveau fédéral. Il est important de réaliser que le test ABC justement comprend de nombreuses exclusions et qu’elles sont ainsi inscrites dans la loi AB5. Cela signifie qu’un effort de lobbying peut faire passer un secteur du bon côté, sans craindre de poursuites tant collectives qu’individuelles. L’Etat de Californie doit être extrêmement prudent dans ses requalifications car toute l’économie des agrégateurs est en jeu. Leur modèle économique est de capter la relation commerciale, donc ils échouerons tous au test. Le risque pour la Californie est à la fois de perdre des emplois et des pans entiers de l’économie internet. La Californie n’est pas le Venezuela ! L’histoire récente de SB Nation telle que racontée par CNBC (16 décembre 2019) est édifiante:
Des centaines d'écrivains indépendants chez Vox Media, principalement ceux qui couvrent les sports pour le site SB Nation, vont perdre leur emploi dans les mois à venir alors que la société se prépare à l'entrée en vigueur d'une loi californienne qui obligera les sociétés à reclasser les contractants de l'État en tant qu'employés... Dans un mémo distinct vu par CNBC, Ness a déclaré que les contractants californiens peuvent postuler pour un poste à temps plein ou à temps partiel en Californie. Les entrepreneurs qui souhaitent continuer à contribuer peuvent le faire mais "doivent comprendre qu'ils ne seront pas payés pour les contributions futures", a-t-il dit. "Nous savons que cette décision peut être difficile, c'est pourquoi nous donnons à toutes les personnes concernées 30 jours pour décider de ce qui leur convient", a ajouté M. Ness.
Cette annonce fait suite à l'adoption en septembre du projet de loi 5 (AB5) par l'Assemblée de Californie et à sa signature par le gouvernement Gavin Newsom.
SB Nation était un regroupement de blogs de passionnés d’équipes sportives qu’il a pu fédérer, apportant ainsi une quantité et qualité d’information nettement supérieure à la presse. Il pouvait rémunérer ces indépendants grâce à la centralisation de la publicité sur son site. Après le sport, SB Nation a fédéré d’autres thématiques comme la technologie (The Verge). Voici l’exemple type d’une affaire internet qui va disparaître rapidement avec AB 5. Le modèle des agrégateurs étant fondé sur la fourniture de l’abondance, la loi risque de créer beaucoup de chômeurs. La Californie le sait, Uber aussi (400 000 chauffeurs) et la société fait tout pour répondre (superficiellement) aux conditions du test ABC. Uber annonce à grand renfort de publicité le changement de ses pratiques. Du San Francisco Chronicle (11 février 2020):
Uber est en train de réorganiser ses procédures d'interpellation, en essayant de s'isoler pour éviter que les chauffeurs ne soient reclassés comme employés en vertu de l'AB5, la nouvelle loi californienne sur le travail à domicile qui est entrée en vigueur le 1er janvier.
Mais les avocats ont déclaré qu'il y a de grandes lacunes dans son approche.
Uber a donné aux conducteurs plus de liberté et de flexibilité, leur permettant de voir les informations initiales sur les destinations et les tarifs estimés, ainsi que de refuser des voyages sans pénalités. Il permet aux conducteurs de choisir leurs conducteurs préférés pour les trajets programmés. Il expérimente également dans trois petits aéroports de Californie une méthode permettant aux conducteurs de fixer les prix.
Selon AB5 et Dynamex, la décision de 2018 de la Cour suprême de Californie qu'elle codifie, les travailleurs sont présumés être des employés, sauf s'ils (A) travaillent en dehors du contrôle d'une entreprise, (B) effectuent un travail qui n'est pas essentiel à la mission d'une entreprise et (C) font effectuer ce type de travail par des entreprises indépendantes.
La nouvelle version d'Uber ne concerne que la partie "A" du test ABC, en essayant de montrer que les conducteurs sont libres du contrôle et de la direction de l'entreprise", a déclaré John Baum
Uber effectivement ne change ses pratiques que sur la partie A du test, La C étant assurée. la B ne peut être satisfaite de toute façon car contraire au statut d’agrégateur. Vous l’avez compris, au delà de la loi, l’application d’AB 5 à Uber est éminemment politique. Il se battra pour montrer qu’il est dans les exemptions prévues par AB 5 et ne capitulera pas comme SB Nation. Quelle grande ville de Californie osera poursuivre ?
