Un casque pour les remplacer tous ?
Les cimetières sont remplis ce sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
Le casque VR d’Apple pourrait être dévoilé le 5 juin. L’humiliation pour Meta ?
John Carmack dans Mixed, le 05 avril 2023 sur le casque de réalité virtuelle:
Nous devrions continuer à nous intéresser aux appareils que les gens utilisent, comme leur téléphone portable ou leur tablette. Je dis toujours aux gens de tenir compte de cela : Si l'expérience de réalité virtuelle est caractérisée par le caractère fastidieux du démarrage, les problèmes de fonctionnement ou la disponibilité limitée des choses que vous vouliez faire, si c'était sur votre téléphone, à quoi ressemblerait votre téléphone ? Si vous deviez configurer et reconnaître Guardian à chaque fois que vous le démarrez ? Si vous deviez attendre que vos contrôleurs se réveillent avant de pouvoir commencer à utiliser les entrées ?
Pour en arriver là, il faut non seulement que le système soit léger et bon marché, mais aussi qu'il soit instantané. Vous devriez pouvoir le lever et le mettre sur votre tête pour jeter un coup d'œil à quelque chose aussi facilement que vous le feriez avec votre montre. Je pense que ce niveau de retour d'information et l'absence de latence sont d'une importance capitale.
Mais il faut aussi qu'il soit capable de faire toutes les choses que les gens veulent faire. Je ne cesse de répéter que la VR doit supplanter tous les autres appareils. Les premiers utilisateurs, ceux qui sont à la pointe de la technologie, achètent tout. Ils achètent un casque de VR en plus de leur deuxième, troisième, quatrième téléviseur, de leur tablette, de leur Chromebook et de toutes ces choses. Mais pour atteindre le monde entier, il faut remplacer ces choses. Il faut aller de l'avant et dire : si vous achetez le casque VR, vous n'avez pas besoin d'acheter ce Chromebook, vous pouvez simplement y attacher un clavier. Vous n'avez pas besoin d'acheter cette télévision supplémentaire, vous avez déjà votre grand écran de cinéma. Vous n'avez pas besoin de cette tablette, elle sera capable d'exécuter les applications Android directement.
John Carmack a un esprit d’analyse hors du commun et ne mâche pas ses mots. On l’a vu à l’œuvre, quand annonçant son départ de Meta fin 2022, , il a vivement critiqué la bureaucratie qui régnait dans l’entreprise. Ces critiques ont fait mouche: la société a mis en place très vite après son départ un plan d’amaigrissement spectaculaire et effectué un revirement stratégique pour plus d’efficacité dans toutes ses activités, y compris le métavers.
Dans cet entretien récent avec Andrew Bosworth, CTO de Meta, il explique pourquoi le casque VR ne marche pas alors qu’il pourrait être l’outil qui remplace tous les autres. Ce qu’il ne dit pas est qu’il a changé d’avis à 180 degrés sur sa conception du casque idéal. Ce revirement stratégique est très intéressant à analyser à l’aune de la sortie de l’offre VR d’Apple. Le métavers, complètement éclipsé par le succès de ChatGPT, va-t-il enfin prendre avec un Meta aux ambitions plus raisonnables ?
Pourquoi ça ne marche pas ?
Les casques Quest de Meta se seraient vendus à 20 millions d’unités en cumul. C’est ce que révèle un article de The Verge du 1er mars 2023. Le Quest 1 est sorti il y a quatre ans, le 21 mai 2019. On ne peut que conclure qu’il est resté un produit de niche, adopté par quelques joueurs, rien de plus. Or le Quest est le casque VR le plus populaire ! Cela donne une bonne idée de la taille de ce marché. Par comparaison il se vend 1,5 millards de smartphones tous les ans, soit 6 milliards en cumulé sur 4 ans, 300 fois plus que le casque VR.
