Les cimetières sont remplis de sociétés qui n’ont pas compris les règles du jeu.
Les deux technologies qui pour l’instant retardent l’adoption massive de la voiture électrique sont:
la batterie: le temps de recharge est trop long, elle s’use trop vite, elle est trop encombrante et cher.
le logiciel: il y a encore beaucoup trop de boutons et manettes dans les voitures électriques qui ne les différencient pas des voitures à essence (hormis Tesla). Voici l’intérieur d’une Chevrolet Bolt électrique, modèle phare de GM:
L’interface utilisateur est peu intuitive, nécessite un temps d’apprentissage pour des fonctionnalités limitées. La voiture n’est pas le fidèle serviteur qui obéit au doigt et à l’œil quoi qu’on lui demande mais celui qu’il faut dompter...pour obtenir le minimum.
N’y a-t-il pas une ressemblance frappante avec les premiers téléphones mobile ? Le premier mobile commercialisé fut le DynaTAC 8000 X, une merveille signée Motorola:
Le prix était de $ 3 995, la batterie Nickel-cadmium (NiCD)se chargeait en 10 heures pour 30 minutes de conversation, elle était lourde et toxique, se dégradait rapidement. Ce n’est qu’avec la généralisation dans les années 2000 des piles Lithium-ion à plus forte densité énergétique que les mobiles sont devenus moins encombrants, moins chers, plus rapides à charger, plus lents à décharger. Dès lors, la course aux fonctionnalités a commencé: pourquoi se limiter à la voix si l’on pouvait utiliser le mobile pour autre chose également ? On a introduit un calculateur, un réveil, des jeux (Nokia 6110 en 1997) puis avec le développement de l’internet, la messagerie s’est perfectionnée. Le mobile est devenu un petit ordinateur simplifié avec un navigateur et un OS, bref un smartphone. BlackBerry avait beaucoup de boutons, relativement peu de fonctions, comme le montre ce RIM 1957, sorti en 2000:
L’iPhone (2007) et l’OS Android (2008) ont tout changé, remplaçant la quasi intégralité des boutons par du logiciel, étendant les fonctionnalités potentielles à l’infini (millions d’applications). Les ventes de smartphones ont alors explosé:
C’est grâce à l’invention de la batterie lithium-ion qu’on a aujourd’hui des smartphones. Pourtant, cette invention n’a finalement réellement profité qu’à ses clients, les fabricants de mobiles.
La batterie lithium-ion s’est imposée au détriment de la batterie nickel cadmium en raison de sa densité énergétique, sa capacité de charge et sa longévité. Le principe est le suivant: une batterie est composée d’une cathode positive, d’une anode négative, le tout baignant dans une solution salée de lithium et séparé par une membrane poreuse. Quand on charge la batterie, les ions de lithium passent de la cathode à l’anode à travers la membrane puis reviennent à leur position initiale lors du cycle de décharge. Le matériau revêtant la cathode doit être différent de celui revêtant l’anode pour avoir une différence de potentiel. Le cobalt (cathode) et le graphite (anode) sont idéaux car ils restent stables lors de leur charge ou décharge d’ions. L’invention de la cathode lithium-cobalt-oxyde (Li-Co-O2) est restée longtemps dans les tiroirs et négligée . John Goodenough, professeur de chimie américaine, dirigeant le laboratoire de chimie inorganique d’Oxford, a inventé la cathode lithium-cobalt-oxyde en 1980. Cette invention, négligée par l’université, dont le brevet n’a trouvé preneur que très tard, a enfin été reconnue par un prix Nobel en …2019. En 1991, Sony en fait une première exploitation commerciale dans une caméra. L’expertise de production passe en Asie, au Japon et en Corée puis en Chine. A l’inverse du silicium, universellement répandu et à la base de l’industrie des semi-conducteurs où excellent les américains, le cobalt, composants essentiel des batteries au lithium est rare et permet à ses producteurs de jouer l’intégration. C’est ainsi qu’avec la pression sur la production de batteries liée aux véhicules électrique, et en conséquence sur les cours du cobalt, les batteries lithium-ion sont devenues progressivement chinoises avec deux principaux producteurs BYD et CATL: les chinois contrôlent les mines congolaises, soit les 2/3 des minerais de cobalt. Les autres fabricants de batteries lithium-ion sont Tesla, Panasonic, Samsung et LG. Cela assure une solide compétition, et sans brevet protecteur des marges limées.