Le cas de la Californie donne un éclairage pour le reste du monde. Si la justice non politisée peut effectivement constater aisément qu’Uber, comme tout agrégateur, n’est pas une plate-forme et qu’il est dans le même métier que ses chauffeurs, il en va autrement du législateur. C’est pourquoi tant en France qu’en Grande Bretagne, les chauffeurs risquent d’avoir à se battre au cas par cas pour obtenir le statut de salarié dans des procédures très longues. Le jeu en vaudra-y-il la chandelle ?
Le dilemme du prisonnier
De Wikipedia:
Le dilemme du prisonnier, énoncé en 1950 par Albert W. Tucker à Princeton, caractérise en théorie des jeux une situation où deux joueurs auraient intérêt à coopérer, mais où, en l'absence de communication entre les deux joueurs, chacun choisira de trahir l'autre si le jeu n'est joué qu'une fois. La raison est que si l'un coopère et que l'autre trahit, le coopérateur est fortement pénalisé. Pourtant, si les deux joueurs trahissent, le résultat leur est moins favorable que si les deux avaient choisi de coopérer.
Les deux protagonistes que sont les pouvoirs publics d’un côté et Uber de l’autre sont dans la situation énoncée par Tucker. Les deux s’en sortiraient mieux en coopérant qu’en se dénonçant. Prenons l’exemple de la Californie, l’Etat le plus avancé en matière de législation:
Les pouvoirs publics doivent mettre en balance l’intérêt de protéger une profession de toute façon tuée par Google Map et le risque de tuer la gig economy. D’un côté on a peut être 10 000 taxis au maximum (dont de nombreux indépendants!), de l’autre 500 000 chauffeurs Uber et Lyft, de nombreux autres sous-contractants et des millions d’électeurs utilisant les applications de la gig économie.
Uber doit soupeser le risque de devoir réduire son activité drastiquement en Californie (tout comme SB Nation) et le coût supplémentaire pour mettre les chauffeurs de son côté…et les pouvoirs publics par la même occasion. On pourrait penser qu’un coût supplémentaire est inimaginable pour Uber qui fait des pertes et que cela amènerait la société à la faillite. Il faut raisonner en dynamique concurrentielle: Uber rides dégage une Ebitda égale à 24% de son chiffre d’affaires contre -13% pour Lyft. Qui a le plus à perdre d’une augmentation des chauffeurs ?
A la différence du dilemme du prisonnier, les deux parties peuvent communiquer et l’écart de dommage est tel en cas de non coopération que le plus probable est qu’ils vont effectivement coopérer:
La tentation pour chacun serait de jouer sa partie. Uber continue comme si de rien n’était à traiter ses chauffeurs comme des indépendants, espérant que les grandes villes n’oseront pas porter plainte compte tenu des conséquences économiques potentielles pour toute la gig économie. De même, une cité californienne durcit le ton et impose à Uber de salarier ses chauffeurs, espérant qu’il se pliera (ne quittera pas la ville) et acceptera d’être une super société de taxi avec des charges colossales (même les sociétés de taxis fédèrent des indépendants !). Ces scénarios sont peu probables, car chacun se doute bien que en cas de non coopération par l’une des parties, l’autre sortira l’arme nucléaire…Donc Uber va faire un geste, pour donner de l’indépendance à ses chauffeurs, même si cela a pour conséquence de dégrader le service. L’idée est que les concurrents seront obligés de faire un geste similaire et dégrader aussi leur service client, Uber gardant l’avantage comparatif. Ce serait en plus bon pour une image très dégradée par la culture agressive instituée par l’ancien PDG, Travis Kalanick. La coopération est donc un net positif pour Uber. La société fait donc le premier pas avec le projet Luigi. Du Washington Post (6 janvier 2020):
Dans le cadre de cette refonte, dont certaines parties ont été dévoilées début décembre, Uber a annoncé que les conducteurs californiens pourraient voir leurs tarifs estimés à l'avance, ce qui leur donne plus de pouvoir pour déterminer si un voyage en vaut la peine. Les conducteurs qui annulent un trop grand nombre de trajets s'exposent à des pénalités, telles qu'une pause dans leur capacité à effectuer des trajets ou même la désactivation de l'application. (Les conducteurs ne sont pas autorisés à annuler des trajets pour éviter certains quartiers ou faire preuve de discrimination à l'égard de personnes ou de certains types d'entreprises, selon les directives communautaires d'Uber).