Analyser le succès de l’iPhone (et des smartphones Android) permet de comprendre pourquoi le marché du casque VR est si pathétique aujourd’hui. En fait, l’iPhone reprenait les principales fonctions du PC grâce à son système d’applications multi-tâches. En plus, il était plus petit, léger et fonctionnel quasi-instantanément. Le PC lui-même a été un succès indéniable dans les années 90 car il réalisait les principales fonctions d’un gros ordinateur mais prenait moins de place et était plus léger, plus facile à utiliser. C’est ainsi qu’on est arrivé à vendre 300 millions de PC chaque année. ChatGPT au bout de quelques mois a au minimum 200 millions d’utilisateurs. Comme le PC et comme le smartphone, il peut servir de boîte à outil multi-tâches, de couteau suisse 🇨🇭 grâce à ses plug in ( voir mon article contenir ChatGPT). Il est de surcroît très facile d’utilisation puisqu’il suffit de le questionner en français pour obtenir des réponses élaborées, sans passer par du code ou un apprentissage (à la différence du PC et du smartphone). ChatGPT peut à terme rendre caduque l’os traditionnel.
Le casque VR lui n’a rien du couteau suisse et en plus est fastidieux à utiliser. Il a beau transporter ses utilisateurs dans de nouveaux univers où ils peuvent se voir sous forme d’avatars, cela n’est pas suffisant pour attirer les foules qui doivent d’abord gérer leur univers quotidien, celui dans lequel ils passent le plus clair de leur temps. C’est pourquoi le PC et le smartphone, bientôt ChatGPT, leur sont indispensables, pas le casque VR qui pour l’instant est utilisé essentiellement pour le divertissement et pas pour la vie courante. La séparation entre les deux univers est outrée par la paroi opaque qui sépare le monde virtuel du monde réel. Le casque VR fait là définitivement une croix sur l’adoption de masse. Le jeu est l’application la plus adaptée à ce type d’environnement clos (70% des applications sur la plate-forme Quest) cantonnant le casque à ne concerner qu’une niche centrée sur les joueurs.
En fait pour viser l’adoption de masse, il faut un couteau suisse, c’est à dire un appareil pratique à manier lié à un magasin d’applications réellement utiles. Cela nécessite un changement de direction de la part de Meta: renoncer au primat de la communication.
La prise de conscience et l’échec du Quest Pro
Il est très intéressant de voir comment s’est développé le hiatus entre Mark Zuckerberg et la star de la réalité virtuelle John Carmack, fondateur d’Oculus. Le hiatus a fini par provoquer le départ tonitruant de John Carmack en décembre 2022, ce dernier critiquant ouvertement la bureaucratie Meta et son manque d’efficacité. Reprenons l’historique:
en octobre 2021, à la grande messe virtuelle des développeurs VR (Connect 2021), Mark Zuckerberg annonce un investissement massif dans le métavers ainsi que le changement de nom de Facebook en Meta. John Carmack, conseiller de Meta sur les affaires virtuelles, donne sa vision du grand projet:
Dans un an, je serai dans mon casque me promenant dans les salles virtuelles ou sur la scène en tant qu’avatar, devant des milliers de personnes recevant le flux sur de multiples plates-formes.
Cette vision conforte Mark Zuckerberg dans son idée que le casque VR sera d’abord un outil de communication. Comme le disait Charlie Munger, à l’homme qui a un marteau, tout problème prend la forme d’un clou.
A la même conférence, en octobre 2022, le Quest pro est lancé avec un accueil mitigé, John Carmack déchante. Il critique Meta pour avoir fait le choix de la qualité sur la quantité, son obsession étant qu’un maximum de personnes puissent se connecter en même temps et se déplacer aisément dans l’univers virtuel. Et pour que cela soit réalisable, il faudrait que le casque soit très bon marché ($250 max), très léger (250g) et rapidement opérationnel. C’est tout le contraire. Il est donc acerbe vis à vis du dernier produit de Meta, le Quest Pro à 1499$ et pesant 722g, un produit d’élite. Meta pour lui a choisi le mauvais paramètre: la qualité du rendu graphique qui nécessite un appareillage lourd et coûteux car appliqué au moindre mouvement. Les conseils de John Carmack sont a priori ignorés, il quitte Meta deux mois après.