Côté demande, les détenteurs de smartphone privilégient largement l’expérience utilisateur, c’est à dire l’éventail des fonctionnalités à la longévité de la batterie. Les premier iPhones ouvraient un nouveau champ des possibles…avec en conséquence une batterie qui se déchargeait très vite, beaucoup plus vite que des smartphones plus rudimentaires. L’histoire a montré où était la valeur. Celle-ci repose sur le logiciel pur ou sur l’intégration du logiciel avec le matériel. L’expérience utilisateur et les fonctionnalités priment largement sur la qualité de la batterie, pourvu que cette dernière soit suffisante. Le prix de remplacement de la batterie pour un iPhone est € 69 (7 % du prix global environ). Apple réalise ses 25% de marge nette après impôt ailleurs. Le logiciel nous donne l’impression de la toute puissance, la batterie nous renvoie aux limites de l’entropie. Elle est un compromis entre différents maux qu’il s’agit de minimiser: le temps perdu pour charger, l’angoisse de la décharge, son poids et encombrement. On ne fait pas rêver avec une batterie, il n’y a pas de progrès miracle, on la cache; une batterie est différente d’un microprocesseur qui peut se targuer d’être « inside » car double sa puissance tous les deux ans…C’est une commodité liée au cours du cobalt, les marges sont faibles. John Goodenough porte bien son nom: la batterie doit être juste suffisante.
Qu’en est-il de la voiture électrique ? Où la valeur va t-elle se loger ? Quel sera le point d’intégration selon la définition de Clayton Christensen dans The innovator’s solution, le point de profit maximal dans la chaîne de valeur ? L’histoire ne se répète pas mais parfois elle rime, aurait dit Mark Twain. L’histoire de la voiture électrique reproduira-t-elle celle du smartphone ?
La batterie sera-t-elle un point de différenciation majeur ?
Sans l’invention de John Goodenough, nous n’aurions probablement pas aujourd’hui de voitures électriques. Mais c’est JB Straubel, le cofondateur de Tesla qui a eu l’idée d’aligner des batteries de PC pour propulser une voiture électrique: cela a marqué la renaissance du moteur électrique. Les voitures électriques utilisent maintenant des batteries lithium-ion, celles qui ont assuré le succès du smartphone, du fait notamment de leur densité énergétique, capacité de recharge et longévité. Les challenges sont autrement plus compliqués que pour le smartphone:
une batterie de voiture électrique nécessite 1 000 fois la puissance d’un smartphone et 10 000 fois la capacité de stockage.
Elle doit résister à des chocs bien plus violents ainsi qu’à des conditions de température extrêmes.
L’accumulation de cellules (100 dans le premier véhicule, plus de 6 000 déjà dans le premier Tesla Roadster) peut entrainer facilement une surchauffe, un feu et détruire la batterie, voire la voiture. Il faut imaginer un système de contrôle et de gestion perfectionné.
L’énergie issue de la batterie doit être contrôlée pour éviter les accélérations ou freinages trop brutaux.