Mais dans le cadre des changements, les conducteurs d'Uber peuvent refuser des trajets dès le départ sur la base des informations qui leur sont fournies. La société a déclaré que le fait de refuser un trajet n'aurait pas d'impact négatif sur le score Uber Pro d'un conducteur, un facteur déterminant pour les récompenses et les primes d'encouragement. Le changement vise à donner aux conducteurs un élément de contrôle supplémentaire sur les services qu'ils fournissent, ce qui signifie que les conducteurs n'acceptent que "les trajets que vous voulez faire", selon le site web d'Uber. Les trajets annulés alors qu'ils ont déjà commencé auront toutefois un impact négatif sur ces scores.
Il a également dévoilé la possibilité pour les conducteurs de "préférer" leurs chauffeurs, ce qui, selon Uber, "créerait des opportunités pour plus d'affaires plus tard". En pratique, a expliqué l'entreprise, les clients pourront choisir une icône "favorite" pour les conducteurs qui obtiennent cinq étoiles pour leurs voyages. Ensuite, lors de la programmation d'un voyage à l'avance, comme un trajet tôt le matin à l'aéroport, ce chauffeur pourrait avoir le premier laissez-passer à l'acceptation de la demande lorsque le trajet est programmé, selon le communiqué de presse d'Uber. Les fonctionnalités devraient être disponibles pour tous les conducteurs californiens d'Uber d'ici la mi-janvier.
Ce dernier point est important, il montre qu’Uber est même prêt à transiger sur la détention du client, laissant un lien se créer entre chauffeur et conducteur. Les chances de coopération se sont sensiblement accrues avec le Covid-19: les emplois créés par Uber sont peut être précaires mais ils existent et sont facilement ajustables à un contexte économique instable. Le risque de voir Uber, ainsi que ses concurrents, quitter une ville est de moins en moins tolérable pour les pouvoirs publics.
Et dans le reste du monde ?
La donne n’est pas la même car le législateur n’a pas fixé la règle du jeu, et les protagonistes peuvent faire fi de l’arrêt de la cour de cassation et gérer les cas litigieux à l’unité. Le législateur n’étant pas là pour les mettre sur un pied d’égalité, ce sont eux qui doivent gérer et font face au dilemme du prisonnier: coopération ou destruction massive ? Voici comment peut être représenté le combat entre Uber et ses concurrents dans chaque ville:
Dans chaque ville où Uber est dominant, il n’a pas intérêt à coopérer, c’est à dire donner plus d’avantages aux chauffeurs qu’il fera alors payer par ses clients. Le challenger pourrait alors trouver sa place au soleil et grignoter sur la clientèle d’Uber. Son statut d’agrégateur serait alors compromis. Au pire, Uber pourrait perdre des clients et se trouver marginalisé. La guerre des prix est inévitable, les chauffeurs en faisant les frais. L’issue est soit la fermeture du challenger, soit sa vente à Uber s’il a une part significative du marché. Dans une ville ou zone où un tiers est dominant, ce dernier n’a pas non plus intérêt à coopérer, Uber peut alors essayer de monnayer son retrait contre une participation dans ce tiers, le cash levé à l’IPO servant d’arme de dissuasion.
Le Covid 19 fait définitivement pencher la balance du côté d’Uber. Il fait éclater au grand jour la grande précarité de la croissance économique dans un monde globalisé ( déjà constatée en 2008) et la nécessité d’emplois flexibles. L’occident n’aura pas le luxe de la rigidité sociale. Dans ce contexte, il est encore moins probable qu’un bras de fer sérieux ne s’engage entre la puissance publique et Uber, symbole de la gig économie. La coopération est le plus probable en Californie, entre Uber et les villes, entre Uber et Lyft également qui ont un pouvoir de nuisance réciproque trop important.
Dans tous les cas de figure, Uber ne salariera pas les chauffeurs car c’est contraire à son modèle économique d’agrégateur, fondé sur l’apport d’abondance aux utilisateurs. Notre monde est submergé d’abondance, la trier est le modèle économique qui marche. Compte tenu de la grande précarité de la croissance économique manifestée une première fois en 2008 et une deuxième en 2020, il est peu probable qu’un bras de fer sérieux s’engage entre la puissance publique et Uber, symbole de la gig économie. Le reste du monde se réglera par des capitulations dans un monde où les chauffeurs resteront marginalisés.
Bonne fête de Pâques ! Il n’y aura pas d’article la semaine prochaine.