L’avenir semble lui avoir rapidement donné raison, le Quest Pro s’avérant un échec. Début 2023, Meta annonce baisser le prix du Quest Pro de $1 500 à $1 000. L’explication la plus probable est que Meta cherche à écouler les invendus.
John Carmack est avant tout un joueur. Il a commencé sa carrière dans les jeux vidéo en participant à la fondation d’ID Software. Il y a popularisé les jeux FPS (first person shooter) avec Doom et Quake notamment, deux grands succès. Puis il est devenu CTO d’Oculus racheté par Facebook en 2014. Son point commun avec Mark Zuckerberg est d’insister sur l’aspect communautaire des jeux (mode multi-joueurs). Il est aussi bien d’accord avec Mark Zuckerberg sur l’importance de se sentir complètement immergé dans l’univers 3D. En revanche, pour lui, et à la différence de son ancien patron, il pense qu’il faut faire un compromis sur la précision du rendu de la personne, qui n’est pas un facteur rédhibitoire pour les jeux. En revanche, le casque doit être très mobile (léger et boutons accessibles facilement dans l’action). Nintendo a su s’imposer avec des jeux et des consoles rudimentaires: les jeux étaient très créatifs, l’expérience peu onéreuse sur des appareils faciles à utiliser et à mouvoir (Gameboy, Wii ou Switch par exemple). Malgré tous ses succès, Nintendo ne pèse que $50 milliards en bourse, moins de 10 fois Meta. John Carmack, au moins jusqu’à peu, ne se préoccupait pas des utilisations du casque hors divertissement. Le fait que le casque soit aveugle lui paraissait même un atout, la réalité mixte un frein à l’immersion. Il exprime ce point à la conférence Connect 2022:
Je pensais détester la conception ouverte du Quest Pro, qui permet aux utilisateurs de voir leur environnement réel dans leur vision périphérique, ce qui permet de se référer à des notes ou de regarder son clavier tout en étant dans le casque. "Cela ne me dérange pas autant que je le pensais".
Mark Zuckerberg, dont l’ambitions est de connecter la terre entière, ne pouvait que s’opposer à John Carmack. Frustré de s’être fait doubler par Apple et Google sur le smartphone, il a la volonté de leur rendre la monnaie de la pièce avec le casque VR. Ses investissements massifs dans le métavers ne peuvent se justifier par un objectif limité aux joueurs. La difficulté pour Mark Zuckerberg est est de faire un bon hardware: obsédé par la communication, il veut que le casque permette de distinguer les mimiques des utilisateurs, le déplacement de leurs membres et tout ceci avec précision, ce qui nécessite tout un appareillage de censeurs assez encombrants placés haut, une batterie énergivore et des manettes. Est-ce vraiment nécessaire pour la plupart des utilisations du quotidien ? Le Quest Pro suit le prima de la communication, aussi la première application mise en avant est Horizon Workrooms, un prolongement virtuel de Teams. L’accord avec Microsoft est astucieux car il permet à Meta de compléter son magasin d’applications par la suite 365. Cependant tiraillé entre la communication et le travail, le casque ne fait bien ni l’un ni l’autre…et encore moins le jeu cher à John Carmack. En tout cas, la mayonnaise n’a pas pris…et ce en grande partie pour les raisons évoquées par John Carmack: le casque est lourd, lent à mettre en action, la batterie s’épuise vite et le produit est cher…
Finalement, Mark Zuckerberg et John Carmack ont tous les deux eu tord sur le primat d’un outil construit pour la communication. Les gens s’adaptent et sont capables de communiquer avec des tam-tams. Apple est en train de mettre les deux hommes d’accord avec un casque qui sera avant tout un outil multi-taches.