le prix de la batterie au lithium est excessif: la voiture électrique ne sera adoptée que si son coût global équivaut à celui d’une voiture à essence. Le prix du premier Tesla Roadster était $ 170 000 ! Il fallait vraiment faire du luxe pour amortir le coût d’une batterie il y a dix ans. Le challenge est le suivant:
réduire significativement le prix au kwh,
augmenter la densité énergétique (plus de wh/kg),
sans dégrader la sécurité: le système de gestion de la batterie (BMS) doit être bien pensé
Il sera extrêmement difficile de faire mieux que le lithium, élément chimique des plus légers (trois protons, trois électrons), juste derrière l’helium et l’hydrogène dans la table des éléments. Les électrons du lithium sont extrêmement véloces, facilitant la transmission du courant électrique. Les progrès sur la batterie sont très lents: il a fallu 30 ans pour doubler l’intensité énergétique des batteries au lithium. C’est la loi de Moore au ralenti. Pour renforcer l’intensité énergétique, la méthode usuelle est de condenser plus de matière dans la cathode et l’électrode, d’amincir la séparation, et ce n’est pas sans conséquence sur la stabilité de la batterie: une simple poussière de métal peut entrainer un court circuit, une surchauffe et un dommage. Il faut pouvoir produire dans un environnement de propreté inouïe, et avec une matière de plus en plus rare:le cobalt. cela entraine une pression sur les prix, l’inverse de l’objectif numéro 1 visé. Il y a donc des limites à cette méthode, limites qui semblent aujourd’hui atteintes. La production de masse est la conséquence logique: les économies d’échelle sont absolument nécessaires pour faire baisser le prix au kwh. C’est pourquoi, plus encore que pour le smartphone, il n’y aura de place que pour quelques rares producteurs qui doivent mettre toutes les chance de leur côté pour vendre massivement. A la différence du smartphone, la batterie est l’élément le plus coûteux dans une voiture électrique. C’est pourquoi l’intégration fait sens dans la mesure où elle permet d’atteindre l’effet d’échelle plus vite si on se place côté producteur de batteries et de doubler les autres au poteau grâce à une batterie meilleure marché si on se place côté constructeur de voitures électriques. Cette intégration n’a pas à être exclusive, car risque de limiter le volume. Cela a été pourtant l’approche de Tesla , approche jouable car il était largement dominant et pensait détenir un système de gestion de la batterie différenciant. Elon Musk est en train de changer d’avis . Dans Christensen revisité, j’ai développé cette idée de l’intégration non exclusive:
Il y a une évolution très nette entre l’époque où AMD a choisi le modèle horizontal, réalisant un spin off de sa fonderie (2009) et aujourd’hui où Intel sépare les deux activités design et fonderie tout en les conservant. Intel accepte la concurrence aux deux niveaux de son intégration, fonderie et design, alors qu’AMD a préféré reconnaitre la logique Christensen et adopter le modèle horizontal. Intel choisit d’être vertical aussi bien qu’horizontal. Etre en concurrence avec ses clients ne semble plus un problème: la fonderie d’Intel va travailler pour d’autres designers de puces adoptant l’architecture X86 d’Intel ou celle d’ARM; réciproquement, les puces désignées par Intel seront fabriquées le cas échéant par d’autres fonderies que la sienne. A mon sens, ce qui a changé entre les deux périodes est le tempo. A l’époque du spin off de GlobalFoundries, il y avait très peu de sociétés connaissant des croissances à trois chiffres ou tout au moins supérieures à 50 %. Elles sont légions aujourd’hui parce que les frictions ont baissé drastiquement, les barrière à l’hyper-croissance ont sauté…La vitesse va de pair avec l’effet d’échelle: la traduction financière de l’absence de frictions est le coût marginal zéro qui implique que le coût est concentré lors de l’investissement. Dès lors, il convient de gagner l’effet d’échelle le plus vite possible avant qu’un tiers ne ravisse le trophée.
Les producteurs de batteries seront probablement cette fois gagnants (pas forcément les seuls) sur le marché de la voiture électrique. Leur objectif simple est de faire baisser le prix de la batterie pour enclencher l’adoption massive de la voiture électrique et d’en récolter les fruits les premiers. Tesla, BYD ou CATL sont dans le même combat: passer de la niche à l’industrie de masse, réinventer le modèle T.
L’intégration est donc le sens de l’histoire, ce qui constitue une différence notable avec ce qui s’est passé avec l’industrie du téléphone mobile. L’innovation, négligée par les constructeurs de batteries a fait que la batterie est devenue une commodité. Aucun constructeur de smartphones n’a songé à se donner l’exclusivité sur le brevet de John Goodenough puis à fabriquer ses propres batteries pour se donner un avantage définitif. L’histoire aurait pu être différente. Elle le sera probablement pour l’industrie des véhicules électriques.
Good enough
La question est de savoir si on peut imaginer une nouvelle technologie qui révolutionnera la batterie ou si les jeux sont déjà faits. On a vu récemment plusieurs introductions en bourse de sociétés de batteries. L’idée est de substituer un nouveau matériau au graphite de l’anode, un point de blocage pour la densité énergétique :
Silva Nano, une jeune pousse californienne veut remplacer l’anode en graphite par une anode en silicium, pour gagner en densité énergétique et faire baisser d’au moins 20 % le prix de la batterie. Pour la Silicon Valley, tout se réduit à un problème de silicium ! Ses 250 collaborateurs ont trouvé une technique qui empêche l’anode en silicium de gonfler pendant le cycle de charge et décharge. Les clients intéressés sont Volkswagen et Daimler qui tous deux cherchent à contrer la domination de Tesla et des producteurs chinois. La société a été valorisée $3,3 milliards lors de sa dernière levée de fonds.