Dans sa dispute avec Mark Zuckerberg, John Carmack avait raison sur le pré-requis: pour qu’un casque puisse gagner des utilisateurs il faut qu’il soit maniable et bon marché . Il n’a pas besoin d’être hyper précis dans les rendus pour donner une impression d’immersion à condition que la latence soit minimale. Ce qu’il a considéré comme une condition suffisante pour la réussite du casque néanmoins n’est qu’une condition nécessaire: se rencontrer facilement dans un monde virtuel pour y jouer n’est pas un objectif en soi. Mark Zuckerberg a en ligne de mire le couteau 🇨🇭 et probablement poussé par la sortie prochaine du casque VR d’Apple a voulu faire vite pour contrer ce dangereux compétiteur potentiel, avec ses biais. Le casque devait satisfaire deux objectifs à la fois, ce qui l’a complexifié alourdit, renchérît …Mark Zuckerberg a mis la charrue avant les bœufs: obsédé par la plate-forme (pour lui avant tout de communication), il en a oublié le produit.
Néanmoins, John Carmack semble maintenant rejoindre Mark Zuckerberg sur la nécessité de fabriquer un casque VR à tout faire, susceptible de remplacer le PC, la TV, voire la tablette. Est-ce l’influence du succès fulgurant de ChatGPT ? Ou alors la réalisation qu’Apple risquait de voir juste avec un casque aux antipodes de sa propre vision centrée sur le jeu ? C’est intéressant car comme le dit Andrew Bosworth, CTO de Meta, en plaisantant: malgré son départ, John Carmack reste un membre permanent de l’équipe. Il y a maintenant un alignement sur les objectifs chez Meta qui devrait se manifester si ce n’est dans la conception du Quest 3, au moins dans les versions ultérieures.
Le casque d’Apple ne sera pas le Quest Pro
Il est difficile de parler d’un casque VR qui n’a pas encore été dévoilé. Il le sera probablement à la conférence d’Apple du 5 juin 2023. Les rumeurs sont persistantes et Apple ne les dément pas, ce qui est un bon signe. Ce dont je suis convaincu est qu’il aura les qualités requises telles que décrites récemment par John Carmack, hormis le prix. En effet à la différence de Meta, Apple ne cherche pas à multiplier le nombre d’utilisateurs simultanés, ni à rendre à la perfection les acrobaties virtuelles des utilisateurs, mais à fabriquer un bon outil individuel, comme l’IPhone ou la Watch. Le rendu graphique sera privilégié au sentiment de présence (compromis nécessaire pour éviter d’alourdir le casque). La diffusion peut être restreinte (au départ) pourvu que le produit apparaisse comme désirable. Et pour l’être, il faut sacrifier des fonctions afin de rendre l’appareil léger, rapide à utiliser et convaincant sur des usages incluant de la 2D. Enfin pour Apple spécifiquement, il faut que le porteur du casque n’est pas l’air d’un extraterrestre 👽.
Mon intuition est que le casque sera léger, plus léger que les Quest de Meta (500g pour le Quest 2 et 722g pour le Quest Pro). Les rumeurs parlent d’une batterie déportée à la ceinture pour alléger le casque et on se demande pourquoi Meta n’y a pas pensé plus tôt: quel intérêt de porter une batterie sur la tête ! Il ne sera pas une annexe du Mac, un mode de visionnage plus élaboré mais bien autonome pour certaines fonctions de bases (lesquelles seront augmentées dans les futures version et accessibles depuis un magasin d’applications). Il aura une vitre pour éviter d’isoler l’utilisateur par rapport à son environnement. Il n’intégrera pas de manettes, quitte à sacrifier certains rendus: pour Apple, il faut pouvoir tout faire avec les mains. C’est pourquoi l’iPhone n’a jamais eu de stylet et qu’il a fallu des années pour en concevoir un pour l’iPad. Enfin il se mettra en état de fonctionnement immédiatement comme un iPad.
Bref, il ressemblera plus à un masque de ski pratique à enfiler et retirer qu’à un casque de la deuxième guerre mondiale du type Quest Pro:
L’essentiel pour Apple est de créer le marché avec un produit à l’effet « amazing», effet que ne produit aucun des casques sur le marché aujourd’hui. Meta, jusque là tiraillé entre Mark Zuckerberg (généraliste rêvant d’une plate-forme de communication) et John Carmack (joueur invétéré) a conçu des casques qui ne sont convaincants ni pour un usage général, ni pour les jeux: trop lourds, trop complexes (manettes), trop lents. Apple fait définitivement pencher la balance du côté du casque généraliste. Le casque sera pour le travail, un démultiplicateur du Mac en deux, voire trois dimensions, il sera pour la santé, en démultiplicateur d’Apple Fitness, il sera pour le cinéma, en démultiplicateur d’Apple TV Plus, il sera pour la communication en démultiplicateur de FaceTime, enfin il sera ludique en démultiplicateur d’Arcade.
Apple comme Tesla
Pour pouvoir créer un véritable couteau 🇨🇭 (magasin d’applications fourni), il faut un super produit au préalable. Nombreux sont les candidats (Meta, Microsoft, Pico, Leap Motion, etc.), rare sont les élus. Seuls Apple et Google ont réussi à créer des magasins d’application à succès. ChatGPT a ses chances, du fait du très fort engouement sur le produit. Meta n’a aucune chance avec les casques VR actuels. Apple sera probablement plus crédible dès le départ du fait de la direction claire choisie qui est de faire du casque un bel outil pratique à utiliser. Pour se donner un avantage décisif par rapport à un prétendant compétiteur, il pourrait intégrer l’App Store de l’IPad tel quel dans son OS. Le casque reprendrait ainsi les fonctionnalités de l’IPad avec un écran géant virtuel en bonus. L’IPad a fait de même en son temps en reprenant les applications de l’iPhone. Le casque apparaîtrait comme une évolution dans l’écosystème Apple, un complément aux produits existants, et non une révolution avec son caractère incertain. Apple a sur le casque VR une stratégie à la Tesla: il conçoit d’abord un modèle haut de gamme désiré mais inabordable, puis descendra en gamme sur des produits meilleur marché tout en conservant l’image de marque du premier casque. La plate-forme est là pour durer. Dans le même temps, Apple crée un vide. Qui va concevoir le produit bon marché qui reprendra les principales caractéristiques du casque Apple dans un univers plus ouvert ? Qui va viser les 80% du marché créé par Apple, le bas de gamme ?
Android ?
Le succès prévisible d’Apple (pas en nombre d’appareils VR vendus mais en notoriété ) va attirer les convoitises. Le jeu est cependant largement joué. Préventivement, les Big Tech ont acheté toutes les start ups AR/VR persuadées à l’époque que le marché avait un fort potentiel: Cela a bloqué les mécanismes d’innovation, ceux-ci étant dirigés « top down » par quelques grands patrons. Au lieu d’avoir un processus « schumpetérien » de création de valeur, on a un processus bureaucratique qui pour l’instant n’a pas donné grand chose: les produits de Google et Microsoft n’ont pas convaincus, Microsoft a semble-t-il jeté l’éponge, mais pas encore Google qui aimerait recréer Android pour les casques . Il a donc récemment passé un accord avec Samsung qui fournirait le casque, Qualcomm la puce et lui-même le logiciel. L’Usine Digitale, le 2 février 2023:
Samsung a profité de sa conférence annuelle Unpacked 2023, lors de laquelle il présente ses produits phares et notamment ses derniers modèles de smartphone Galaxy S, pour annoncer officiellement son retour sur le marché de la "XR", terme qui regroupe à la fois les casques de réalité virtuelle et lunettes de réalité augmentée. Aucun détail n'a été donné sur le futur appareil. A cette occasion, TM Roh, directeur de la division expérience mobile de Samsung Electronics, a été rejoint sur scène par Cristiano Amon, CEO de Qualcomm, et Hiroshi Lockheimer, SVP en charge d'Android chez Google. Les trois entreprises feront alliance sur ce projet. Qualcomm fournira la puissance de calcul (puce Snapdragon) et Google le software (une version adaptée d'Android).