Enovix, autre société californienne, a une solution pour résoudre le gonflement de l’anode en silicium. Cette solution passe par une refonte totale du processus de production des batteries, une stratégie risquée, les fabricants actuels comptant sur leurs usines actuelles. Enovix capitalise $2 milliards et est cotée sur le Nasdaq.
Enfin quelques sociétés misent sur l’anode en lithium-métal. C’est le cas de QuantumScape, valorisée cette fois à près de $10 milliards. Pour QuantumScape, le facteur qui limite la densité énergétique est l’anode, pas la cathode. Une anode en lithium-métal permettra de faire un saut de densité énergétique, la limite n’étant pas la cathode mais l’anode qui, en graphite ou même en silicium, ne peut recevoir et fournir assez d’ions de lithium dans le cycle charge/décharge:
L’anode lithium-métal est ancienne mais jusqu’à présent était incompatible avec le bain de lithium car le mélange créait de la dendrite, facteur de court-circuits et d’incendies. La société a trouvé la solution pour éliminer le problème. QuantumSpace compte sur l’effet d’échelle de Volkswagen, actionnaire de la société, pour pouvoir atteindre la taille critique et ainsi valoriser sa technologie.
Mais qui va fabriquer ? les producteurs de batteries actuels mettent tout en oeuvre pour réduire le coût de la batterie au kwh en jouant sur l’échelle. Le processus de fabrication doit être amorti sur le plus grand nombre d’unités produites, avec des évolutions marginales. QuantumScape, s’il veut créer une batterie abordable devra négocier un contrat géant avec un fabricant ou alors rester dans le luxe, tout comme Tesla à ses débuts. Mais pourquoi un fabricant prendrait un tel risque, si la technologie actuelle est suffisante pour vendre en masse. C’est aujourd’hui le dilemme qui risque de retarder la mise en oeuvre de solutions radicales nouvelles.
Les batteries LFP (Lithium fer phosphate)
John Goodenough ne s’est pas arrêté à la découverte de la cathode lithium-cobalt-oxyde. En 1996, bien avant qu’on songe à la voiture électrique, il dépose un autre brevet, cette fois en collaboration avec l’université d’Austin au Texas. Il s’agit d’une cathode recouverte d’éléments chimiques très répandus sur terre: le fer et le phosphate. Comme d’habitude, l’invention de John Goodenough a eu du mal à trouver preneur car son inconvénient est une densité énergétique plus faible que la cathode lithium-cobalt et ses dérivées utilisées pour les batteries de voiture électrique: nickel-manganese-cobalt (NMC) et nickel-cobalt-aluminium (NCA). Aussi, les chinois se sont emparés du brevet à vil prix et utilisent les batteries LFP pour leur voitures électriques. Ils produisent des batteries LFP depuis déjà 10 ans. Voici comment d’après Steve LeVine (The Electric), les chinois ont pris encore le dessus:
Une douzaine des principaux brevets de LFP expirent en septembre. Ces brevets sont détenus par un consortium basé en Suisse qui régit trois familles de propriété intellectuelle, dont celles attribuées à Goodenough, le père de la technologie LFP. Jusqu'à présent, les entreprises chinoises jouissaient d'un quasi-monopole sur la fabrication des LFP grâce à une décision obscure prise par le consortium il y a dix ans, qui autorisait les entreprises chinoises à fabriquer des LFP sans frais de licence, à condition qu'elles ne vendent leurs batteries que sur le marché local.
L'expiration du brevet coïncide avec une augmentation de l'utilisation des LFP par les principaux constructeurs automobiles occidentaux : VW, Ford et Stellantis figurent parmi les entreprises qui ont annoncé leur intention d'équiper au moins certains de leurs véhicules de LFP. Tesla a déjà expédié des véhicules Model 3 et Y équipés de LFP en Chine et en Europe. La logique me dit que ces deux développements - l'expiration du brevet et le nouvel intérêt des constructeurs automobiles pour le LFP - devraient déclencher une ruée vers la fabrication de LFP en dehors de la Chine. Mais, en vérifiant, je n'ai trouvé pratiquement aucun plan de la part des entreprises occidentales ou même sud-coréennes, qui dominent le marché mondial des batteries avec la Chine, pour essayer de le faire. Selon les apparences, elles semblent prêtes à céder le marché aux Chinois et à placer leurs espoirs dans les technologies de nouvelle génération.