Cela ressemble à du bricolage stratégique en réaction au casque d’Apple. Le marché du casque VR est beaucoup moins abouti que celui du smartphone à l’époque d’Android, l’intégration entre matériel et software est encore nécessaire pour arriver à un bon produit pour le client. Il y a encore beaucoup de questions à résoudre concernant le poids, la latence, la batterie, la proportion d’AR et de VR, etc. C’est une fois le marché mur et stable qu’on pourra adopter une approche modulaire. Les acquisitions précoces et l’élimination de la concurrence ont empêché cette maturation, qui doit se faire au sein des quelques Big Tech motivées. Google est hors jeu à mon avis avec cette approche (Samsung aussi).
Reste Meta qui a la technologie la plus avancée. Ce n’est pas suffisant. La grande ambition de Mark Zuckerberg est de créer le réseau social du métavers. C’est loin d’être évident étant donné que le métavers n’existe pas et qu’il pourra prendre des formes multiples. Pour influencer le destin, Il essaie de construire une architecture commune qui permettra à quiconque de transporter son avatar de métavers en métavers. Ainsi Meta pourra pister l’avatar dans le monde entier, en faire un portrait et comme à son accoutumé proposer des publicités adaptées. Mark Zuckerberg joue la mondialisation de l’avatar, comme il l’exprime dans cet interview de novembre 2022 avec Ben Thompson:
Je pense que l'élément le plus important ici est que les biens virtuels et l'économie numérique qui vont être construits, puissent être interopérables. Il ne s'agit pas seulement de créer une application ou une expérience qui puisse fonctionner avec notre casque ou celui de quelqu'un d'autre, je pense qu'il est vraiment important que si vous avez votre avatar, vos vêtements numériques, vos outils numériques et les expériences qui les entourent, je pense que le fait de pouvoir les appliquer à d'autres expériences créées par d'autres personnes, que ce soit sur une plateforme que nous créons ou non, sera vraiment fondamental et débloquera beaucoup de valeur.
Mark Zuckerberg en conséquence au moins jusqu’à présent cherche à concevoir un téléphone de la 3D. La qualité de la communication est le facteur premier, le casque doit donner l’impression que l’autre est là, au risque de censeurs pesants de toute part. Pourquoi donc les gens mettraient il un casque encombrant pour se parler alors qu’il existe de multiples méthodes pour le faire. L’idée qu’ils chercheront à échanger des biens en 3D est hautement spéculative. La communication n’est pas forcemment la « killer app » du casque VR. L’expérience montre que la « killer app » provient de l’itération entre l’utilisateur et le couteau suisse 🇨🇭. L’Apple Watch s’est petit a petit imposée comme un outil de prévention santé. Elle n’y était pas au départ (dans ses premières versions) prédisposée. De même l’IPhone est devenu progressivement un appareil photo. Apple conçoit un bon outil multi-tâches puis laisse l’utilisateur décider quelle direction prendra cet outil. C’est une démarche pragmatique.
La grande chance de Meta est l’absence de compétiteurs crédibles, hormis Apple. Meta peut très bien mettre en attente son grand plan de réseau social du métavers et constituer l’alternative bon marché, open source au casque d’Apple. Mon pari est que Mark Zuckerberg va réagir, mais il lui faudra probablement encore subir le succès du casque d’Apple, accepter l’humiliation de s’être fait doubler sur la réalité virtuelle, avant de mettre toutes ses forces dans la bataille…C’est du classique Mark Zuckerberg tardant à réagir face à Snap ou TikTok. Pour l’instant il est coincé entre un Quest Pro centré sur Teams et un Quest 3 qui veut faire plaisir aux joueurs, son cœur de clientèle. Il va lui falloir écouter de nouveau John Carmack .
Bonne fin de semaine,
Hervé