Les européens sont encore indécis (évolution ou révolution, continuité ou disruption), alors que les chinois foncent, confortés par les économies d’échelle déjà réalisés leur permettant de produire à faible coût. En étant obsédé par la densité énergétique, on perd de vue l’ensemble des paramètres. Les producteurs chinois sont dans le concret et regardent l’ensemble. Les batteries LFP ont trois avantages importants:
elles sont bon marché car ne dépendant pas d’un minerai rare (et de plus en plus avec le volume),
elles ont une grande longévité, on parle d’un million de miles, c’est dire l’infini pour une voiture, et un facteur de réduction de coût important, ne serait-ce que des externalités repoussées dans le temps.
elles sont très stables.
Ce troisième avantage fait qu’on peut mettre d’avantage de cellules dans une batterie et compenser l’inconvénient de la densité énergétique. Une batterie lithium- cobalt est instable, nécessitant un bagage important pour stabiliser les cellules: ces dernières sont insérées dans des modules de protection, eux même inséré dans un pack comprenant le système de gestion de la batterie (évitant les surchauffes):
Les batteries LFP commencent à être reconnus par les constructeurs internationaux (GM, Ford, Volkswagen, Stellantis), qui sont préoccupés de la dépendance chinoise pour leur approvisionnement en cobalt. Mais ils se méfient de l’utilisation d’une technologie ancienne, et pendant ce temps, les chinois BYD, Amperex et CATL occupent le terrain et construisent leur effet d’échelle sur leur propre territoire. Ils ne s’enferment pas sur leur point fort, le cobalt. En intégrant construction de batteries et véhicules électriques, ils risquent fort de laisser les constructeurs occidentaux dans la poussière…à moins que ces derniers ne trouvent un autre point de différenciation…
L’effet cool
L’histoire du smartphone a montré que le logiciel primait sur la batterie. Les deux dominants de cette industrie, Apple et Google ont une culture logiciel. Ils savent en faire un produit de consommation. L’exemple d’Apple est intéressant car il montre que même s’il est un fabricant de matériel, c’est le logiciel qui a fait son succès. Je l’ai exprimé dans mon article: l’avenir d’Apple est nuageux:
Avant tout, il faut bien comprendre que l’intégration d’Apple reposait avant tout sur le software, au moins jusqu’à une époque récente. Steve Jobs était parti avec une longueur de retard sur les puces, voulant différentier Apple d’Intel et du troupeau des PC avec des puces IBM et Motorola, finalement peu performantes. Le software était sa planche de salut. Dès 1985, Steve Jobs avait fondé NexT, un software précurseur orienté objet, très apprécié des développeurs. C’est grace au rachat de NexT par Apple en 1996 qu’il a pu revenir chez Apple, marquant le début d’une seconde vie pour l’entreprise à la pomme. Steve Jobs met tout de suite les hommes clés de NexT à la tête d’Apple, marquant ainsi une stratégie tournée sur le logiciel et l’écosystème des développeurs. De là est né OS X qui était à la fois libre (dérivé de FreeBSD) et bien conçu, et a attiré les développeurs lassés de la domination de Windows. FreeBSD a été également le socle pour le développement d’IOS et de l’App Store, avec un succès sans égal. Cette suprématie sur le software intégré à un hardware banal (d’abord IBM/Motorola puis Intel) a permis de propulser Apple jusqu’à aujourd’hui, autour d’un écosystème solide de développeurs et un magasin d’applications extrêmement fourni.
Tesla est dans la même configuration. Il vend des voitures mais c’est le logiciel qui différencie. Les problèmes liées à la carrosserie ont été largement commentés et mis en exergue par les shorts: portières qui restent dans les mains, pluie pénétrant dans l’habitacle, boulons manquant sur les chaînes de montage, etc. Pourtant Tesla a doublé tous les constructeurs qui savent faire de la tôle mais pas du logiciel: il commercialise 800 000 voitures en rythme annuel, quand BYD le second n’en vend que 500 000, y compris les hybrides. Pourtant BYD domine l’industrie de la batterie au lithium et Elon Musk s’intéresse de plus en plus à ses batteries LFP. L’exemple d’Apple a montré qu’un logiciel supérieur dans une carcasse “cool” permettait de dominer l’industrie du smartphone. Elon Musk applique la même recette pour la voiture électrique et cela marche ! Il remplace l’analogique par le digital et fait du logiciel un produit de consommation. L’application la plus importante est l’autonomie, mais il y en a bien d’autres faisant l’objet de mises à jour régulières. Les détenteurs de Tesla ont l’impression d’une voiture neuve, à chaque mise à jour, un peu comme le détenteur d’iPhone quand il passe d’IOS 13 à IOS 14…Le logiciel ne se cache plus, il remplace les boutons mono-fonctions avec un potentiel de fonctionnalités infini qui font sa valeur Elon Musk semble comprendre qu’il ne gagnera pas forcément la bataille de la batterie, faisant l’éloge de producteurs tiers comme BYD (qu’il raillait il y a quelques années). Il ne veut pas courir le risque de choisir la mauvaise technologie de batterie, pourvu qu’il domine le logiciel. Il en a été de même d’Apple qui a préféré courir avec Intel pendant de nombreuses années.
C’est pourquoi je me risque à faire un exercice de science fiction pour décider des potentiels vainqueurs et perdants de la voiture électrique:
Tesla bien sûr, qui a déjà l’effet d’échelle, une capacité de production de batteries importantes et un logiciel supérieur associé à l’aspect “cool” de ses voitures.
Apple qui va finir par se décider pour ne pas laisser Tesla prendre le marché du “cool” qu’il domine aujourd’hui. Apple a beaucoup à apprendre car faire avancer une voiture est plus complexe que faire fonctionner un smartphone. Apple sous-traitera la batterie comme il l’a fait pour le microprocesseur pendant de nombreuses années. Mais il y a aussi la gestion de la conduite qui est un métier inconnu pour Apple.
Google, part de l’application autonomie et cherchera probablement à dominer l’amont, le logiciel, pour équiper les constructeurs de basse et moyenne gamme. Waymo sera pour la voiture électrique l’équivalent d’Android pour le smartphone.
Les constructeurs de batteries comme CATL ou BYD ont de bonnes chances de dominer l’industrie de la batterie grâce à leur pragmatisme et équipés de logiciel type Waymo domineront en volume le marché des voitures électriques, celles des basse et moyenne gammes. Le choix par Tesla de la technologie LFP leur donnerait un avantage définitif !
Les grands perdants seront les constructeurs traditionnels, qui sont très bons pour assembler des milliers de pièces disparates et les coordonner par de l’électronique bon marché. Mais ils ne savent ni produire des batteries (leurs atermoiements en témoignent), ni faire du logiciel un produit de consommation. Ils considèrent ce dernier comme un utilitaire au service de la mécanique, non un remplaçant. Les deux pièces maitresses leur manqueront cruellement. Leurs voitures seront de moins en moins “cool” et tomberont dans les oubliettes de l’histoire, entrainant bon nombre d’équipementiers avec eux.
En résumé, le marché de la voiture grand public appartiendra aux constructeurs de batteries (probablement chinois), associés à un géant comme Google, dominant le logiciel. Le marché de la voiture cool sera l’apanage de Tesla, Apple, peut-être Nio en Chine. Il y aura du sang sur les murs pour les constructeurs traditionnels car il sont dans le métier de l’assemblage de milliers de pièces mécaniques, pas dans celui de les supprimer... A terme, je vois l’union du marché du smartphone et de la voiture électrique. Les fabricants de batteries de voitures électriques comme BYD ou CATL sont également dominants sur les batteries de smartphone. Bientôt, Tesla et Apple entreront en collision, non seulement sur la voiture électrique, mais également sur le smartphone…
Le récent débat sur l'énergie nucléaire, évoqué dans cet article, soulève des questions cruciales. Bien que souvent perçue comme une alternative propre aux énergies fossiles, la réalité semble plus complexe. Les risques environnementaux et sanitaires sont des aspects qu'il est impossible d'ignorer. Il est fondamental de prendre en compte tous les éléments avant de faire des choix déterminants pour notre avenir énergétique. D'ailleurs, les professionnels de https://sherbrookelectricien.ca/ sont bien conscients de ces enjeux, car ils doivent constamment évaluer les solutions les plus adaptées pour un développement durable.